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Dictionnaire insolite de Naples, Maria Franchini

 

Naples est une ville que l’on adore ou que l’on déteste : les sentiments que l’on éprouve à son égard sont à son image, ils ne supportent pas la demi-mesure. La ville est en effet tout à la fois superbe, sale, d’une infinie richesse culturelle, bruyante, animée, polluée, baignée par une baie magnifique, striée de rues sordides, desservie par un métro qui est une œuvre d’art et qui brille de propreté, caractérisée par une gastronomie délicieuse et un peuple gai, vif, accueillant et tant d’autres choses encore…

Si comme moi Naples vous passionne, je vous conseille ce « Dictionnaire insolite de Naples » concocté par Maria Franchini. Il regorge d’informations culturelles, historiques, culinaires et d’anecdotes sur la cité parthénopéenne. Vous apprendrez ainsi que la pizza Magherita n’a pas été inventée en l’honneur de la reine Marguerite de Savoie, comme on le dit généralement, mais qu’elle lui a été simplement offerte : la Margherita existait depuis longtemps et tirait son nom de sa forme initiale, en pétales de fleurs. Vous saurez ce que veut dire « faire les Saints-Sépulchres », ce qu’étaient les « jeux isolympiques », pourquoi il y a moins de femmes battues au sud qu’au nord de l’Italie, que « klaxonner » en napolitain se dit « Sunà » qui veut dire « jouer d’un instrument » … ce qui explique beaucoup !

Pour ce qui est du domaine littéraire, j’ai appris que Maria Orsini Natale est l’auteure d’un roman devenu classique qui avait manqué de peu le fameux prix Strega. Il serait passé inaperçu en France, peut-être en raison d’un titre malheureux en français, « La main à la pâte », une anecdote qui m’a tout de suite donné envie de m’intéresser à ce roman napolitain (vous le connaissez ?) que Maria Franchini présente comme « une saga captivante tissée dans un canevas empreint d’humanité et de sensualité. En toile de fond, l’histoire du Sud de 1849 à 1940 ».

Voilà une lecture à la fois divertissante et enrichissante que je vous recommande tout particulièrement, que vous envisagiez un voyage à Naples ou non : ce petit dictionnaire vous fera voyager de toute façon.

Dictionnaire insolite de Naples, Maria Franchini, Cosmopole, Paris, 2015, 158 p.

 

Participation au mois italien chez Martine et au challenge Objectif Pal chez Antigone

Blogoclub : Nymphéas noirs, Michel Bussi

Les romans de Michel Bussi sont toujours en bonne place dans les librairies et très souvent, ils font l’objet de piles impressionnantes, ce qui est particulièrement rédhibitoire pour moi. Je n’avais donc jamais lu de livre de cet auteur et comme c’est souvent le cas, le Blogoclub m’a obligée à m’éloigner de mes centres d’intérêts ou de mes préjugés.

C’est sur les conseils d’Amandine que j’ai choisi de lire « Nymphéas noirs », qui est sans doute le plus connu des romans de Michel Bussi, mais c’est aussi parce qu’il se déroule à Giverny et fait bien sûr référence aux toiles de Monet. Et je n’ai pas été déçue, au contraire : je m’attendais à un polar bien ficelé, rapide à lire et donc distrayant, et il y a tout cela, mais plus encore.

Comme l’auteur le précise, à part l’intrigue, tout est vrai : les descriptions de Giverny et des environs, les références à Monet et à son œuvre, ainsi qu’au musée de Vernon et au Musée Marmottan. J’ai d’ailleurs appris beaucoup de choses, et le roman est à conseiller avant un voyage à Giverny, puisque l’auteur, par la voix de la narratrice, nous indique les lieux à ne pas manquer, comme celui où l’on a la plus belle vue sur le village, ou des oeuvres moins connues à voir à Vernon…

Il nous prévient aussi que Giverny est devenu une sorte de parc d’attraction, envahi de touristes la journée, et désert en semaine hors saison : il faut donc bien choisir le moment de sa visite ! L’image donnée du lieu n’est pas toujours reluisante, mais la curiosité est attisée, en tout cas en ce qui me concerne, puisque je n’ai jamais eu l’occasion de découvrir Giverny. Le roman de Michel Bussi n’est d’ailleurs pas étranger au succès touristique de Giverny, et l’office du tourisme a même créé un parcours sur les pas du roman de Michel Bussi !

