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Lady L. de Romain Gary

Publié en anglais en 1959, ce roman est ensuite traduit en français sous la supervision de l’auteur pour paraître au lendemain de la guerre d’Algérie, ce qui ne semble pas un hasard puisque Romain Gary y évoque l’action politique, le poids de l’idéologie et le terrorisme, même s’il situe l’action dans les milieux anarchistes français de la fin du XIX ème et du début du XX ème siècle.

Lady L. est une vieille aristocrate anglaise d’origine française qui fête ses quatre-vingts-ans avec sa descendance nombreuse (« ce troupeau : plus de trente têtes ») et haut-placée –parmi lesquels un ministre, un évêque, un lieutenant-colonel du régiment de la Reine, un président de la Banque d’Angleterre…-. Or, lorsqu’elle apprend que son pavillon doit être démonté pour faire passer une autoroute, elle décide de faire transporter ailleurs l’ensemble des objets qu’elle y a accumulés. Et c’est son fidèle Percy, le Poète-Lauréat, amant platonique hautement respectueux, qui l’aidera dans cette tâche. Reste à le préparer à ce qu’il va découvrir dans le pavillon. C’est en chemin que Lady L. lui révèle l’histoire de sa vie, inattendue et haute-en-couleur…

Lady L. est une lecture à plusieurs niveaux : divertissante et romanesque, intéressante par la problématique politique soulevée et la critique sociale, et en même temps, pleine d’humour. Roman Gary a dû beaucoup s’amuser en l’écrivant, pour notre plus grand plaisir !

Lady L., Romain Gary, Folio n°304, janvier 2022, 251 p.

Blanc, Sylvain Tesson

« Blanc » ne m’a pas emportée comme tant de romans de Sylvain Tesson l’ont fait. Et pourtant, tout y est : le périple, -cette fois une traversée des Alpes à ski de Menton à Trieste-, la nature et ses beautés, les références littéraires et historiques et cette belle écriture classique, qui porte tantôt la précision du géographe, tantôt l’émotion onirique du poète devant une nature qui le domine.

Alors pourquoi la recette a moins bien fonctionné pour moi ? Il y avait cette sensation de répétition trop présente, l’arrivée au refuge et le repos chaque jour tant attendu, la menace des avalanches, ainsi que le découpage en de nombreux chapitres très courts correspondant à un jour et une étape.

Certainement aussi, le fait que l’aventure ait été réalisée sur quatre années, de 2018 à 2021, pour des raisons bien compréhensibles, ce qui retire au lecteur l’impression d’être dans une traversée au long cours, avec des protagonistes coupés de la civilisation. Pour autant, « Blanc » est un très bon récit de voyage et je ne pouvais pas ne pas en parler. Peut-être ai-je simplement lu trop de livres de cet auteur, qui reste quand même parmi mes préférés…

Blanc, Sylvain Tesson, Gallimard, collection Blanche, septembre 2022, 235 p.

Dans les brumes de Capelans, Olivier Norek

Pour son huitième polar, Olivier Norek renoue avec le personnage de Victor Coste dont la nouvelle mission est classée « secret défense ». Et c’est sur l’île de Saint-Pierre-et-Miquelon, à des milliers de kilomètres de la Métropole, que Coste est chargé d’accueillir des témoins protégés, dans une résidence surveillée qui est une véritable forteresse. Mais alors que le policier reçoit habituellement des repentis ou des « balances », soit « les pires ordures de la criminalité organisée », la nouvelle protégée de Coste est une jeune fille qui a été victime pendant dix ans d’un prédateur de la pire espèce.

La mission de Coste est de faire parler Anna afin de retrouver son ravisseur ainsi que d’autres victimes qui se trouvent en danger de mort. Bénéficiant de critiques dithyrambiques, le roman de Norek ne pas déçue comme c’est souvent le cas lorsqu’un livre est encensé. Addictif, détaillé et précis -c’est un ancien flic qui écrit-, le roman nous plonge dans l’atmosphère bien particulière d’un petit bout de France lointain, envahi par des brumes opaques pendant trois semaines du début de l’été. Les héros, antihéros par excellence, ont des profils psychologiques difficiles à décrypter et le premier rebondissement m’a vraiment surprise. Un excellent polar !

