Archive | janvier 2015

Le mystère de Callander Square, Anne Perry

mystère de Callander SuareVoici le deuxième épisode des aventures de Charlotte et Thomas Pitt. Charlotte, jeune femme issue de la haute-bourgeoisie, a épousé le beau Thomas Pitt, un policier d’extraction modeste, pourvu comme son épouse d’une grande intelligence. L’action se situe dans le Londres des années 1880, dans les beaux-quartiers et les milieux croyants et bien-pensants.

Deux cadavres de nouveau-nés sont découverts par des jardiniers dans Callander Square. L’enquête, confiée à Thomas Pitt, s’oriente vers la recherche d’une servante qui aurait accouché seule et en secret et aurait enterré les enfants mort-nés, fruits d’amours adultérines et ancillaires. La police interroge donc les domestiques qui vivent dans chacun des hôtels particuliers qui entourent Callander Square.

Face à ce nouveau mystère, Charlotte Pitt est trop curieuse pour rester inactive. Grâce à sa sœur Emily, introduite dans la bonne société, elle devient pour quelque temps la secrétaire particulière du Général Ballantyne qui cherche à mettre de l’ordre dans l’histoire de sa famille. Charlotte peut ainsi en savoir davantage sur ce milieu très fermé et aider Thomas dans son enquête.

Thomas et Charlotte vont de surprise en surprise. Presque chacune des familles qui habitent Callander Square cache un secret. Et la découverte des cadavres vient bouleverser un ordre établi qui repose alors sur des conventions sociales très fortes. Tout y est possible, pourvu que l’on n’en sache rien : la morale est sauve et c’est tout ce qui compte !

Dans ce second volet, Charlotte a mûri, même si elle a gardé la curiosité, l’insolence et l’intrépidité qui font le charme du personnage. C’est une femme intelligente qui s’intéresse davantage à l’histoire de son pays qu’aux potins mondains. Son mari, Thomas Pitt, reste toujours très professionnel, bien qu’il soit reçu avec peu d’égards par les membres de cette haute société londonienne qui font peu de cas de son intelligence et n’éprouvent aucun respect pour sa fonction, le cantonnant à la classe dont il est issu.

Dans Le mystère de Callander Square, Anne Perry nous montre à nouveau les fortes barrières sociales qui existaient dans l’Angleterre victorienne et la réalité des rapports entre maîtres et domestiques, tout en réussissant à ménager le suspense jusqu’au bout.

 

Le mystère de Callander Square, Anne Perry, traduit de l’anglais par Roxanne Azimi, 10/18, collection Grands Détectives, 383 p.

 

 

Livre lu dans le cadre du challenge Au service de chez The french book lover

Challenge Au service de

Pietra viva, en poche

pietra viva en pocheSi vous n’avez pas encore lu Pietra viva, voilà l’occasion, puisque le roman de Leonor de Récondo vient de sortir en format de poche.

Au printemps de l’année 1505, Michelangelo quitte Rome pour se rendre dans les carrières de Carrare afin de choisir des marbres de la plus belle veine. Il doit en effet réaliser le tombeau que le pape Jules II lui a commandé. Michelangelo s’installe pour six mois dans la région de Carrare. Pour seul bagage, il emporte un livre de Pétrarque que lui a remis Laurent de Médicis, ainsi qu’une bible offerte par Andrea, un jeune moine dont la beauté l’a stupéfié, et dont la mort inexpliquée le tourmente encore.

Michelangelo ne se montre pas sous son meilleur jour dans le village. Il éconduit le pauvre Michele, un enfant de six ans qui vient de perdre sa maman et aimerait tant parler d’elle à l’artiste qu’il admire. Mais Michelangelo reste distant, voire arrogant, enfermé dans sa propre douleur, celle de la mort d’Andrea, mais aussi celle que lui a causé il y a bien longtemps la perte de sa mère ou plutôt la perte du souvenir de sa mère. Enfant, il avait en effet enfermé le souvenir de sa mère dans une boîte qu’il avait ensuite enterrée. Depuis lors, il éprouve la douleur d’avoir oublié son visage.

