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Etés anglais, la saga des Cazalet 1, Elizabeth Jane Howard

Voici ma participation au mois anglais, in extremis, pour cause de vacances hors-saison : j’avais emporté « Etés anglais », le premier volume de la saga des Cazalet, du nom de cette famille aisée de la bourgeoisie londonienne qui se retrouve chaque été à la campagne. Ce fut une belle découverte, même si j’ai dû m’accrocher un peu pendant le premier tiers du roman, le temps de faire connaissance avec les nombreux personnages et de m’habituer à ce type de récit qui s’attache d’abord aux petites choses du quotidien : quelle robe porter, quelle chambre donner à une adolescente mal dans sa peau… ? Est-ce qu’on prend un café ? Oui, mais seulement si tu en prends un… Il s’en est fallu de peu que j’abandonne les Cazalet, mais je suis finalement très contente d’avoir poursuivi !

étés anglais la saga des cazalet

Le roman débute en juillet 1937 dans le Sussex, à Home Place, résidence de William et Kitty Cazalet. Kitty, surnommée La Duche, prépare la maison avec ses domestiques, en attendant l’arrivée des enfants et petits-enfants. Leur fille Rachel, célibataire, vit avec eux, mais les trois garçons vivent à Londres avec leur famille.  L’aîné, Hugh, est rentré de la Grande Guerre amputé d’une main et en proie à de violents maux de tête. Il a deux enfants et sa femme est enceinte au début du récit. Le deuxième fils, Edward, est un homme séduisant à qui tout réussit, marié à une ancienne danseuse étoile et père de trois enfants. Enfin, Rupert, le plus jeune, est professeur et peintre-artiste lorsqu’il en trouve le temps. Il a perdu sa première femme en couches et a épousé ensuite la jeune Zoé qui a du mal à se faire à son statut de belle-mère.

Tout ce petit monde, accompagné de gouvernantes et autres domestiques, vient passer l’été à Home Place où les apéritifs dans le jardin font place à des repas de famille ou à des pique-niques sur la plage. Les paysages enchanteurs, d’un vert tendre tout britannique, les roses du jardin, et la canicule -car il faisait chaud aussi dans les années trente en Angleterre- nous promènent dans ce quotidien privilégié, doux et attachant. Mais derrière les préoccupations des uns et des autres, les petites disputes et les bouderies, apparaissent bientôt des non-dits, des incertitudes et des questions finalement bien plus importantes.

Née en 1923, Elizabeth Jane Howard a sans aucun doute vécu bon nombre de ces moments qu’un don pour l’observation lui permet de retracer avec finesse et psychologie. Sous une apparence d’abord légère, le roman évoque des thèmes beaucoup plus sérieux, le traumatisme qu’a représenté la guerre 14-18, le rôle des femmes et leur difficulté à trouver leur place dans la société masculine de l’époque, l’homosexualité, les relations intra-familiales, la peur des enfants face à la guerre… Dans la seconde moitié du roman, on assiste peu à peu à la montée de l’inquiétude de la famille face aux risques de conflit mondial. On découvre aussi que derrière l’apparente unité de la famille, il existe beaucoup de petits secrets… On ne peut donc pas abandonner la lecture à la fin de l’été 1938. Alors, je ne sais pas si j’irai jusqu’à la fin de la saga, mais il est sûr que je vais me procurer le second tome rapidement !

Etés anglais, La saga des Cazalet 1, Elizabeth Jane Howard, traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff, Quai Voltaire, paris 2020.

 

Lu dans le cadre du mois anglais, du challenge Objectif pal et du challenge Pavé de l’été chez Brizes.

