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Dictionnaire insolite de Naples, Maria Franchini

 

Naples est une ville que l’on adore ou que l’on déteste : les sentiments que l’on éprouve à son égard sont à son image, ils ne supportent pas la demi-mesure. La ville est en effet tout à la fois superbe, sale, d’une infinie richesse culturelle, bruyante, animée, polluée, baignée par une baie magnifique, striée de rues sordides, desservie par un métro qui est une œuvre d’art et qui brille de propreté, caractérisée par une gastronomie délicieuse et un peuple gai, vif, accueillant et tant d’autres choses encore…

Si comme moi Naples vous passionne, je vous conseille ce « Dictionnaire insolite de Naples » concocté par Maria Franchini. Il regorge d’informations culturelles, historiques, culinaires et d’anecdotes sur la cité parthénopéenne. Vous apprendrez ainsi que la pizza Magherita n’a pas été inventée en l’honneur de la reine Marguerite de Savoie, comme on le dit généralement, mais qu’elle lui a été simplement offerte : la Margherita existait depuis longtemps et tirait son nom de sa forme initiale, en pétales de fleurs. Vous saurez ce que veut dire « faire les Saints-Sépulchres », ce qu’étaient les « jeux isolympiques », pourquoi il y a moins de femmes battues au sud qu’au nord de l’Italie, que « klaxonner » en napolitain se dit « Sunà » qui veut dire « jouer d’un instrument » … ce qui explique beaucoup !

Pour ce qui est du domaine littéraire, j’ai appris que Maria Orsini Natale est l’auteure d’un roman devenu classique qui avait manqué de peu le fameux prix Strega. Il serait passé inaperçu en France, peut-être en raison d’un titre malheureux en français, « La main à la pâte », une anecdote qui m’a tout de suite donné envie de m’intéresser à ce roman napolitain (vous le connaissez ?) que Maria Franchini présente comme « une saga captivante tissée dans un canevas empreint d’humanité et de sensualité. En toile de fond, l’histoire du Sud de 1849 à 1940 ».

Voilà une lecture à la fois divertissante et enrichissante que je vous recommande tout particulièrement, que vous envisagiez un voyage à Naples ou non : ce petit dictionnaire vous fera voyager de toute façon.

Dictionnaire insolite de Naples, Maria Franchini, Cosmopole, Paris, 2015, 158 p.

 

Participation au mois italien chez Martine et au challenge Objectif Pal chez Antigone

Le pouvoir au féminin, Elisabeth Badinter.

le-pouvoir-au-femininPhilosophe et femme de lettres, Elisabeth Badinter éclaire souvent l’actualité de ses considérations avisées, mais elle est avant tout une spécialiste des Lumières. C’est avec cette période historique forte qu’elle renoue dans l’ouvrage qu’elle consacre à Marie-Thérèse d’Autriche, personnage que l’on connaît peu, si ce n’est pour avoir été la mère de Marie-Antoinette.

L’impératrice d’Autriche fut en effet bien davantage : impératrice-reine, et non épouse de l’empereur, elle dirigea pendant quarante ans un pays qui constituait alors le plus grand empire européen. Marie-Thérèse fut aussi l’épouse d’un mari qu’elle adorait malgré son tempérament volage, et surtout, la mère aimante et présente, -malgré les responsabilités et la charge de travail- de seize enfants !

Trois vies donc, ou plus exactement, trois rôles différents que Marie-Thérèse d’Autriche a su concilier avec le plus grand succès. C’est ce qu’Elisabeth Badinter a voulu mettre en avant, dans un essai historique qui est davantage un portrait qu’une biographie, même si l’ouvrage en épouse souvent les contours. Ainsi, l’auteure évoque les aïeux de Marie-Thérèse pour souligner que celle-ci n’était en rien prédestinée au trône, bien au contraire, puisque Marie-Thérèse a accédé au pouvoir en raison de l’absence d’héritier mâle.

Si son enfance sereine ne l’avait pas préparée à ses charges futures, Marie-Thérèse avait cependant une prédisposition précieuse : sa faculté d’endosser différents rôles et son talent de comédienne, qui allaient lui assurer le succès en matière de politique et de diplomatie. Elle était également très ambitieuse, trait de caractère hérité de sa grand-mère maternelle, conforté par le modèle que représentait les femmes fortes de son entourage.

Jeune femme déterminée, Marie-Thérèse épousa le duc François-Etienne de Lorraine dont elle était très amoureuse. Elle lui était aussi totalement dévouée, ce qui donna l’impression qu’elle allait jouer les « seconds rôles ». Marie-Thérèse était pourtant loin de laisser son mari diriger l’empire, malgré la corégence qu’elle avait instituée. Elle avait toutefois l’intelligence de « conserver à son époux l’apparence de l’autorité et du prestige » surtout lorsque celui-ci connut les revers et humiliations qui aboutirent à la cession du duché de Lorraine au roi de France

Ainsi, Marie-Thérèse ne partageait pas réellement le pouvoir, et son attitude s’est raffermie avec le temps. Dès son arrivée aux affaires en 1740, elle découvrit la faillite dans laquelle se trouvait le pays. Un défi qu’elle releva aussitôt, d’autant que le prussien Frédéric II s’était déjà emparé de la Silésie. La guerre de succession d’Autriche commençait ; à cette occasion, Marie-Thérèse révéla de nombreuses qualités : le caractère et l’élévation d’âme dont elle faisait preuve commencèrent à susciter l’admiration des observateurs.

La maternité était assumée, voire revendiquée, et Marie-Thérèse n’hésitait pas à jouer de son image :

« De la maternité privée à la maternité politique, il n’y a qu’un pas qu’elle a franchi dès son arrivée au pouvoir. Elle affirme dès le début et ne cessera de le répéter, qu’elle gouverne en mère bienveillante de son peuple. Image qui tranche agréablement à l’époque avec celle du souverain que l’on voit gouverner « en père sévère ». » (p164)

Marie-Thérèse a eu seize enfants. Elisabeth Badinter qualifie son long règne de « matriarcat triomphant » fondé sur sa réputation, ses qualités de fidélité et de courage, mais aussi sur un désir d’autorité, une détermination et un orgueil omniprésents. L’impératrice concevait son rôle de mère comme supérieur à celui du chef de guerre qui, n’étant pas sur le front, ne risquait pas de mourir au combat, alors que ses nombreuses maternités lui faisaient connaître la peur presque chaque année. « Nul doute » écrit l’auteure, « que cette double condition de virilité et de féminité, d’autorité et de soumission, n’ait donné à son règne sa marque spécifique et son originalité » (p219).

« Le pouvoir au féminin » est un ouvrage que je recommande aux férus d’histoire. A ne pas confondre avec une biographie romancée, il vise à mettre en avant la façon dont l’impératrice d’Autriche a su concilier sa vie d’épouse, de mère et de souveraine toute-puissante. Un livre passionnant, à l’époque où les grands empires européens rivalisaient d’ambitions.

Le pouvoir au féminin, Marie-Thérèse d’Autriche, 1717-1780, L’impératrice-reine, Elisabeth Badinter, Flammarion, Paris, novembre 2016, 365p.

 

Livre lu dans le cadre du challenge Femmes de lettres chez George.

dames de lettres