Dans les brumes de Capelans, Olivier Norek, éditions Michel Lafon, avril 2022, 429 p.

Les somnambules, Gilda Piersanti

 

   J’ai découvert Gilda Piersanti avec « Roma enigma » et « Vengeances romaines » qui font partie d’une série intitulée « Les saisons meurtrières ». L’attrait principal de cette série d’enquêtes, si l’on excepte l’intrigue et les deux policières, tenait pour moi à la façon dont l’auteure évoquait différents aspects politiques et sociaux de la société italienne contemporaine. Et c’est ce que j’ai retrouvé dans « Les somnambules », polar « unique » puisqu’il ne fait pas partie d’une série.

   « Les somnambules », ce sont notamment -car on peut voir une autre signification à ce titre- les trois protagonistes principaux de ce roman : Dario, Massimo et Gabriele, trois hommes occupant une place de choix dans la société : Gabriele est médecin, Massimo a créé une entreprise très prospère, et Dario est Ministre de l’Intérieur ! Tous les trois sont amis depuis longtemps, mais à des degrés divers, car l’intérêt est à la base de leurs relations dictées par Dario qui, sans conteste, mène la danse.  Adolescents, ils évoluaient dans le même milieu et se retrouvaient chaque année au bord de la mer où leur famille avait une résidence secondaire. Et c’est là qu’est survenu un événement dramatique qui a marqué leur vie à tout jamais et dont ils étaient responsables. Un crime resté impuni, qu’ils ont enfoui dans leurs souvenirs et qu’ils pensaient bien, vingt-cinq ans plus tard, ne jamais voir ressurgir.

   Je ne vous dévoile rien de plus que ce que la quatrième de couverture révèle au lecteur et, même si j’ai regretté au début de ma lecture de savoir que ce crime impuni était central dans le roman, je me suis vite rendu compte que je l’aurais deviné très rapidement et que cela ne gênait en rien le suspense mis en place par l’auteure. En effet, l’essentiel du roman repose sur la fuite en avant qui va mener les trois hommes et leur famille respective dans un engrenage irréversible. Le suspense est maintenu jusqu’aux dernières pages et l’on suit avec plaisir et horreur les protagonistes dans une descente aux enfers autour des manipulations les plus noires et cyniques. Il y a aussi quelques personnages féminins intéressants, comme Flora, Alice et surtout Valentina, dont le rôle s’avère décisif.  

   Gilda Piersanti, franco-italienne qui vit à Paris et écrit en français depuis longtemps, est une fine observatrice de la société italienne dont elle évoque les excès. Ici, on navigue dans des milieux aisés romains où la réussite sociale est primordiale. L’auteure est également scénariste et cela se sent dans ses polars qui sont assez visuels et comportent un bon nombre de dialogues et de rebondissements qui nous embarquent pour plusieurs heures de lecture. Enfin, j’ai particulièrement apprécié les analyses psychologiques assez fouillées qui permettent de donner beaucoup d’épaisseur aux personnages et d’évoquer des questions comme le pouvoir et la relation d’emprise psychologique. « Les somnambules », comme les autres romans de Gilda Piersanti, est donc un polar intéressant à plus d’un titre !

 

Les somnambules, Gilda Piersanti, éditions Le Passage, collection Ligne noire, mars 2021, 320 pages.

 

Participation au challenge Polars et thrillers 2020-21 chez Sharon.

