Niels est fabricant de leurres pour la pêche et le « bleu calypso » est son dernier-né. Fruit d’une longue expérience dans la pêche, sculpté à la main à partir d’une petite pièce de cèdre, le « bleu calypso » est une vraie réussite pour pêcher le loup, un poisson que Niels s’empresse de remettre à l’eau car sa passion est la pêche, seulement la pêche, à la différence du Vieux Bob, son voisin, excellent pêcheur lui aussi mais également fin cuisinier ; les deux hommes partagent parfois un délicieux « dos de loup rôti au beurre d’agrumes », mais plus souvent ils prennent ensemble une bonne bière, tout en échangeant de rares paroles. Vieux Bob n’est pas bavard.
Niels vit de la vente des leurres qu’il fabrique. Il a peu de besoins depuis qu’il s’est installé dans cette cabane au bord de l’étang, près du canal du Rhône à Sète. Il préfère profiter de la vie plutôt que de mener celle qui emprisonne la plupart de ses concitoyens. Sa routine quotidienne est toutefois bouleversée lorsqu’il découvre un cadavre dont le visage affleure dans l’étang. Elle l’est encore davantage lorsqu’il voit débarquer Lizzie, une journaliste hyperactive, qui est en réalité la fille du Vieux Bob. Parce qu’il avait une fille, celui-là ?
Niels se rend bien compte qu’il vit retranché du monde. D’ailleurs, il ne sait même pas qu’un premier cadavre a été découvert quelques jours avant sur un chemin des environs. Très vite, les gendarmes locaux arrivent, dirigés par le capitaine Malkovitch, de la section de recherches de Montpellier. L’enquête démarre et Niels, sans alibi, se retrouve aussitôt suspect.
Premier roman de Charles Aubert, « Bleu calypso » est très réussi. Dès le premier chapitre, j’ai été « ferrée », et pourtant ce n’était pas gagné puisque celui-ci évoque les leurres et la pêche. Mais l’auteur sait très bien happer notre attention et finalement, certains paragraphes consacrés à des techniques de pêche se sont révélés très intéressants, tout comme la façon dont l’auteur plante ses personnages qui m’ont intriguée d’entrée de jeu.
S’il m’a passionnée en ce qui concerne l’enquête, c’est l’atmosphère, la psychologie des personnages et l’écriture qui sont les points forts de « Bleu calypso ». J’ai particulièrement apprécié la description des éléments et certaines métaphores inattendues qui permettent à l’auteur de se forger un style bien à lui. Il y a également beaucoup d’humanité dans ce polar qui évite les détails sanguinolents pour se concentrer sur la psychologie des protagonistes et dans lequel, de temps en temps, l’auteur donne discrètement son avis sur notre monde, son organisation et ce qui pourrait aller mieux : il y a des éléments autobiographiques dans « Bleu calypso », Charles Aubert, comme son personnage, ayant abandonné un travail bien rémunéré dans une grande ville pour se consacrer à une activité manuelle, dans une maison située au bord de l’eau…
J’ai donc dévoré ce roman d’une traite, tout en ralentissant afin de savourer certains passages très beaux, notamment lorsqu’un orage déverse des quantités d’eau sur l’étang et la mer. Je me suis promis de me procurer rapidement le deuxième roman de Charles Auber, « Rouge tango », tout en espérant que l’auteur reçoive le prix Nouvelles Voix du polar dans sa catégorie !
Coup de cœur 2020 !
Bleu calypso, Charles Aubert, Pocket n° 17724, décembre 2019, 331 p.