Archive | janvier 2020

Chroniques du hasard, Elena Ferrante

 

Quand le journal britannique The Guardian a proposé à Elena Ferrante de tenir une chronique hebdomadaire dans ses pages, l’auteure italienne a d’abord été effrayée : peur de ne pas tenir le rythme, de ne pas réussir à écrire par obligation, de regretter l’enfermement de cet exercice. Puis, « la curiosité l’a emporté ».

Un an et cinquante-et-une chroniques plus tard, Elena Ferrante admet que l’exercice lui a été « bénéfique », même si elle avoue ne plus jamais vouloir renouveler « une telle expérience » pendant laquelle elle n’est jamais parvenue à « se libérer de certaines craintes », vis-à-vis du lecteur notamment.

Quoi qu’il en soit, le petit recueil que publie Gallimard est très intéressant, principalement pour les lecteurs d’Elena Ferrante qui, comme moi, sont intrigués par le personnage, et par la distance qui existe entre certains de ses livres (la saga de « L’amie prodigieuse » et le tout dernier roman non encore traduit en français « La vita bugiarda degli adulti ») et ses romans plus anciens (« L’amour harcelant » ou « Poupée volée » par exemple).

A travers ces articles, Elena Ferrante donne une certaine image d’elle-même, préoccupée par ses lecteurs, mais aussi beaucoup par la marche du monde et la condition humaine, celle des femmes notamment, ayant peu confiance en elle, doutant de son écriture. Si le journal The Guardian a fixé chaque semaine le thème de sa chronique, tel un devoir à rendre, Elena Ferrante s’est efforcée d’y répondre du mieux possible, dans l’urgence, en partant toujours de son rôle d’auteure de romans.

Le tout donne donc un éclairage intéressant qui vient compléter « Frantumaglia », recueil de lettres, d’entretiens et de correspondances qui explore les thèmes chers à Elena Ferrante.

 

Chroniques du hasard, Elena Ferrante, traduit de l’italien par Elsa Damien, illustrations de Andrea Ucini, Gallimard, Paris, septembre 2019, 175 p.

 

Et toujours les Forêts, Sandrine Collette

La vie de Corentin avait mal commencé : enfant non désiré, né d’une mère qui a passé sa vie à regretter de ne pas l’avoir abandonné à la naissance, il découvre que l’amour de celle qui l’élève est dicté par l’argent. Seule Augustine, son arrière-grand-mère, finit par l’aimer et le comprendre. Mais à l’âge des études, la Grande Ville et ses lumières retiennent Corentin qui rentre de moins en moins souvent aux Forêts rendre visite à Augustine.

Et puis, un jour, alors qu’il participe à une fête arrosée dans les Catacombes de la Grande Ville, une catastrophe dévaste la terre, brûlant tout sur son passage. Instantanément. Caché sous terre, Corentin est sauf, mais lorsqu’il remonte à la surface, il découvre qu’il n’y a plus rien : plus de végétation, d’animaux, de bruit même. Plus que des cadavres carbonisés qui s’entassent. La sidération passée, mais passe-t-elle vraiment d’ailleurs, il faut survivre. Corentin part vers le seul endroit qu’il connait : Les Forêts, à la recherche de la seule personne qui l’a aimée et qui l’aime : Augustine…

Avec « Et toujours les Forêts », l’année littéraire commence très fort : ce roman post- apocalyptique, très noir, où règne la solitude et l’hostilité, fait de l’espérance une denrée rare. Le héros est un modèle de courage et d’obstination. S’il impose sa volonté de façon brutale, c’est par instinct de survie. Il en est presque réduit à l’état sauvage, puisque l’humanité n’existe plus. Mais il décide de la faire renaître, envers et contre tout. Et si le final nous laisse un peu d’espoir, il faudra longtemps, très longtemps… peut-être.

Alors si vous n’aimez pas ce genre très en vogue, si vous voulez de la légèreté, passez votre chemin. Car ici, le message est clair : les hommes ont exagéré, ils sont responsables de la destruction de la terre. Mais si comme moi, vous aimez les romans post-apocalyptiques, alors celui-ci est diablement efficace et assez poétique.  Et il est français, ce qui n’est pas si fréquent dans ce genre.  Mais le roman de Sandrine Collette est très noir, davantage à mon avis que « Dans la forêt » de Jean Hegland, auquel il me fait penser, même si l’écriture est très différente et fait ici l’objet d’un vrai travail. J’ai juste regretté qu’il manque une petite bouffée d’oxygène (tel le théâtre dans « Station eleven » qui reste mon préféré).