Revenons à l’intrigue, qui se fonde sur trois personnages féminins très différents, mais tout aussi intéressants : la petite Fanette, une jeune fille de onze ans, vive, intelligente et très douée pour la peinture.  Stéphanie Dupain, une très belle jeune femme qui est la maîtresse de l’école du village, et enfin, la narratrice, une octogénaire sombre et mystérieuse, qui passe son temps à espionner les gens du village par la fenêtre de la tour du moulin de Chennevières, ou simplement assise sur un banc. J’oubliais le chien Neptune, seul témoin du crime, et personnage à part entière de par sa simple présence…

Le crime, justement, c’est l’assassinat de Jérôme Morval, un séducteur local, poignardé, puis assommé avec une lourde pierre et enfin noyé dans le ruisseau : aucune chance de réchapper à ce modus operandi pour le moins étrange. Les deux inspecteurs chargés de l’enquête, Laurenç Sérénac et Silvio Benavidès forment un duo attachant, et leur enquête prend un tour nouveau lorsque l’un d’eux tombe amoureux de la belle Stéphanie Dupain, dont on ne sait pas si elle est victime ou suspecte dans cette affaire.

Il y a certes quelques incohérences, comme lorsque les policiers vont arrêter un suspect en pleine partie de chasse : évidemment, il ne faut pas être flic pour se douter que le suspect menacera les policiers de son arme. Pour le reste, j’ai été très surprise de la fin qui semble impossible à deviner dans la mesure où il manque un élément au lecteur pour pouvoir connaître le fin mot de l’histoire !  Tout s’éclaire évidemment, et on ne peut alors qu’admirer l’astuce et la construction narrative !

Nymphéas noirs, Michel Bussi, Pocket n° 14971, septembre 2013, 493 p.

 

Les lectures et avis des membres du Blogoclub :

-Amandine: « Le temps est assassin ».

Ellettres Eve,  sur « Nymphéas noirs ».

Claudia Lucia sur « Un avion sans elle ».

Sharon,  sur « Mourir sur Seine ».

Mistigri, sur « On la trouvait plutôt jolie ».

 

 

 

 

Lu dans le cadre du Blogoclub, et du challenge Polars et thrillers chez Sharon

 

 

 

 

Paul Delvaux, maître du rêve à Evian

C’est un comble : c’est à Evian que j’ai visité une magnifique exposition consacrée au peintre belge Paul Delvaux (1897-1994), dont la commissaire n’est autre que la directrice du musée d’Ixelles (Bruxelles) ! A voir, une sélection d’oeuvres majeures du peintre, dont la plupart sont issues d’une collection privée belge (collection de Pierre Ghêne), enrichie de quelques magnifiques pièces du Musée d’Ixelles, ainsi que des Musées Royaux des Beaux-arts de Bruxelles.

L’exposition nous fait découvrir les nombreuses facettes que revêtent les oeuvres de l’artiste qui fut tour à tour post-impressionniste, expressionniste, avant de trouver sa voie dans le surréalisme : sont ainsi explorés les thèmes de la féminité bien sûr, de la solitude et du recueillement, du rêve, du voyage, de la théâtralité, du mystère et de la poésie.

Auteur prolifique, Paul Delvaux a été le témoin d’un siècle extrêmement riche dont il a subi les multiples influences : Modigliani, Picasso, James Ensor, Giorgio de Chirico notamment. Mais il a su créer une oeuvre très particulière, au sein de laquelle les femmes sont omniprésentes mais inaccessibles, lui dont la mère possessive et autoritaire voulait être la seule femme de sa vie. Après avoir longtemps vécu dans la crainte des femmes, Paul Delvaux n’a cessé de les représenter, belles, distantes et mystérieuses.

 

Couple avec enfant dans la forêt

On retrouve dans les personnages l’influence de Modigliani.

 

 

Les noces à Antheit, 1932

Ou son mariage imaginaire avec Tam, que sa mère n’avait pas voulu qu’il épouse.