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Les routes de poussière, Rosetta Loy

C’est déjà presque un classique : ce roman est paru en 1987 en Italie et a connu un grand succès, remportant plusieurs prix littéraires. Il avait été publié en français en 1995 et il vient d’être réédité chez Liana Levi en 2019. Rosetta Loy, née en 1931 à Rome, appartient à la féconde « génération des années trente » et est désormais une figure importante de la littérature italienne contemporaine.

les routes de poussière rosetta loy

« Les routes de poussière » nous plonge dans le XIXème siècle italien, celui du Risorgimento, un processus lent qui culmine avec la réalisation de l’unité italienne en 1861. Le roman de Rosetta Loy a le souffle épique des sagas historiques, même s’il ne nous offre finalement que le quotidien d’une famille de paysans aisés du Piémont sur trois générations. En effet, il ne s’agit pas d’un roman historique, la « grande Histoire » n’étant présente qu’en toile de fond et les événements n’étant que rapidement évoqués. C’est au contraire le destin de paysans inconnus qui est détaillé, leurs amours, leurs épreuves, leurs joies, leurs superstitions et leurs sentiments.

Le roman débute avec le dix-neuvième siècle, dans les collines du Piémont, au nord-est de Turin. Les étés sont chauds et secs, les hivers pluvieux, et la neige recouvre tout en hiver. Un climat difficile pour les descendants du « Grand Masten », ce paysan devenu propriétaire après s’être enrichi en revendant fourrage et blé aux soldats de passage : la région subit en effet de nombreuses invasions, notamment au cours des campagnes napoléoniennes ou lorsque les Autrichiens tentent de s’approprier le Nord de l’Italie.

Tout commence avec les deux fils du Grand Masten, Pietro, dit « Pidren » et Giuseppe, dit « le Giaï ». Les frères tombèrent tous deux amoureux de la même jeune fille, la très jolie Maria, mais celle-ci choisit le plus jeune des deux frères, le Giaï. Et c’est ainsi que démarre une saga qui se centre sur ses personnages. Ils sont assez nombreux, mais pas trop -un arbre généalogique nous est d’ailleurs proposé en fin de volume- et tous très attachants. Leur quotidien est fait de labeur, de repas pris à la hâte autour de l’invariable polenta, de pain et de fromage, et ils parlent un dialecte local, mâtiné de mots français.

Il y a Gavriel qui n’a aimé qu’une seule femme, sa sœur Bastianina devenue nonne et surnommée par son frère « la tante bonne-soeur », avant de triompher « dans son habit immaculé », le petit Gioacchino qui « volait comme une plume », Teresa des Maturlin devenue trop tôt « symbole de la jeunesse et du bonheur perdus » Fantina, sacrée meilleure brodeuse de toute la région, Mandrognin, « serviteur et esclave «  de Maria qui la contemplait, « heureux parce que Dieu se laissait voir en chemise avec juste un châle. Et Dieu était si beau », et tant d’autres qui forment une galerie riche et savoureuse.

« Les routes de poussière » est un roman plein de charme et de poésie mais aussi de vivacité et de passion. Son style fluide et concret nous rapproche de ces paysans, l’auteure ayant un don, au moyen de mille anecdotes, pour les rendre charmants. Une belle découverte que je poursuivrai en lisant l’un des nombreux autres romans de Rosetta Loy.

Les routes de poussière, Rosetta Loy, traduit de l’italien par Françoise Brun, Editions Liana Levi, collection Piccolo n°145, 2019, 288 p.

 

Lu dans le cadre du mois italien chez Martine et du challenge Objectif Pal chez Antigone.

Retour à Montechiarro, Vincent Engel

Pour ce mois belge, j’avais envie de voyager dans le temps et dans l’espace et je me suis donc plongée dans la saga que Vincent Engel a publiée il y a déjà vingt ans.

« Retour à Montechiarro » se déroule principalement en Toscane et évoque plusieurs générations d’une famille en s’appuyant sur des personnages féminins qui aspirent au bonheur. Il faut dire qu’à part le Comte Della Rocca, noble éclairé et bienveillant avec lequel Vincent Engel ouvre son roman, il n’y a pas dans ses descendants et leurs conjoints beaucoup d’hommes recommandables, même si ces derniers existent dans le roman : Sébastien, un jeune photographe belge qui voyage en Italie dans les années vingt, et Ulysse, le libraire de Montechiarro que les fascistes envoient en confinement sur l’île de Lipari (certains découvriront ici ce que signifiait le mot « confinement » sous Mussolini).