 

Et toujours les Forêts, Sandrine Colette, Jean-Claude Lattès, décembre 2019, 334 p.

 

Mes souhaits pour 2020 !

Mes voeux n’arrivent jamais très tôt, mais n’oublions pas que nous avons tout le mois de janvier pour souhaiter le meilleur à notre entourage !  L’année dernière, ma rentrée sur le blog était précoce -pour moi-, et le 4 janvier, j’avais choisi de mettre l’accent sur trois travers de notre temps, en les formulant de façon positive : je voulais que le monde tourne moins vite, s’agissant en particulier des médias et de la parution des livres, j’espérais la renaissance des petites librairies indépendantes et enfin, je souhaitais que les centres des villes redeviennent les lieux de shopping et de rencontres qu’ils étaient avant.

Mon bilan est mitigé, puisque pendant l’année 2019, la librairie qui était à 300 mètres de chez moi a fermé, me privant d’un plaisir qui était au moins hebdomadaire. Pour le reste, rien n’a changé fondamentalement, mais j’ai l’impression que de plus en plus de gens, dont beaucoup de jeunes quand même, ont les mêmes préoccupations que moi dans ce domaine. J’espère que ce n’est pas qu’une impression. Et puis, je me suis tenue à l’essentiel de mes résolutions de janvier 2019, puisque je n’ai acheté mes livres que dans de petites ou moyennes librairies indépendantes, j’ai fréquenté les centres-villes et privilégié les courses dans de petits magasins à proximité de chez moi, et enfin, j’ai essayé de ne pas entrer dans le jeu infernal de la rentrée littéraire, puisque je n’ai lu aucun livre avant sa parution.

Pour 2020, si je renouvelle mes vœux de 2019, j’ajouterai un nouveau souhait dans un domaine qui m’a particulièrement dérangée l’année dernière : Il s’agit du traitement réservé dans notre société aux personnes âgées.

Je voudrais donc qu’en 2020, on fasse particulièrement attention à nos concitoyens les plus âgés. En effet, dans beaucoup de cas, ils sont totalement exclus, conséquence d’un oubli pur et simple, et preuve s’il en fallait que dans les progrès technologiques, tout n’est pas bon à prendre. Ainsi, l’accès à l’information leur est souvent refusé : Internet et rien d’autre. Plus d’horaires, de formulaires, de renseignements imprimés… Dans le domaine écologique, si les préoccupations sont légitimes, la circulation des personnes âgées dans les grandes villes est de plus en plus difficile. Trottinettes et vélos ne sont évidemment pas pour elles, mais en plus, les deux-roues de tous types les menacent jusque sur les trottoirs. Et il devient parfois impossible de les conduire quelque part en voiture, de les arrêter devant l’endroit où elles doivent se rendre.

Voyager est aussi une aventure dans de nombreux cas, et j’aimerais que beaucoup de grévistes se retrouvent dans la situation de prendre le train avec une personne âgée un jour de grève… D’ailleurs, avez-vous remarqué que beaucoup d’endroits, à commencer par les nouvelles salles d’attente, privilégient le design et des bureaux pour travailler sur un portable, mais oublient de mettre à la disposition des voyageurs ce qu’ils attendent d’abord de ce genre d’endroit ? Des sièges nombreux et confortables, dans un espace chauffé en hiver, tout simplement. Et je ne parle pas des incivilités à l’égard de nos aînés, une table pour deux refusée au restaurant à une personne parce qu’elle est seule, et autres bousculades en tous genres… Sans compter les problèmes spécifiques à la campagne, que je connais moins, mais qui sont tout aussi dérangeants… Il y aurait tant à écrire sur ce sujet.

 

Pour 2020, je souhaite donc, comme l’année dernière, prendre le temps de lire sans céder à l’appel épuisant de la nouveauté, privilégier les petites et moyennes librairies et les petits commerces en général des centres de nos villes, petites ou grandes, et enfin, prêter attention aux personnes âgées, adopter leur point de vue pour se rendre compte de ce qu’elles doivent affronter tous les jours !

 

En attendant, je vous souhaite à tous une très bonne nouvelle année !