 

 

La crucifixion, 1951-1952

Pour Delvaux, les squelettes ne sont que l’armature des vivants. Il ne les reprend ici que pour dramatiser encore les scènes de la passion du Christ.

 

 

Les courtisanes, 1944.

Des femmes qui ne communiquent jamais, une cité antique, le bleu que l’on retrouve de plus en plus souvent dans son oeuvre…

 

 

Palais en ruines, 1935.

Un univers poétique et mystérieux influencé par De Chirico.

 

 

 

L’incendie, 1935, qui est pour la première fois présenté en entier en France

(la seconde partie de la toile est placée à gauche de ce tableau dans l’exposition).

 

 

 

L’escalier, 1946.

Les personnages féminins sont inexpressifs, seules les statues de pierre sur la droite communiquent entre elles.

 

 

 

La fenêtre, 1936

Quelque chose de Magritte…

 

 

 

Le dialogue, 1974.

 

 

Voici donc une exposition qui vaut le détour; si vous passez par Evian, avant le 1er octobre 2017, ne manquez pas de faire un tour au Palais Lumière (qui lui aussi mérite une visite) ! Je vous conseille tout particulièrement la visite commentée, qui a lieu chaque jour en début d’après-midi et qui vous donnera de nombreuses clés pour comprendre la peinture (et les dessins) de Paul Delvaux.

 

http://www.palaislumiere.fr

 

 

 

 

 

La valse des arbres et du ciel, Jean-Michel Guenassia

la-valse-des-arbres-et-du-cielComme celle de tout génie, la vie de Vincent Van Gogh a suscité de nombreuses questions ; et si sa biographie est bien connue, elle comporte néanmoins plusieurs zones d’ombres et parmi celles-ci, les circonstances de sa mort sont pour le moins mystérieuses. Le grand peintre se serait suicidé, en se tirant une balle de révolver dans l’abdomen, mais il ne décéda que deux jours plus tard, dans la chambre de l’auberge où il s’était réfugié.

On sait que Van Gogh souffrait d’une grave maladie psychiatrique qui pouvait expliquer ce suicide. Pourtant, dès le début du vingtième siècle, la thèse du suicide fut contestée. De nombreux historiens de l’art la considèrent aujourd’hui comme invraisemblable, même si personne n’a pu apporter de preuve pour réfuter le suicide ou mettre en avant la thèse d’un accident.

Jean-Michel Guenassia a donc choisi de romancer les derniers jours de la vie du peintre et d’explorer les éléments qui auraient pu expliquer la mort accidentelle de Van Gogh, à trente-sept ans, à la suite d’une dispute qui aurait mal tourné. L’auteur nous propose le récit de Marguerite Gachet, la fille du docteur Gachet qui était alors connu pour son amitié envers plusieurs peintres impressionnistes qu’il aidait en achetant certaines de leurs toiles.

Van Gogh est arrivé en Mai 1890 à Auvers-Sur-Oise, sur le conseil de Pissaro, pour rencontrer le docteur Gachet qui devait le soigner. C’est ainsi qu’il a fait la connaissance de Marguerite Gachet, jeune fille passionnée qui étouffait dans le carcan imposé par la bourgeoisie de l’époque. Marguerite rêvait de faire les beaux-Arts, ce qui était alors impossible pour une jeune femme. Elle jeta son dévolu sur Van Gogh, se lançant dans une relation passionnée mais déséquilibrée. Van Gogh en effet, n’attachait pas la même importance que Marguerite à cet amour. Ce qui bien souvent conduit au drame…

« La valse des arbres et du ciel » est un roman qui se lit avec plaisir et donne envie d’en savoir davantage sur la vie de Van Gogh et sur sa mystérieuse disparition.  Il est bien écrit, et l’auteur rend très bien l’ambiance de l’époque en intercalant dans le récit de courts extraits de presse en italique. Outre les difficultés que rencontrent les impressionnistes, Jean-Michel Guenassia met en avant la froideur qui caractérisait les relations familiales dans la bourgeoisie, ainsi que la difficulté pour les femmes de se faire une place dans le milieu artistique. Des thèmes passionnants donc, mais pour autant, je n’ai pas été emportée par ce roman de la même façon que par « Le club des incorrigibles optimistes ».  Un bon roman que je ne rangerai pas dans la catégorie « à lire absolument », mais plutôt dans « attendre la sortie en poche ».

