Pour ce mois anglais, j’ai choisi de relire deux grands romans d’anticipation, qui sont des classiques du genre, parce qu’une discussion récente avec des étudiants a attiré mon attention sur le fait que ces deux romans n’étaient pas connus de tous, contrairement à ce que j’imaginais… En effet, si je vous dis « Big Brother », ou « les Alpha, les Bêta et les Epsilon », vous reconnaîtrez sans doute « 1984 » et « Le meilleur des mondes ». Reste à savoir lequel des deux romans est l’oeuvre de George Orwell, et lequel nous devons à Aldous Huxley ? L’essentiel n’est pas là, mais plutôt dans la vision que ces deux auteurs anglais ont eue du monde futur. Un monde qui n’est pas loin de se réaliser sous nos yeux… Alors, visionnaires, Huxley et Orwell ?
1984

George Orwell emmène le lecteur de 1949, à Londres, en 1984 : après avoir connu l’horreur des guerres nucléaires, le monde se trouve divisé en trois grands blocs dirigés par des puissances totalitaires qui sont en guerre les unes contre les autres, pour obtenir le contrôle du quart monde, un ensemble de territoires restés libres. Le héros principal de 1984, Winston Smith, vit à Londres, la capitale d’Océania. Il travaille au Ministère de la Vérité où il est chargé de remanier les archives historiques afin de les adapter à la thèse officielle du Parti. Mais Smith désapprouve ce travail et, décidant de résister, il commence à tenir un journal pour garder une trace de la vérité.
Mais le fonctionnaire est confronté à un problème de taille : il ne doit pas être vu du télécran qui trône dans son salon, comme dans toutes les habitations d’Océania. Cet écran distille en permanence la propagande du Parti, et permet également à celui-ci de contrôler ce qui se passe chez les habitants. Une sorte de webcam impossible à éteindre ! Winston réussit toutefois à se dissimuler dans un coin pour écrire, pas trop longtemps cependant pour ne pas risquer d’éveiller les soupçons de Big Brother quand il disparaît de son champ de vision.
Ce roman d’anticipation fait froid dans le dos quand on songe aux progrès techniques qui se sont réalisés dans le sens de ce que l’auteur annonçait, et à l’omniprésence des écrans qui en découle, comme dans 1984. Big Brother surveille les citoyens où qu’ils soient, quoi qu’ils fassent. Nous n’en sommes parfois plus très loin. Et puis, il y a aussi la novlangue et l’appauvrissement du langage, de la pensée et des concepts. Dans 1984, l’utilisation de la novlangue aboutit à la multiplication des slogans réducteurs, tels que « La guerre, c’est la paix », « La liberté, c’est l’esclavage », « L’ignorance, c’est la force » … !
Le meilleur des mondes

C’est le roman qui a rendu célèbre Aldous Huxley, dès sa parution en 1932. Huxley est pourtant aussi l’auteur de nombreux romans et essais, sans compter les nouvelles et récits de voyage. Cet auteur britannique, né en 1894 dans le Surrey et mort à los Angeles en 1963, s’est intéressé aux conséquences des programmes scientifiques pour l’humanité. Plus qu’un écrivain, ce fut un intellectuel, un penseur humaniste.
Alors que « 1984 » est plutôt un roman d’anticipation politique, « Le meilleur des mondes », relève plutôt de l’anticipation scientifique. L’humanité y est regroupée au sein d’un Etat mondial. Seul quelques « sauvages » vivent encore dans des réserves. Les êtres humains naissent dans des laboratoires où ils ont été fabriqués, puis ils sont conditionnés de différentes manières, en fonction du travail auquel ils sont destinés. Ainsi, les Alphas recevront un enseignement soigné car ils formeront l’élite de la société. À l’autre bout de l’échelle sociale, se trouvent les Epsilons, dont on a freiné le développement tant physique qu’intellectuel, puisqu’ils sont programmés pour exécuter des taches manuelles sans difficulté !
Dans ce « Meilleur des mondes », la contraception est généralisée et obligatoire, et la maternité est taboue. Elle fait de la future mère, espèce rebelle heureusement en voie de disparition, un paria de la société ! Le sexe reste un loisir, comme le Soma, drogue distribuée aux travailleurs qui peuvent plâner tout le week-end en attendant de recommencer la semaine suivante : ainsi anesthésiés, ils ne se révolteront pas !
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Ces quelques paragraphes ne suffisent pas à résumer deux œuvres brillantes de la littérature anglaise du XXème siècle. Mon propos n’était pas de les analyser ; il y aurait en effet tant à dire quant aux références historiques, économiques et politiques sur lesquelles elles sont fondées (ainsi que littéraire, « Brave new world » faisant référence à la fois à Shakespeare et Votaire) ! Ces deux romans sont également très différents, même s’ils se complètent. Mais je voulais juste rappeler combien leur lecture était utile et nécessaire à la compréhension du monde actuel. C’est ce qui fait les grands auteurs !
Et vous avez-vous lu l’un de ces deux romans ? Les avez-vous étudiés à l’école, à l’université ? Les avez-vous découvert ensuite et lequel avez-vous préféré ?
1984, George Orwell, traduit de l’anglais par Amélie Audiberti, Folio n°822, Paris, 2009, 408p.
Le meilleur des mondes, Aldous Huxley, traduit de l’anglais par Jules Castier, Pocket n° 1438, 2011, 319 p.
Livres lus dans le cadre du mois anglais chez Titine, Lou et Cryssilda.
