Villa triste, Patrick Modiano

Nous sommes en 1962, dans une station thermale française, située au bord d’un lac et à proximité de la frontière suisse. Le narrateur a dix-huit ans et se cache sous une fausse identité dans cette petite ville où il se sent en sécurité. Il fait la connaissance d’Yvonne Jacquet, une jeune starlette, et du docteur René Meinthe, de quelques années son aîné.

Comme à son habitude, Modiano brouille les pistes. La description de la ville thermale évoque Evian, son casino, ses grands hôtels, son funiculaire, ainsi que les lumières de la Suisse sur l’autre rive du lac Léman. Mais la toponymie emprunte également beaucoup d’éléments à Annecy; ainsi, les noms des localités voisines sont ceux des villages qui bordent le lac d’Annecy, il y a la chaîne des Aravis…

De la même façon, on ne sait pas exactement ce que fuit Victor Chmara, le narrateur. Ni quelle est la vraie teneur de la relation qui s’installe entre les protagonistes. Ni enfin quelle est la véritable activité du docteur Meinthe, dont l’homosexualité est quant à elle -et de façon négative- revendiquée : quelques suppositions seulement, suggérées par l’auteur. Et c’est toute la magie de l’écriture de Patrick Modiano qui, une fois de plus, nous emmène dans une atmosphère délicieusement désuète et surannée, qui ne pouvait s’illustrer mieux que dans cette petite ville thermale.

Les soirées des héros se satisfont d’un concours d’élégance aux gestes étudiés. Les activités du docteur Meinthe sont mystérieuses; elle ne sont jamais précisées, mais de l’avis du narrateur, elles sont « étranges et inquiétantes ». Elles sont sans doute liées à la guerre d’Algérie, à la proximité de Genève, plaque tournante de réseaux de toutes sortes.

« Villa triste » n’est pas un roman triste, même s’il évoque une certaine nostalgie : celle du narrateur qui, quinze ans après, revit un moment de sa jeunesse. A côté de celui de la jeunesse perdue, le thème du déracinement est central dans le roman. Victor Chmara cherche ses racines ; il envie Yvonne qui semble être originaire de cette petite ville, bien qu’elle n’en dise rien. Mais les souvenirs sont volatiles, il s’effacent avec le temps qui enveloppe tout d’une aura mystérieuse…

Modiano ne laisse généralement pas indifférent : en ce qui me concerne, je suis particulièrement sensible au charme flou de son oeuvre, qui distille une petite musique douce, qui habille la pudeur de l’auteur d’un voile énigmatique…

 

Villa triste, Patrick Modiano, Folio n°953, 1977, 209 p.

 

A lire également :

-Le Paris de Modiano.

-Dans le café de la jeunesse perdue.

 

 

 

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