La valse des arbres et du ciel, Jean-Michel Guenassia, Albin Michel, Paris, août 2016, 299p.

Livre lu dans le cadre du challenge 1% de la rentrée littéraire

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La plage d’Ostende, de Jacqueline Harpman

La plage d'Ostende

Emilienne Balthus n’a que onze ans lorsqu’elle rencontre Léopold Wiesbeck, jeune artiste peintre de vingt-cinq ans. Emilienne est aussitôt foudroyée, transpercée par l’amour.

«Je lus ma vie sur son visage. Il avait les yeux gris comme un lac l’hiver, quand tout est glacé, les cheveux noirs et frisés, et ce teint pâle, cette blancheur laiteuse qui n’appartiennent qu’aux héros choisis par le destin. Son sourire me transperça, ce fut l’aurore, quand le premier rayon de soleil traverse soudain la nuit et arrache le paysage à l’ombre. Je sortis de l’enfance. D’un instant à l’autre, je devins une femme à l’expérience millénaire. Un séisme bouleversa mon ventre plat de fille impubère, mon âme fut transformée, je sentis tout mon être se rassembler et aspirer cet homme comme on se remplit les poumons d’air ».

Dès lors, Emilienne accepte son destin. Elle pense avoir été choisie, « prise en embuscade à la fin de l’enfance ». Emilienne s’applique donc à grandir et à devenir belle, puis à parfaire sa beauté. La petite fille sait que la peinture a pris Léopold, elle ne veut pas rivaliser avec elle, elle veut juste vivre à ses côtés pour toujours. Quand elle rencontre Léopold, elle se place toujours à sa gauche, un peu en retrait, afin de le contempler. Plus tard, elle se rend indispensable en lui passant les pinceaux, en lui préparant le thé…

Une complicité s’instaure entre le peintre et la fillette. Celle-ci observe les maîtresses de Léopold, et réfléchit à la meilleure façon de détourner le regard de Léopold de celles-ci. Le lien se raffermit encore lorsque le père d’Emilienne achète la magnifique maison de Genval, à la lumière si particulière. Une lumière tellement belle que Léopold demande au père d’Emilienne de pouvoir y passer quelques jours, pour peindre le lac.

« Il peignait. J’avais compris qu’il voyait un monde immobile, arrêté entre deux lumières. Devant mon miroir, je ne bougeais pas, je m’étudiais et j’ordonnais sa forme à mon visage ».

Bientôt, Emilienne est prête, mais Léopold ne la voit pas encore. Pour satisfaire Mme Van Aalter qui a décidé de régir sa carrière, il accepte d’épouser Blandine, une jeune et riche orpheline, afin de pouvoir se vouer entièrement à son art. Emilienne ne s’en émeut pas : Blandine, à la personnalité effacée, ne sera pas un obstacle pour elle.

Emilienne a quinze ans lorsque Léopold la reconnaît enfin :

« Je fis mon entrée en lui par effraction, je fus, au-dehors dans ce que son regard captait, la réplique exacte d’une image qu’il portait en lui sans l’avoir jamais vue. C’est ainsi que depuis quatre ans je m’étais construite, telle que, lorsqu’il me verrait, je serais devenue la représentation même de sa rêverie la plus secrète, celle dont il ne savait rien et dont il aurait la révélation en posant le regard sur moi ».

C’est alors le début d’un amour d’une puissance inconnue, auquel Emilienne sacrifie tout, tendue vers un seul but : aimer Léopold et sa peinture. Emilienne est prête à toutes les manipulations, sans jamais éprouver le moindre remords, mais son amour est sincère. Il sera payé de retour, mais à son plus grand désespoir, Emilienne Balthus survivra trop longtemps à son amant.