Masse critique Babelio

Efface toute trace, François Vallejo

A la réouverture des librairies, je me suis précipitée pour faire un plein, craignant que l’épisode funeste ne se répète et me laisse sans stock, ce qui n’est pourtant pas près de se produire ! J’ai eu tout de suite l’œil attiré par la couverture rouge et noire des éditions Viviane Hamy et par le nom de François Vallejo, qui m’ont rappelé l’excellent « Hôtel Waldheim » que j’avais tant apprécié il y a deux ans. Un très bon choix que je n’ai finalement pas eu le temps de lire tout de suite, mais avec lequel je me suis régalée :

L’auteur change totalement de lieu, d’époque, et de genre pour nous proposer… le rapport d’un expert en art contemporain ! Dit comme cela, ce n’est guère engageant, et pourtant… On n’a pas le temps de s’ennuyer car on apprend vite que ledit expert a été missionné par un groupe de collectionneurs anonymes qui craignent pour leur vie, depuis que trois décès violents ont eu lieu à Hong-Kong, New-York et Paris et qu’il est apparu dans les milieux initiés que les victimes ont en commun d’être fortunées, bien qu’à des degrés très divers, et surtout, d’avoir collectionné des œuvres d’art contemporain. Notre expert mettra peu à peu en évidence le fait que tous avaient acquis au moins une œuvre d’un artiste inconnu, un certain jv (initiales avec lesquelles il signe en minuscules).

« Le mystère entretenu par un pseudo, l’art de ne pas montrer son visage, sous un chapeau, une casquette, des lunettes noires, visent, chez la plupart des artistes, à amplifier leur notoriété ; chez jv, la dissimulation semble sincère, le devoir de reconnaissance étouffé ».

Qui est ce mystérieux jv ? Connaissait-il les victimes ? Quel art pratique-t-il ? François Vallejo nous propose ainsi un « thriller artistique », écrit avec toute la distance administrative que la rédaction d’un rapport exige. Pourtant le narrateur, au fil de sa rédaction froide et nuancée, commence à se laisser aller à une certaine ironie… et c’est ainsi qu’il nous emporte dans un roman original et très prenant.

En chemin, l’auteur évoque de nombreux thèmes liés à l’art contemporain comme la modernité de l’art collaboratif poussé à l’extrême ou le rôle de l’art moralisateur, la question de ce qui fait un chef-d’œuvre de nos jours, et tant d’autres. Les références à Banksy et à d’autres artistes moins connus du grand public sont nombreuses et ne séduiront pas que les connaisseurs, mais aussi les néophytes comme moi. « Efface toute trace » est un roman intelligent qui m’a fait passer un excellent moment !

Efface toute trace, François Vallejo, Editions Viviane Hamy, septembre 2020, 294 p.

Bleu calypso, Charles Aubert, finaliste du Prix Nouvelles Voix du Polar 2020.

 

Niels est fabricant de leurres pour la pêche et le « bleu calypso » est son dernier-né. Fruit d’une longue expérience dans la pêche, sculpté à la main à partir d’une petite pièce de cèdre, le « bleu calypso » est une vraie réussite pour pêcher le loup, un poisson que Niels s’empresse de remettre à l’eau car sa passion est la pêche, seulement la pêche, à la différence du Vieux Bob, son voisin, excellent pêcheur lui aussi mais également fin cuisinier ; les deux hommes partagent parfois un délicieux « dos de loup rôti au beurre d’agrumes », mais plus souvent ils prennent ensemble une bonne bière, tout en échangeant de rares paroles. Vieux Bob n’est pas bavard.

Niels vit de la vente des leurres qu’il fabrique. Il a peu de besoins depuis qu’il s’est installé dans cette cabane au bord de l’étang, près du canal du Rhône à Sète. Il préfère profiter de la vie plutôt que de mener celle qui emprisonne la plupart de ses concitoyens. Sa routine quotidienne est toutefois bouleversée lorsqu’il découvre un cadavre dont le visage affleure dans l’étang. Elle l’est encore davantage lorsqu’il voit débarquer Lizzie, une journaliste hyperactive, qui est en réalité la fille du Vieux Bob. Parce qu’il avait une fille, celui-là ?