Le roman est découpé en trois parties qui correspondent à trois périodes importantes de l’histoire de l’Italie. Nous faisons ainsi connaissance avec le Comte Della Rocca au début du « Risorgimento » en 1849. Nous suivons ensuite sa petite-fille, Agnese, pendant la période mussolinienne de l’entre-deux-guerres, avant de terminer dans les années de plomb, celles des Brigades rouges, en 1978, avec Laetitia, petite-fille d’Agnese. La toile de fond historique est très évocatrice, en particulier pendant les deux premières périodes. Les années soixante-dix sont à mon sens moins réussies.

Le principal défaut de cette saga est que l’ensemble est très noir. Il n’y a aucune période heureuse, sur un siècle et demi d’histoire familiale ! Les choix que font certains personnages, notamment Agnese, m’ont paru manquer de réalisme, peut-être dictés par les nécessités de l’intrigue. Enfin, le tout manque un peu de rythme, certainement en raison de quelques longueurs.

Pour autant, ce roman vaut le détour. C’est une fresque historique intéressante, bien écrite, qui parvient à imposer son univers et à nous plonger dans l’atmosphère de l’époque et du lieu.

 

Retour à Montechiarro, Vincent Engel, Le livre de poche, 2003, 727 p.

 

 

Roman lu dans le cadre du mois belge chez Anne, et du challenge Objectif Pal chez Antigone.

Magnifica, de Maria Rosaria Valentini

 

Ada Maria vit dans un village de l’Apennin entre une mère taciturne et fatiguée, Eufrasia, qui est méprisée par un mari volage, Aniceto, et Pietrino, un petit frère fragile qui n’aime pas l’école. Quand Eufrasia meurt, le frère et la soeur se rapprochent à la faveur d’un amour commun pour leur mère, tandis que leur père en profite pour s’installer chez Teresina, sa maîtresse.

D’une nature solitaire et rêveuse, Pietrino devient fossoyeur communal. Il entretient le cimetière, s’intéresse à l’histoire de ceux qui y demeurent, il jardine, il chérit certaines tombes oubliées … Ada Maria rêve de quitter le village mais ne veut pas abandonner son frère. Proche de la nature, forte malgré sa petite taille, Ada Maria effectue des travaux dans les champs, pour l’un ou l’autre voisin, et aime se promener dans la montagne et la forêt.

Au cours de l’une de ses promenades, elle aperçoit un homme qui ressemble à un vagabond. Elle se rend compte en revenant sur les lieux qu’il s’agit d’un Allemand qui vit caché dans une grotte depuis la fin de la guerre. Rejetant ses préjugés et sa peur, Ada Maria l’apprivoise peu à peu en lui apportant de la nourriture et des vêtements ; une histoire d’amour naît entre eux et Ada Maria se retrouve enceinte…

« Magnifica » nous raconte l’histoire de trois générations de femmes au destin très différent. Le roman explore les différentes facettes de l’amour maternel, qu’il s’agisse de l’amour tacite mais bien présent d’Eufrasia pour ses enfants, de celui d’Ada Maria pour la belle « Magnifica », véritable enfant de l’amour, ou de l’amour par procuration qu’éprouve Teresina pour le fils et la fille de son ancien amant. L’écriture délicate et poétique et la place importante que l’auteure confère à la nature dans le roman lui donnent une certaine intemporalité. De même, le peu de références géographiques confèrent une universalité à l’intrigue. Un très beau roman romantique, mais jamais mièvre, mélancolique et pourtant plein d’espérance, que je vous conseille de déguster tranquillement, en appréciant la douceur des mots.

 

Magnifica, Maria Rosaria Valentini, traduit de l’italien par Lise Caillat, Editions J’ai lu n°12767, septembre 2019, 347 p.

Celle qui fuit et celle qui reste, Elena Ferrante

celle-qui-fuit-et-celle-qui-restePour commencer l’année en beauté, je ne pouvais pas faire autrement que d’évoquer le troisième tome de la saga napolitaine d’Elena Ferrante enfin sorti en français. Les fans se sont en effet précipités dès le 3 janvier en librairie pour renouer avec cette lecture passionnante !