« La plage d’Ostende » est pour moi le plus beau roman de Jacqueline Harpman. Il nous raconte une passion excessive, dévorante, qui s’épanouit chez une jeune fille très raisonnable de la haute bourgeoisie bruxelloise. Servi par une magnifique écriture classique, le roman devient un fleuve d’un gris lumineux, envoûtant, qui emporte tout sur son passage. L’auteur, qui était aussi psychanaliste, manie avec beaucoup de subtilité et de finesse psychologique les sentiments de chacun des personnages, orchestre les manipulations, explorant les mythes de Narcisse et de Tristan et Yseult. On se prend à admirer Emilienne, à détester la pauvre Blandine qui n’y est pour rien, à oublier la moralité pour se placer du côté de l’Amour … Du grand art !

 

Coup de cœur !

 

La plage d’Ostende, Jacqueline Harpman, Le livre de poche n°9587, Paris, 2002, 317p.

 

8ème et dernier livre lu dans le cadre du mois belge d‘Anne et Mina

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La vierge de Bruges, de Patrick Weber

La vierge de brugesPour le rendez-vous consacré aux polars belges, j’ai choisi de lire un roman policier historique qui se déroule à Bruges pendant la Renaissance. Après le décès du Duc de Bourgogne, son fils, Charles le Téméraire, lui succède. Il ne fait pas que des heureux, notamment parmi les bourgeois et les commerçants de Bruges, qu’il accable d’impôts, afin de financer ses campagnes militaires.

Nous sommes en 1475. Grâce à son oncle qui s’occupe de lui depuis qu’il a perdu ses parents, le jeune Pieter Linden a eu la chance d’obtenir une place d’apprenti chez le grand peintre Hans Memling. Ce dernier est arrivé il y a déjà longtemps de son Allemagne natale et a trouvé à Bruges l’endroit idéal pour développer sa peinture et bénéficier de nombreuses commandes.

La première journée de Pieter chez Memling s’avère difficile, puisqu’il est très mal accueilli par un autre apprenti qui le considère tout de suite comme un concurrent dangereux. Les deux jeunes artistes devront pourtant travailler ensemble, lorsque Memling leur confiera une tâche en commun : la réalisation du portrait d’un prince italien, Lorenzo Rienzi. Celui-ci arrive de Florence, chargé d’une importante mission. Mais l’atmosphère est tendue à Bruges, où la jeune Margarita Demeester, fille d’un riche négociant en draps, vient d’être retrouvée assassinée…

« La vierge de Bruges » est un roman historique à suspense conçu autour de l’œuvre de Memling intitulée « Le portrait de Sibylla Sambetha ». Parmi les ingrédients, des meurtres et un complot, mais le tout ne m’a pas vraiment enthousiasmée. J’ai été un peu déçue par l’intrigue de ce roman, dont j’attendais davantage, peut-être trop.

Malgré tout, « La vierge de Bruges » a l’avantage de nous plonger dans l’atmosphère de la Bruges florissante de la fin du VXème siècle. L’évocation de Hans Memling,  et de certaines de ses œuvres, nous donne envie d’en savoir plus sur ce grand peintre et son époque : s’il ne faisait pas si froid et humide, j’irais bien ce week-end faire un petit tour à Bruges…

 

 

La vierge de Bruges, Patrick Weber, Editions du masque, 2015, 217 p.

 

Livre lu dans le cadre du mois belge chez Anne et Mina, et du challenge polars historiques chez Sharon.

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Elle, par bonheur, et toujours nue, Guy Goffette

Elle par bonheur et toujours nueLa littérature et la peinture sont unies par des liens très étroits. Elles ont souvent subi les mêmes influences et se sont également interrogées l’une sur l’autre, que ce soit de façon théorique ou au travers de la fiction, en prenant pour personnage l’artiste peintre ou encore son modèle. C’est précisément la relation entre le peintre et son modèle, souvent complexe, qui est au centre du très beau livre de Guy Goffette, « Elle, par bonheur, et toujours nue ».