Il faudra du temps à l’artiste pour comprendre que ses émotions sont elles aussi enfermées, comme ses souvenirs dans la boite. C’est le petit Michele, mais aussi le fou Cavallino, cet homme qui se prend pour un cheval et est amoureux de la belle jument blanche du pré, qui l’aideront sur ce chemin difficile. C’est également grâce à l’attention discrète de Maria, à la force qu’il admire en Chiara, et finalement en toutes les femmes, que Michelangelo finira par retrouver l’image de la mère aimée et trop tôt disparue. Son art en sortira grandi, renforcé, et plus talentueux encore. Et l’artiste plus vivant, comme le marbre qu’il taille au ciseau.

Pietra Viva est un très beau roman, celui de la naissance au grand jour d’une émotion, que je vous recommande tout particulièrement. Léonor de Récondo développe toute sa sensibilité en un texte court, à l’écriture fine et concise.

Pietra viva, Léonor de Récondo, éditions Points, collection Grands romans, 192 p.

« Le bouc émissaire », une imposture diabolique, de Daphné du Maurier.

le bous émissaireJohn est un Anglais d’âge mûr, célibataire, qui enseigne le français dans une université anglaise et passe toutes ses vacances en France, pays auquel il voue une vraie passion, à tel point qu’il regrette de n’y être qu’un étranger. En effet, bien qu’il parle un français parfait, John souffre de ne pas pouvoir être considéré comme un Français.

John se trouve à un âge où on fait le point, moment douloureux pour lui qui ne sait pas quoi faire de sa vie. Il décide d’aller chercher une réponse à ses questions à l’abbaye de la  GrandeTrappe où il compte séjourner quelques jours. De passage au Mans, il fait une rencontre étonnante, avec un Français qui lui ressemble en tous points : même stature, mêmes yeux, même sourire. Un véritable double qui, de surcroît, se prénomme Jean.

Après les présentations, Jean de Gué propose à John de partager un repas. Il lui parle de sa vie de châtelain et de sa famille qui l’étouffe et lui propose finalement d’échanger leurs vies, puisque leur ressemblance, digne de vrais jumeaux, le leur permet. John n’a pas le temps de réfléchir à cette proposition : Jean de Gué le fait boire et John se réveille seul le lendemain matin ; Jean de Gué a disparu, emmenant les vêtements de John, mais lui laissant ses affaires. Le chauffeur du Conte de Gué arrive et conseille à celui qu’il croit être son patron de rentrer au château où il est attendu.

John n’a plus qu’à enfiler les vêtements de Jean et à suivre le chauffeur, très étonné que celui-ci l’ait pris pour son patron. Il se rend donc au château où il fait connaissance avec la famille qui l’interroge sur son voyage à Paris, pensant avoir réellement affaire à Jean de Gué. John laisse entendre qu’il a réussi à négocier un contrat qui était primordial pour l’avenir de la verrerie familiale.

Il apprend peu à peu à connaître « sa famille », découvre sa femme, sa mère, sa fille, sa belle-sœur -avec qui il a une liaison- et même sa maîtresse, Bela, qui habite dans la petite ville de Villars. Il se fond dans cette vie, avec beaucoup de difficultés et de questions, tandis que la famille, quant à elle, n’y voit que du feu. La pression est palpable et l’on se demande comment John se sortira de ce mauvais pas. En effet, s’il s’est d’abord accommodé facilement de l’ occasion de devenir un vrai Français, John se rend compte qu’il a endossé la vie d’un personnage opportuniste peu soucieux des autres. Néanmoins, doté d’un caractère à l’opposé de celui de Jean de Gué, il a le souci de bien faire et la volonté de résoudre les problèmes de la famille et de la verrerie, dûs en grande partie à la désinvolture de Jean de Gué.

Le bouc émissaire a été publié alors que Daphné du Maurier était déjà célèbre grâce à Rebecca. On y retrouve un univers familial assez malsain, autour de relations humaines complexes. L’intrigue est située dans la Sarthe, région dont le grand-père de Daphné du Maurier était originaire, et que la romancière avait visitée peu de temps avant d’écrire ce livre. On ressent également dans le roman le poids de l’histoire et notamment celui de la Seconde guerre mondiale avec l’évocation de la Résistance et de la Collaboration, dont on parlait encore très peu en 1957.

Même si le suspense et la tension ne m’ont pas paru aussi forts que dans Rebecca, Le bouc émissaire est un roman très prenant autour de la question de l’identité, et de la notion de bien et de mal dont John et Jean sont chacun un représentant. Un roman psychologique à ne pas manquer, plein de noirceur coupable et de rédemption, comme peut l’être l’âme humaine.