Pour rappel, nous avons fait connaissance avec les deux héroïnes, Elena et Lila, dans « L’amie prodigieuse », puis suivi leur adolescence et le début de leur vie d’adulte dans « Le nouveau nom ». Dans « Celle qui fuit et celle qui reste », on retrouve les deux amies, jeunes adultes, avec leur conjoint respectif et leurs enfants.

Pour ne pas entamer le suspense, je resterai très évasive et je ne vous livrerai ici que quelques observations générales qui, je l’espère, vous donneront envie de lire ce troisième tome, ou de vous plonger dans cette belle saga, si vous ne la connaissez pas encore.

A partir du titre, « Celle qui fuit et celle qui reste », on comprendra vite qu’Elena, qui a quitté son quartier napolitain, n’y reviendra pas. Installée à Milan à la fin du second tome, après des études effectuées à la prestigieuse Ecole Normale de Pise, Elena publie son premier roman, avant de déménager à Florence. Quant à Lila, « celle qui reste », elle s’établit dans le quartier napolitain plus aéré de San Giovanni a Teduccio,

Malgré l’éloignement, les deux amies restent en contact. Selon les périodes de leur vie, les liens qu’elles entretiennent sont à géométrie variable : tantôt étroits, tantôt distendus, voire sporadiques. Comme par le passé, leur amitié est parfois sincère, parfois ambigüe. Elle peut également se limiter à échanger des nouvelles des habitants du Rione, dont le lecteur suit ainsi l’évolution de loin. Un autre élément reste présent tout au long du roman, tantôt en filigrane, tantôt comme acteur à part entière de l’intrigue : le beau Nino, qu’Elena rencontre à Milan où elle est conviée à une soirée de promotion de son livre, et que l’on retrouvera également à la fin de ce troisième volume.

La situation politique et les questions sociales, déjà bien présentes dans les deux premiers volets de la saga, occupent maintenant une place essentielle. Nous suivons ainsi l’évolution de la politique italienne, marquée par les violences répétées des années soixante-dix. Lila travaille désormais dans une charcuterie industrielle et elle subit un harcèlement qui était alors le lot de beaucoup de femmes de son milieu. Ses conditions de travail sont très difficiles, voire abrutissantes, et elle n’hésite pas à les critiquer au risque de perdre un emploi pourtant vital.

Elena s’emploie à dénoncer les mêmes abus, par le biais d’articles qu’elle commence à écrire pour le quotidien communiste « L’Unità ». Elle continue également à étudier, car elle veut en savoir plus dans ces domaines où elle estime disposer de peu de connaissances. Comme toujours, c’est par l’étude qu’Elena comble ses lacunes, alors qu’au même moment, Lila apprend en multipliant les expériences.

La condition de la femme se trouve également au centre des préoccupations d’Elena. Celle-ci éprouve des difficultés dans la vie quotidienne. Elle découvre la vie de famille et se rend compte qu’il est difficile de continuer à écrire et à publier tout en élevant de jeunes enfants. Elena se trouve aussi confrontée à la difficulté de s’extraire véritablement de son milieu. Elle s’interroge, elle perd souvent confiance car elle estime n’avoir pas les mêmes armes que ses proches, notamment sa belle-famille, dont les membres sont issus d’un milieu cultivé.

Comme dans les deux premiers tomes, Elena se pose bien sûr beaucoup de questions sur son amitié avec Lila qu’elle peine d’ailleurs à définir. En même temps, elle ne peut s’en passer et s’en trouve malheureuse. Quant à Lila, elle continue à faire preuve d’une méchanceté que l’on devine motivée par autre chose que de la simple jalousie. Dans ce domaine, le suspense est intact à l’issue du troisième tome : qui d’Elena ou de Lila est « l’amie prodigieuse » de l’autre ?

De quoi attendre le quatrième et dernier tome de la saga d’Elena Ferrante avec toujours autant d’impatience !

Nouveau coup de coeur !

Celle qui fuit et celle qui reste, Elena Ferrante, traduit de l’italien par Elsa Damien, collection Du monde entier, Gallimard, Paris, janvier 2017.

 

Livre lu dans le cadre du challenge Il viaggio chez Martine, du challenge Leggere in italiano et du challenge femmes de lettres, chez George.

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