L’auteur y raconte la rencontre entre le peintre Pierre Bonnard et celle qui deviendra son modèle, puis sa compagne et enfin sa femme, Marthe. Il nous livre ainsi une biographie du peintre, non linéaire, en procédant par petites touches, par chapitres courts réunis dans des parties thématiques. Guy Goffette évoque aussi le mouvement des Nabis auquel appartenait Pierre Bonnard…

« Elle, par bonheur, et toujours nue » n’est pas un livre que l’on peut résumer. Il est composé de textes poétiques d’une grande beauté, qui prennent la forme d’une biographie fictive pour nous parler de la création artistique et pour célébrer Marthe, et au travers du modèle qu’elle est, pour célébrer la Femme et l’Amour, tout simplement. Une très belle lecture !

 

Elle, par bonheur, et toujours nue, Guy Goffette, Folio N°3671, mars 2006, 156 p.

 

Les avis des autres participants à la lecture commune Guy Goffette :

-Verlaine d’ardoise et de pluie, et L’autre Verlaine, chez Mina. Verlaine, d’ardoise et de pluie, de Nadège chez Anne.

-Elle, par bonheur, et toujours nue, chez La petite marchande de prose

-Une enfance lingère, chez Martine et chez Thé et livres, de Nadège chez Anne,

-Un été autour du cou, chez Ellettres.

-Geronimo a mal au dos, de Nadège chez Anne.

 

 

Livre lu dans le cadre du mois belge chez Anne et Mina, LC Guy Goffette.

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Excusez les fautes du copiste, Grégoire Polet

Excusez les fautes du copiste grégoire poletLe mois d’avril sera belge sur Le livre d’après et vous pourrez retrouver les nombreux billets des blogs participants au mois belge d’Anne et Mina, ou en cliquant sur le logo du mois belge.

Pour ma part, comme je l’ai annoncé dans mon billet de présentation, j’ai choisi de m’intéresser à des romans belges qui parlent de peinture et parmi ceux-ci, « Excusez les fautes du copiste » de Grégoire Polet, jeune écrivain belge très prometteur, dont le troisième roman a d’ailleurs été retenu dans la sélection du Goncourt.

Publié en 2006, « Excusez les fautes du copiste » est le second roman de Grégoire Polet. Il s’agit d’une confession, dans laquelle le narrateur nous livre le récit de sa vie ratée, prétexte à s’interroger sur l’art, sur la valeur de la vérité, sur le mensonge et sa signification.

Le narrateur a toujours échoué dans tous les domaines, à commencer par ses études artistiques de peinture. Il a pourtant obtenu son diplôme, mais avec des résultats plus que moyens. Puis il s’est marié, mais a perdu son épouse Nicole, morte en couches, et s’est retrouvé, -enfin une réussite-, avec une magnifique petite Isabelle qu’il a élevé seul et qui fut, un temps, son seul bonheur. Professeur de dessin dans une école de quartier, il mène une vie isolée et dans la grande maison froide que Nicole a laissée à Isabelle.

Notre antihéros se satisfait de sa médiocrité, car il pense n’avoir pas le choix. Ses oeuvres n’ont aucune originalité, comme en témoignent quelques tentatives vite abandonnées. Il accepte donc la proposition de Jeanne, qu’il a connue grâce à Emile, son seul ami : il s’agit de produire, au noir, des illustrations pour des livres que le père de Jeanne édite. Cela lui permettra de vivre un peu mieux, et surtout de payer les leçons de piano d’Isabelle.

Peu à peu, notre antihéros se voit proposer davantage de travail, il réalise des copies, tout à fait légalement d’ailleurs, et c’est un genre dans lequel il excelle. Il n’y voit pourtant que le reflet de sa médiocrité, puisqu’il est seulement capable de copier le travail des autres. Mais il a mis le doigt dans un engrenage et il dérive rapidement. Incapable de refuser ce qu’on lui demande, le copiste devient alors faussaire, et il atteint là le sommet de son art.

Ce faussaire génial est un homme passif qui regarde sa vie se dérouler comme il l’avait prévu, échec après échec. Il n’est pas dupe, jamais il ne se laisse rouler par ceux qui l’entourent et profitent de lui. Il est conscient de profiter également et il endosse la responsabilité de sa médiocrité. Il a seulement décidé de ne pas s’opposer à son destin. Paresse ? Incapacité à diriger sa vie ? Summum de la mauvaise foi ? L’antihéros de Grégoire Polet pourrait être agaçant, mais il est aussi parfait dans sa médiocrité, dans la façon qu’il a de de justifier ses actes.