 

Le bouc émissaire, Daphné du Maurier, traduit de l’anglais par Danièle Van Moppès, Editions Phébus, Paris, 1996, 375p.

 

Livre lu dans le cadre du Challenge Un classique par mois, chez Stephie

Challenge un classique par mois

Le livre du roi, une course au trésor littéraire

9782757846490Valdemar est un étudiant islandais passionné de littérature nordique et d’histoire, qui imagine passer sa vie entre les rayonnages d’une bibliothèque à étudier les anciens manuscrits islandais. Autant dire qu’il a peu de goût pour les voyages et l’aventure ! S’il choisit de poursuivre ses études à l’Université de Copenhague, c’est parce que sont conservés dans la Bibliothèque royale de Copenhague, les précieux manuscrits constituant le patrimoine littéraire islandais. Nous sommes en 1955, une dizaine d’années après l’indépendance de l’Islande qui appartenait jusqu’alors au Danemark. La lutte pour l’indépendance islandaise est presque achevée : reste ce patrimoine national, encore aux mains des Danois, que les Islandais amoureux de leur littérature aimeraient récupérer.

Parmi ceux-ci, le nouveau professeur d’études nordiques de Valdemar, un Islandais installé à Copenhague, qui a consacré sa vie à l’étude des vieux manuscrits. Valdemar se rend à la rencontre de cet homme, armé d’une lettre de recommandation de son ancien professeur à Reykjavik. La première entrevue n’est pas très concluante, mais après quelques jours, le professeur, qui a eu le temps d’évaluer les compétences du jeune étudiant en matière de déchiffrage des manuscrits anciens, donne sa confiance à Valdemar, bien au-delà d’ailleurs de ce que le jeune homme espérait.

Le professeur use en effet de son influence pour entraîner son étudiant dans une quête périlleuse à travers l’Europe du Nord, sur les traces d’un fascicule perdu du Livre du Roi, lequel fait partie de l’Edda poétique, source essentielle de la mythologie nordique et œuvre centrale du patrimoine littéraire islandais.

L’aventure réserve bien des surprises à Valdemar qui découvre en son professeur un homme difficile à vivre mais attachant, prêt à tout pour sauver Le livre du roi et pour racheter un passé dont il n’est pas coupable. Rien n’arrête en effet le professeur : pillage de tombe, effraction, confrontations avec des criminels, poursuite d’anciens nazis… Indridason emmène le lecteur dans une course effrénée aux limites de la légalité qui conduira les deux chercheurs jusque dans les cellules de la RDA, la cale d’un navire ou les bas-fonds d’Amsterdam.

Le livre du roi n’est pas vraiment un polar. Livre d’aventures sur fond historique et littéraire, il est très intéressant par les thèmes évoqués : l’apport de la littérature au sein d’un patrimoine culturel, le pillage des œuvres d’art par les nazis, la conservation des œuvres d’art dans des pays auxquels elles n’appartiennent pas. Il nous en apprend beaucoup sur le patrimoine littéraire de l’Islande, ainsi que sur l’histoire de l’indépendance de ce pays.

Mais j’attendais mieux du Livre du roi et j’ai été déçue par la façon dont Indridason a traité le sujet. Le début est assez lent, et parfois complexe lorsque l’auteur passe en revue les différentes œuvres littéraires de son pays et les nombreux auteurs dont les noms se confondent pour nous francophones. Une rapide recherche sur internet m’a pourtant permis de comprendre tout cela très facilement ! La suite, beaucoup plus rapide et rocambolesque, est parfois peu crédible, et les répétitions sont nombreuses. C’est dommage, car le sujet est passionnant pour tous les amateurs de littérature et d’histoire. Pour autant, j’ai passé un bon moment et il me semble que Le livre du roi constituerait un excellent scénario pour le cinéma !

 

Le livre du roi, Arnaldur Indridason, traduit de l’islandais par Patrick Guelpa, Editions Points, n°P3388, novembre 2014, 426 p.

 

Livre lu dans le cadre du Challenge Nordique.