Niels se rend bien compte qu’il vit retranché du monde. D’ailleurs, il ne sait même pas qu’un premier cadavre a été découvert quelques jours avant sur un chemin des environs. Très vite, les gendarmes locaux arrivent, dirigés par le capitaine Malkovitch, de la section de recherches de Montpellier. L’enquête démarre et Niels, sans alibi, se retrouve aussitôt suspect.

Premier roman de Charles Aubert, « Bleu calypso » est très réussi. Dès le premier chapitre, j’ai été « ferrée », et pourtant ce n’était pas gagné puisque celui-ci évoque les leurres et la pêche. Mais l’auteur sait très bien happer notre attention et finalement, certains paragraphes consacrés à des techniques de pêche se sont révélés très intéressants, tout comme la façon dont l’auteur plante ses personnages qui m’ont intriguée d’entrée de jeu.

S’il m’a passionnée en ce qui concerne l’enquête, c’est l’atmosphère, la psychologie des personnages et l’écriture qui sont les points forts de « Bleu calypso ». J’ai particulièrement apprécié la description des éléments et certaines métaphores inattendues qui permettent à l’auteur de se forger un style bien à lui. Il y a également beaucoup d’humanité dans ce polar qui évite les détails sanguinolents pour se concentrer sur la psychologie des protagonistes et dans lequel, de temps en temps, l’auteur donne discrètement son avis sur notre monde, son organisation et ce qui pourrait aller mieux : il y a des éléments autobiographiques dans « Bleu calypso », Charles Aubert, comme son personnage, ayant abandonné un travail bien rémunéré dans une grande ville pour se consacrer à une activité manuelle, dans une maison située au bord de l’eau…

J’ai donc dévoré ce roman d’une traite, tout en ralentissant afin de savourer certains passages très beaux, notamment lorsqu’un orage déverse des quantités d’eau sur l’étang et la mer. Je me suis promis de me procurer rapidement le deuxième roman de Charles Auber, « Rouge tango », tout en espérant que l’auteur reçoive le prix Nouvelles Voix du polar dans sa catégorie !

 

Coup de cœur 2020 !

 

Bleu calypso, Charles Aubert, Pocket n° 17724, décembre 2019, 331 p.

L’empathie, d’Antoine Renand, finaliste du Prix Nouvelles Voix du polar 2020.

 

Comme je vous le disais hier, je participe au jury du prix Nouvelles Voix du polar des éditions Pocket. Voici mon avis sur le premier des deux romans finalistes que j’ai lus dans la catégorie « Polar français » :

 

Une jeune infirmière de vingt-huit ans, Déborah Joubert, se retrouve au 2ème district de police judiciaire, la « Brigade du viol », après avoir été sauvagement agressée dans l’ascenseur de son immeuble par un individu portant un casque de moto. Marion Mesny, et son collègue Anthony Rauch, surnommé La Poire, écoutent attentivement la jeune femme avant de se lancer dans une enquête urgente, convaincus d’avoir affaire à un violeur en série qui ne tardera pas à recommencer.

Si les deux enquêteurs sont des spécialistes dans ce domaine, ils se trouvent aussi face à un ennemi de taille : celui qu’ils surnomment « le lézard » a différents modes opératoires, mais la plupart du temps, il pénètre dans les appartements parisiens, quel que soit l’étage, en escaladant les façades les plus lisses. Redoutablement puissant et intelligent, Alpha -c’est cette fois le nom que lui-même s’est donné- est la haine incarnée et il ne recule devant rien pour assouvir ses pulsions. Marion et Anthony vont l’apprendre à leurs dépens. Mais les deux enquêteurs ne sont pas n’importe qui et en plus, ils entretiennent une relation amicale forte et atypique… Impossible d’en dire plus sans risquer de dévoiler des éléments essentiels !