« Le vrai, le faux, ce sont des inventions commerciales, des plus-values de marchands, des mensonges de maquignons, des arguments d’hypocrites. C’est une manière de créer des supériorités, de justifier des exclusions, d’exagérer des amours, d’exacerber des haines. Une manière de fonder le bonheur des uns sur le malheur des autres. Une raison de nier l’égalité, d’empêcher la fraternité, de miner la paix et de justifier les guerres. »

« Excusez les fautes du copiste » est le premier roman que le lisais de Grégoire Polet, et je n’ai pas été déçue. Le personnage du peintre faussaire m’a rappelé Meursault dans « L’étranger », un homme un peu extérieur à sa vie, qui observe et n’agit pas, spectateur de sa lente déchéance. J’ai cru retrouver aussi l’ambiance particulière de certains romans de Jacqueline Harpman, la ville de Bruxelles et la grande maison de l’avenue Brugmann, la plage d’Ostende, et des personnages seuls qui se livrent à l’introspection.

Au total, une réussite pour ma première lecture de ce mois belge !

 

Excusez les fautes du copiste, Grégoire Polet, Folio n°4779, Gallimard, Paris, 2008, 176 p.

 

Livre lu dans le cadre du Mois belge d’Anne et Mina

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Vigée Le Brun au Grand Palais

l'album de l'exposition vigée le brunDes femmes peintres françaises, il faut bien avouer que le grand public en connaît très peu. Sauf si vous êtes spécialiste en la matière, je vous suggère de réfléchir quelques minutes et de noter les noms qui vous viennent à l’esprit : ils sont peu nombreux ! Parmi ceux-ci, celui de Vigée Le Brun apparaît parfois, surtout connue grâce à son statut de portraitiste de la reine Marie-Antoinette.

Pour autant, aucune exposition monographique n’avait jusqu’ici été consacrée en France à Elisabeth Louise Vigée Le Brun. L’exposition du Grand Palais vient enfin rendre hommage à une grande peintre qui eut beaucoup de mal à imposer son talent, dans un milieu artistique plus que largement dominé par les hommes.

La postérité n’a pas non plus été tendre avec l’artiste, puisqu’elle fut méprisée par Simone de Beauvoir. L’auteur contestait le génie de Vigée Le Brun parce que celle-ci avait notamment  choisi de « fixer sur ses toiles sa souriante maternité »  (« Le deuxième sexe », Simone de Beauvoir). Et c’est justement cette représentation de la maternité -mais pas seulement- qui m’a beaucoup plu dans les tableaux présentés au Grand Palais.

 

Dès l’entrée de l’exposition, j’ai été saisie par la beauté de l’autoportrait qui en donne le ton, et plus particulièrement par la finesse et la lumière du teint de l’artiste.

autoportrait vigée le brun

L’artiste exécutant un portrait de Marie-Antoinette, 1790, huile sur toile, Florence, Galleria degli uffizi

 

De nombreux tableaux illustrent la tendresse maternelle, et ce sont ceux qui m’ont le plus touchée. Parmi ceux-ci, le plus connu, que l’on peut admirer normalement au Louvre :

la tendresse maternelle vigée le brun

Portrait de l’artiste avec sa fille dit « La tendresse maternelle », 1786, Paris, Musée du Louvre.

 

 

Enfin, mes deux préférés :

fille de vigée le brun

Jeanne Julie Louise Le Brun se regardant dans un miroir, 1787, collection particulière

 

vigee le brun

La marquise de Pezay et la marquise de Rougé, accompagnée de ses fils, 1787, Washington National Gallery of Art.

Et bien sûr, les portraits de Marie-Antoinette, dont celui-ci qui choqua parce que la reine est représentée en gaulle (chemise).

Marie antoinette en chemise vigée le brunMarie-Antoinette en chemise ou en gaulle, vers 1783, Kronberg, Hessische Hausstiftung.

