Luisa et Paolo arrivent sur l’Ile. Ils ont d’abord traversé le Détroit depuis la Grande île, sur laquelle ils étaient arrivés après de longues heures de voyage en ferry. Avant, il avait fallu rejoindre le port, surtout pour Luisa qui arrive des montagnes. Un long périple pour retrouver leur proche.
Sur l’Ile, il leur faut encore monter dans une camionnette conduite par un chauffeur qui se joue des lacets vertigineux de la route défoncée surplombant la mer. A toute vitesse, car il faut arriver à l’heure et surtout être de retour rapidement à l’embarcadère pour repartir avant que la tempête ne se déclenche. Elle menace en effet, portée par le mistral qui balaie la Méditerranée.
Luisa et Paolo ne se connaissent pas. Ils n’ont qu’un point en commun : ils sont tous deux emmenés vers la Spéciale, la prison isolée au fin fond de l’Ile, là où les détenus sont placés en quartier de haute sécurité. Luisa et Paolo ont en effet le même but, rendre visite à un parent détenu. Pour Paolo, professeur de philosophie qui ne veut plus enseigner, c’est un fils unique, jeune bourgeois épris d’égalité au point de devenir révolutionnaire et de basculer dans le terrorisme. Quant à Luisa, mère de cinq enfants qui l’aident au travail de la ferme, c’est un mari, de ceux qui se laissent mener jusqu’au meurtre par un tempérament impétueux, encore agacé par l’alcool.
Une fois la visite accomplie, il faut repartir au plus vite. Mais un contretemps empêche la camionnette d’arriver à temps : voulant éviter la tempête, le bateau a levé l’ancre. Luisa et Paolo doivent dormir sur l’Ile, et c’est Pierfrancesco Nitti, agent pénitentiaire, qui est chargé de les surveiller. Personne ne peut en effet passer la nuit sur l’Ile librement, depuis qu’une évasion a été organisée par la femme d’un ancien détenu.
Pierfrancecso accueille d’abord les deux naufragés chez lui. Sa femme leur prépare un repas de la mer, qu’ils ont aidé à pêcher. Puis, Paolo, Luisa et Pierfrancesco s’installent dans un bâtiment en construction pour passer la nuit. Une nuit douloureuse et salvatrice, où ils laissent couler leur chagrin, chacun à leur manière. Une nuit qui ne va rien changer à leur situation, mais qui va tout changer en eux.
« Plus haut que la mer » est un très beau roman qui nous parle de ceux auxquels on ne pense jamais, ceux qui sont oubliés et qui supportent la douleur infinie d’avoir un proche qui est passé à l’action, qui a tué, parfois de ses mains. Ceux qui sont punis toute leur vie d’avoir élevé un enfant qui est devenu un monstre, d’avoir choisi un mari qui n’a pensé qu’à lui, qui ne s’est pas soucié de ses enfants, ni de leur mère. Ceux qui se battent courageusement pour aider ce proche, poussés par l’amour inconditionnel, comme Paolo, ou par le sens du devoir, comme Luisa. Et ceux qui ont choisi par leur métier de côtoyer des prisonniers, comme Pierfrancesco, et se trouvent confrontés à une violence en eux qu’ils ne soupçonnaient pas.
Le roman se situe à la fin des années soixante-dix, les années de plomb pour l’Italie qui fut victime du terrorisme révolutionnaire des Brigades rouges : il pose également la question de l’engagement politique et philosophique et de ses dérives extrémistes, de la laideur des mots, de leur rare coïncidence avec les choses, de l’inadéquation entre les mots et les actes.
« Paolo se sentit soudain fondre de tendresse et de tristesse pour elle : il mesura brusquement à quel point elle était peu habituée à recevoir des attentions. Il éprouva le désir fou de trouver les mots pour la persuader de son droit à être assise à son aise, à se laisser offrir la meilleur pace par un étranger, à être traitée avec les égards dus à une femme. Des mots miraculeusement adéquats qui la dédommageraient d’années passées à recevoir la poussière sur la figure, mal installée et seule. Mais il ne peut que lui dire d’un ton tellement assuré qu’il parut presque brutal : « parce que vous êtes une dame ». (p132)
« Elle pleura sa propre peur de jeune épouse au sommet de la montagne. Elle pleura la première fois où on l’avait invitée à danser, elle pleura le beau sourire dont elle était tombée amoureuse. Elle pleura les fouilles dans les antichambres des parloirs… ». (p162)
Un de mes coups de cœur 2015 !
Plus haut que la mer, Francesca Melandri, traduit de l’italien par Danièle Valin, Gallimard, Paris, Janvier 2015, 203 p.
Livre lu dans le cadre du mois italien d’Eimelle, lecture commune du 23 octobre.
Superbe critique ! Ce livre va rejoindre ma pal, merci.
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Merci. J’espère qu’il te plaira !
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Très belle chronique ! je ne connaissais pas, merci pour la découverte 😉
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Merci. J’ai découvert aussi cette auteure récemment, et cela vaut la peine !
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un très beau texte!
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Oui, très bien écrit. Je me suis sentie vraiment plongée dans l’atmosphère de cette île.
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Un roman sensible et bouleversant. J’en ai apprécié toute la finesse et la poésie qui s’en dégage… sans oublier la réflexion qu’il provoque!
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C’est en effet une très bonne analyse du roman, en quelques mots. Entièrement d’accord, sur le fond et la forme !
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C’est un livre magnifique que j’ai lu dès sa parution car j’avais déjà bien aimé le premier roman de l’auteur : Eva dort
c’est très réussi avec une belle écriture
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Oui en effet. Je n’ai pas lu « Eva dort » mais cela ne saurait tarder…
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Une merveille d’écriture et de sensibilité.
Un coup de cœur total .
Et un deuxième bonheur de lecture après « Eva dort »;
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Un coup de cœur pour moi aussi. J’espère qu' »Eva dort » me plaira autant.
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très belle critique. ce livre rejoint ma PAL j’ai découvert plusieurs auteurs italiens grâce à ton blog et je vais pouvoir me faire un petit mois italien l’an prochain…
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Merci Eve. Je crois que le rendez-vous du mois italien sera désormais incontournable. Si Eimelle est d’accord 🙂
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tout à fait!!!
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je me joins au choeur des enthousiastes. Je reviendrai sur ton blog
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Merci de ta visite ! Oui, quel enthousiasme en effet pour ce roman !
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Ce livre semble faire l’unanimité
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Presque ! J’ai lu la chronique de Valérie, de Plaisir de lire, qui a un avis plus mitigé. Il y a également beaucoup d’avis positifs sur le premier roman de Melandri, « Eva dort ». Une auteure que je suivrai, en ce qui me concerne.
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