« L’empathie » est un polar très efficace, véritable page-turner qui menace votre sommeil -et pas seulement parce que vous n’arriverez pas à le lâcher. La construction permet de s’intéresser à chacun des personnages en particulier, avec beaucoup de psychologie, et d’explorer son passé et les secrets qu’ils recèle, même si cela occasionne quelques répétitions. A cette nuance près, c’est donc remarquable pour un premier roman.

Pour le reste, il y a des viols et des sévices sexuels en tous genres, accompagnés de descriptions violentes et crues. Beaucoup trop pour moi en tout cas, ce qui a fini par me dégoûter. J’ai trouvé cela vraiment dommage car le polar aurait pu être aussi prenant et bien ficelé si les scènes avaient été davantage suggérées que racontées froidement comme dans un rapport policier. Âmes sensibles donc, s’abstenir, et pour les autres, dont je fais pourtant partie, il vaut mieux être prévenue !

Ah, j’oubliais le titre, il est bien trouvé, car si l’empathie tarde à arriver, il y en a quand même dans cet univers glauque et « noirissime », histoire de souffler un peu de temps en temps…

 

L’empathie, Antoine Renand, Pocket n°17640, février 2020, 489 p.

 

 

 

 

Il était deux fois, Franck Thilliez

Grandiose, diabolique, génial, brillant, addictif… je pourrais aligner deux lignes de qualificatifs pour parler du dernier polar de Franck Thilliez qui parvient toujours à me surprendre : mais comment fait-il pour se renouveler de la sorte, tout en étant fidèle à ce que l’on aime chez lui ? Une intrigue parfaitement ficelée, avec des criminels qui rivalisent d’horreur et de folie, une construction magistrale, un sujet scientifique doublé d’une question sociétale ou culturelle, de nombreuses références et, comme dans « Le manuscrit inachevé », des palindromes et des énigmes qui invitent le lecteur à se creuser la cervelle. Une recette parfaite, mais il faut être un grand chef pour la réussir !

Et quand on sait que Thilliez aime à semer dans son texte quelques indices qui prendront leur signification plus tard, on essaie de freiner la lecture pour être plus attentif aux détails. Et pourtant, il est difficile de ralentir quand l’intrigue est si prenante. Cette fois, nous sommes à Sagas, une petite ville des Alpes coincée au fond d’une vallée sinistre, froide et sombre. Gabriel Moscato se réveille dans une chambre d’hôtel, tout aussi glauque que la vallée-n’y logent que des familles qui viennent visiter leurs proches détenus dans la prison voisine-, et se rend compte, stupéfait, qu’il ne se trouve pas dans la même chambre que celle où il s’était endormi. Le pire est à venir puisqu’il découvre dans le miroir de la salle de bains un visage amaigri et vieilli qu’il reconnaît à peine.

Moscato était venu dans cet hôtel retrouver sa fille Julie, disparue un mois plus tôt, en mars 2008. Or, nous sommes en novembre 2020. Moscato ne se souvient de rien, sa mémoire occulte soudainement douze ans de sa vie. Il pense être choqué par ce qu’il a vu pendant la nuit, une pluie d’oiseaux morts, bien réelle car elle a réveillé d’autres clients de l’hôtel. Le cauchemar continue lorsque Moscato apprend qu’il n’est plus gendarme et que ses anciens amis ou collègues ne veulent plus lui parler…

Je n’en dirai pas davantage sinon que Thilliez aborde le thème de la mémoire et celui, passionnant, de « l’art criminel » ou de la représentation de la mort par crime dans la peinture, la littérature ou d’autres domaines que vous découvrirez si vous lisez « Il était deux fois ». A cet égard, les références au polar en général et à des auteurs contemporains sont assez savoureuses.

Les lecteurs fidèles de Thilliez trouveront dans ce nouveau roman de nombreuses références au « Manuscrit inachevé », son roman paru en 2018, ainsi qu’une surprise de taille. Je leur conseillerai d’ailleurs de relire « Le manuscrit inachevé » ou au moins, d’en relire quelques résumés assez complets. Les autres découvriront « Il était deux fois » sans aucune incompréhension, c’est aussi cela le génie de l’auteur.