Outre le côté artistique, l’intérêt de l’exposition vient également de la période historique concernée, puisque Vigée Le Brun est le témoin de plusieurs grands changements : née en 1755, l’artiste  a appris et développé son art sous l’ancien régime, puis a connu les excès de la révolution, et a compris tout de suite que son statut d’artiste de la Cour la mettait en péril. Elle s’est donc enfuie en Italie, puis s’est rendue à Vienne et enfin en Russie : un exil de douze années, pendant lesquelles elle a exercé son art auprès de l’aristocratie européenne, avant de rentrer à Paris, sous le Consulat. Elisabeth Louise Vigée Le Brun connaît alors la période de l’Empire, avec le développement d’une société nouvelle, qui se traduit par des changements dans les codes artistiques.

 

Il vous reste un mois, jusqu’au 11 janvier 2016,  pour voir cette exposition que je vous recommande tout particulièrement, si vous en avez l’occasion !

Plus d’infos sur : http://www.grandpalais.fr/fr/evenement/elisabeth-louise-vigee-le-brun

 

 

 

Intrigue à Giverny, d’Adrien Goetz

intrigue à GivernyC’est avec cette quatrième enquête de Pénélope que j’ai découvert la série d’Adrien Goetz. Certes, j’aurais dû commencer par « Intrigue à l’anglaise », le premier de la série, mais étant en pleine période impressionniste depuis que j’ai lu « Manet le secret » de Sophie Chauveau, « Intrigue à Giverny » a tout de suite suscité mon intérêt.

Petite présentation pour ceux qui ne connaissent pas la série d’Adrien Goetz : Pénélope Breuil, diplômée de l’Ecole du Louvre, est une conservatrice du patrimoine confrontée, avec son compagnon Wandrille, journaliste et fils de ministre, à des énigmes qui ont trait à l’histoire de l’art. Dans « Intrigue à Giverny », il est bien sûr question de Claude Monet, de sa maison de Giverny,  des nymphéas bleus, et du tableau « Impression, soleil levant » qui donna son nom au mouvement dont Monet est l’un des plus grands représentants. Mais on découvre également une facette méconnue de la vie de Monet : l’amitié du peintre avec Clémenceau et le rôle que Monet aurait joué en matière de politique étrangère…

Pénélope est invitée à un dîner officiel donné au sein même du Musée Marmottan-Monet au cours duquel, suite à une panne d’électricité, disparaissent … deux des convives : une Américaine excentrique et une religieuse française, toutes deux grandes connaisseuses de Monet. Ce n’est que le lendemain que la double disparition prend tout son sens, lorsque l’Américaine est retrouvée égorgée, puis quelques jours après, quand Sœur Marie-Jo est enlevée … à Monaco !

En effet, au centre de l’intrigue, le mariage princier d’Albert de Monaco et Charlène dont les préparatifs vont bon train, tandis que des négociations se déroulent en secret pour l’achat d’une toile inconnue de Monet : les proches du couple princier espèrent offrir en cadeau de noces une vue de Monaco peinte par Monet, qui constituerait l’un des éléments d’une série monégasque que le peintre aurait exécutée lors d’un mystérieux voyage dans la Principauté.

 

Monte-Carlo vu de Roquebrune

Monte-Carlo vu de Roquebrune, Claude Monet, 1884, huile sur toile, Palais princier, Monaco

 

Adrien Goetz nous embarque avec allégresse dans une série d’allers-retours entre Paris, Monaco et Giverny, sur les traces de Monet, à la recherche d’explications sur son amitié avec Clémenceau et sur les secrets qui entouraient le peintre. J’ai découvert avec plaisir les coulisses d’un monde dont on parle peu dans les romans, celui des conservateurs du patrimoine et autres experts en art.

L’auteur nous livre ainsi un policier artistique érudit où l’on apprend beaucoup mais qui reste néanmoins léger, sans doute grâce à l’humour et à la fantaisie de l’auteur. J’ai juste regretté l’utilisation du présent dans la narration, ce qui, à mon avis, alourdit le texte. Un bémol qui ne m’empêchera pas de lire bientôt les trois premières enquêtes de Pénélope et de Wandrille qui se déroulent en Angleterre, à Versailles et à Venise !

 

Intrigue à Giverny, Adrien Goetz, Le livre de poche, Paris, avril 2015, 305 p.