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Une histoire romantique, d’Antonio Scurati

 

une histoire romantiqueJ’ai choisi Une histoire romantique car je pensais avoir affaire à une lecture facile, distrayante, autrement dit, parfaite pour la période chargée des fêtes. Comme le titre et l’illustration de la couverture, –Le baiser, de Francesco Hayez- le suggèrent, Une histoire romantique nous raconte bien sûr une histoire d’amour. Mais celle-ci est finalement secondaire : Antonio Scurati nous offre avant tout un roman historique qui nous dévoile une page peu connue de l’histoire de l’Italie, celle du « Risorgimento », période qui a précédé et préparé l’unification de l’Italie. Une histoire romantique se veut en effet fidèle aux faits et personnages historiques, même si quelques personnages sont nés de l’imagination de l’auteur pour répondre aux exigences de la narration.

Parmi ceux-ci, le sénateur Italo Morosini. Nous sommes en 1885 et Morosini reçoit un manuscrit anonyme qui le ramène quarante ans plus tôt, en mars 1848, alors qu’il participait aux Cinq Glorieuses, épisode révolutionnaire pendant lequel les patriotes milanais ont repoussé l’occupant autrichien. Toute la première partie du livre est constituée par ce roman anonyme qui raconte l’histoire des derniers jours de Jacopo Izzo Dominioni, jeune noble patriote qui est amené à se battre sur les barricades afin de libérer la ville de Milan de l’occupant autrichien. Au cours de ces cinq journées décisives, naît également une véritable passion entre Jacopo et Aspasia, jeune fille fiancée à Italo, un ami de Jacopo qu’ils trahissent tous les deux au cours de la seule nuit que dure leur amour. Lors des mois suivants, Jacopo et Aspasia entretiennent une relation épistolaire passionnée, tandis que Jacopo poursuit la guerre contre l’armée autrichienne dans les montagnes du Nord de l’Italie, avant d’être retrouvé mort, au bord d’un chemin.

Retour en 1885. Le sénateur referme le livre anonyme, abasourdi : son mariage reposait depuis quarante ans sur cette trahison ! Toutes ces années, bâties sur un mensonge ! Il a en effet épousé Aspasia, peu après les Cinq Glorieuses. Aspasia est toujours sa femme, même s’ils ne se parlent plus guère.  Qui lui a fait parvenir ce roman anonyme, alors que le sénateur prépare justement une cérémonie de commémoration pour les héros des Cinq Glorieuses ? Cela aurait-il un quelconque rapport avec cet anarchiste rencontré dans un café de Milan ?

La seconde partie du roman emmène le lecteur en 1885, dans une Italie qui peine à réaliser son unification, au sein d’une Europe secouée par des attentats anarchistes. Je n’en dirai pas plus sur la fin du roman qui nous réserve une surprise, maintenant ainsi le lecteur en haleine. La seule critique que je formulerai concerne donc le titre et le choix de l’illustration de couverture qui ne reflètent pas la qualité du roman, même s’ils sont parfaitement justifiés : l’histoire revêt un aspect romantique par l’intrigue sentimentale qui la sous-tend, la période des Cinq Glorieuses se déroule en plein romantisme et de nombreux auteurs romantiques européens sont évoqués, enfin le tableau de Francesco Hayez, Le baiser, joue un rôle dans l’histoire elle-même.

Pour autant, le roman d’Antonio Scurati est bien davantage qu’une histoire romantique, et risque donc de rebuter les lecteurs qui s’attendaient à un roman sentimental. Les descriptions de l’insurrection milanaise et des batailles contre l’occupant étranger sont détaillées et l’ouvrage dans son ensemble est riche en citations et références extraites d’œuvres littéraires, musicales ou picturales du dix-neuvième siècle et, dans une moindre mesure, du vingtième siècle, comme l’explique l’auteur dans les deux derniers chapitres de l’ouvrage. Au total, il s’agit d’un texte de qualité que l’auteur a voulu semblable à un roman populaire de l’époque qu’il retrace, qui est d’une grande richesse et qui nous apprend beaucoup sur cette période de l’histoire de l’Italie.

Une histoire romantique, Antonio Scurati, traduit de l’italien par Dominique Vittoz, Flammarion, Paris, Novembre 2014, 456p.

 

Lecture réalisée dans le cadre du Challenge Il viaggio chez Eimelle,  du Challenge Histoire chez Lynnae, et du Challenge romantique chez Claudia Lucia.

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