 

Il était deux fois, Franck Thilliez, Fleuve Editions, collection Fleuve Noir, avril 2020, 506 p (+ ?).

 

 

Participation au challenge polar et thriller chez Sharon

L’iguane de Mona, Michaël Uras

 

La belle couverture empreinte de sérénité n’est pas pour rien dans le choix de cette lecture : j’avais envie d’azur, de repos et de dépaysement. Et pourtant, comme l’explique la quatrième de couverture, le roman n’a finalement rien à voir avec cette île des Caraïbes où les iguanes passent leur temps à se dorer au soleil, si ce n’est qu’elle est omniprésente dans les pensées du héros, Paul, qui déteste ce que sa vie est devenue, et partirait volontiers sous les tropiques, juste pour… ne rien faire.

Certes, tout semble aller pour le mieux dans la vie de Paul, un travail, une belle famille, une jolie maison. Mais Paul n’aime plus son travail, il s’est éloigné de sa femme Kate, une universitaire qui rentre tard et ne vit que pour les livres ; quant à son fils, Milan, il est surdoué et a réponse à tout : il terrifie Paul qui a l’impression que Milan le cerne parfaitement et a conscience de sa médiocrité. A ce tableau finalement peu réjouissant, s’ajoute un voisin plus qu’indiscret et une infestation de larves rouges qui grignotent dangereusement la maison en bois de Paul et Kate !

Michaël Uras, que je découvre ici dans son cinquième roman, décrit très bien la lente descente aux enfers de cet homme charmant qui avait tout pour être heureux. Humour, mélancolie, mais jamais de tristesse, dans ce roman qui évoque un homme d’aujourd’hui, confronté à un travail qui n’a plus de sens et à une vie qui ne lui apporte plus rien. On s’étonne d’ailleurs que Paul ne parle jamais de ses parents, de son enfance, et pour cause. Même chose avec son travail ; et on en vient à souhaiter qu’il fasse table rase et parte enfin sur l’île de Mona. En attendant, Paul, maladroit et sans malice,  s’est englué dans des mensonges qui l’obligent à mener une vie infernale pendant quelques semaines. Jusqu’à ce qu’il comprenne que la solution est à sa portée. Une jolie lecture qui m’a donné envie de découvrir les premiers romans de l’auteur.

 

L’iguane de Mona, Michaël Uras, Editions Préludes, avril 2020, 285 p.

 

 

Quelques sorties en poche, 2/2

 

Romans parus pendant le confinement, ou très récemment, voici la suite de ma petite sélection de sorties en collections de poche. Il y en a pour tous les goûts, de la réflexion, de la découverte, du suspense, de l’émotion : parfait pour les vacances !

 

 

Voilà un livre original, dont le titre, qui est d’ailleurs à prendre au premier degré, ne manquera pas d’interpeller les grands lecteurs : « Le mangeur de livres » est bien l’histoire d’un jeune garçon qui dévore tous les livres qu’il trouve, les engloutit en se pourléchant les babines, trouvant au goût particulier du vélin fin des beaux codex enluminés une saveur envoûtante et addictive.

Nous sommes à la fin du Moyen Age à Lisbonne, et Adar et Faustino sont frères de lait… Lire la suite

 

 

 

 

 

 

Ute von Ebert écrit à sa fille Hannah qui vit au Royaume-Uni pour lui expliquer qu’elle se trouve bloquée à Erlingen, petite ville d’Allemagne où elle vit. Les envahisseurs sont aux portes de la ville et les autorités vont envoyer un train pour évacuer la population. Il faudra d’ailleurs deux ou trois convois pour emmener tout le monde, mais cela semble impossible, d’une part parce que le temps est compté et d’autre part parce que les moyens à la disposition des autorités sont limités.

