Gaston Auberger est un homme qui s’ennuie, sans doute « par excès d’imagination ». Il préfère alors ériger son ennui en système, de peur d’attendre que des surprises naissent de la nouveauté et d’être inexorablement déçu. Il s’organise donc une petite vie régulière dont il n’a rien à espérer. La quarantaine bien sonnée, il épouse Julie, jolie jeune fille de dix-huit ans, assez mûre pour comprendre le caractère de son mari et les raisons de ce mariage.
Contre toute attente, le mariage est heureux pendant plusieurs années. Les époux sont remplis d’attentions l’un envers l’autre. Mais la jeune femme va tomber amoureuse, même si elle ne le sait pas encore car son intérêt pour François Hartog ne fait que s’éveiller. Elle éprouve une sensation indicible car « les premiers mouvements d’un cœur sont si ténus que les mots les plus légers pèseraient trop ».
Jacqueline Harpman dissèque les sentiments pour mieux les analyser. Les premiers émois, puis les étapes de la relation naissante entre Julie et François, les repas entre amis, les réflexions des mères, sont l’occasion pour l’auteure de décortiquer les pensées pour nous montrer que certains calculent et d’autres pas. D’ailleurs, l’apparente innocence de Julie est-elle réelle ? Elle veut rompre, puis se ravise. Elle « aime énormément » son mari, le verbe ne peut se passer de l’adverbe quand elle parle de lui. Au contraire, elle « aime » François. Les mots sont révélateurs.
« Brève Arcadie » est le premier roman que Jacqueline Harpman a publié. Elle a remporté le prix Rossel en 1959 pour ce texte qui fut alors comparé à « La princesse de Clèves ». C’est en effet un récit très classique qui nous rappelle l’œuvre de Madame de la Fayette, par sa forme mais aussi par son propos. L’écriture est classique, elle sera jugée désuète par certains : les imparfaits du subjonctif pourront rebuter; ce n’est pas mon cas et j’aime à me replonger dans ce type d’écriture qui confère une grande élégance à l’ouvrage. Jacqueline Harpman a en outre le sens de la formule et emploie de très jolies tournures. Ceux que cela peut agacer s’orienteront plutôt vers ses romans des années nonante, beaucoup plus modernes dans leur expression.
Brève Arcadie, Jacqueline Harpman, Editions Labor, collection Espace nord, Bruxelles 2001, 223 p.
Lu dans le cadre du mois belge et du challenge Objectif Pal chez Antigone.
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Ah je ne connais pas du tout ce premier roman, voilà déjà une tentation à noter !
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Le côté « Princesse de Clèves » ne serait pas pour me déplaire : j’ai adoré ce roman !
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Un roman qui a l’air délicat (mais sans pitié ?) Je le note à ma liste déjà longue de romans de Jacqueline Harpman que j’ai envie de lire.
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Intéressant !! 😉
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