En effet, le train n’arrive jamais. Lire la suite

 

 

 

 

 

Voici une belle lecture d’été qui nous emmène à l’ombre des églises fermées de Venise, mais il ne s’agit pas d’un énième guide des endroits prétendument secrets d’une ville. Et quand je dis lecture d’été, c’est juste parce qu’il faut prendre le temps de la déguster, se laisser mener au gré des méandres d’une quête nostalgique et philosophique à la fois.

Jean-Paul Kauffmann a effectué de nombreux séjours à Venise mais il n’est jamais parvenu à retrouver une église et un tableau qui avaient été sources d’émerveillement lors de sa première visite de la ville dans les années soixante. Cet instant vécu fugacement est devenu mystérieux avec le temps, Lire la suite

 

 

 

 

 

C’est un pavé de 550 pages que l’on dévore en quelques heures. Il faut d’ailleurs avoir un peu de temps devant soi pour le commencer, car il est tellement addictif que l’on risque d’y laisser des heures de sommeil. Le dernier Franck Thilliez ne déçoit pas : diaboliquement efficace, l’auteur nous offre une intrigue remarquablement bien ficelée qui nous embarque dès les premières pages, sur fond de thèmes scientifiques aussi passionnants qu’effrayants.

Cette fois, Thilliez aborde la question de la gestation pour autrui, de la procréation médicalement assistée et des manipulations génétiques, mais aussi du transhumanisme, ce courant qui veut utiliser les progrès scientifiques et techniques pour surmonter les limites biologiques de l’homme et augmenter ses capacités intellectuelles et physiques jusqu’à repousser, voire un jour abolir la mort. Il est également question de… Lire la suite

 

 

 

Comme beaucoup de lecteurs, j’ai découvert Antoine Bello assez tard, il y a trois ans, alors que paraissait le troisième tome de sa trilogie « Les falsificateurs », « Les éclaireurs », « Les producteurs »; le bouche à l’oreille avait bien fonctionné. Depuis, je ne rate pas un nouveau roman de l’auteur. J’ai beaucoup aimé « Ada » et « L’homme qui s’envola ». Paru en avril dernier, « Scherbius (et moi) » ne fait pas exception.

On peut y découvrir le récit écrit par Maxime Le Verrier, éminent psychiatre, qui évoque sa relation avec Scherbius, qui fut son tout premier patient en 1977, et qui le restera jusqu’à ce que le médecin prenne sa retraite. Et c’est d’une façon bien peu habituelle que Maxime Le Verrier rencontra Scherbius, ce qui eut forcément une incidence sur la mission que le médecin se fixa un peu plus tard, guérir Scherbius, chez qui il avait diagnostiqué un trouble de la personnalité multiple… Lire la suite

 

 

 

Maria de Santis est une gamine brune aux jambes maigres, insolente et rebelle, affublée par sa grand-mère du surnom de « Malacarne », littéralement « mauvaise viande », pour nous « mauvaise graine ». Mais un surnom, il vaut mieux en avoir un dans ce quartier pauvre de Bari où les vilaines petites maisons de pêcheurs voisinent avec celle du mafieux local. Car, comme Maria nous l’explique,

« Ceux qui n’en possédaient pas faisaient profil bas car, aux yeux des autres cela signifiait que les membres de leur famille ne s’étaient distingués ni en bien ni en mal. Or, comme disait toujours mon père, mieux vaut être méprisé que méconnu ».

Maria a deux frères. L’aîné, Giuseppe, est un bon fils mais le second, Vincenzo, donne beaucoup de fil à retordre à ses parents. Le père n’a pas réussi à le dompter, bien qu’il ait fini par le rosser violemment. La mère, qui n’a pas son mot à dire… Lire la suite

 

 

Autant de romans qui m’ont beaucoup plu. Certains ont même fait partie de mes coups de coeur de l’année dernière. J’espère que vous trouverez votre bonheur !

 

Voir aussi : Quelques sorties en poche, 1/2.