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Efface toute trace, François Vallejo

A la réouverture des librairies, je me suis précipitée pour faire un plein, craignant que l’épisode funeste ne se répète et me laisse sans stock, ce qui n’est pourtant pas près de se produire ! J’ai eu tout de suite l’œil attiré par la couverture rouge et noire des éditions Viviane Hamy et par le nom de François Vallejo, qui m’ont rappelé l’excellent « Hôtel Waldheim » que j’avais tant apprécié il y a deux ans. Un très bon choix que je n’ai finalement pas eu le temps de lire tout de suite, mais avec lequel je me suis régalée :

L’auteur change totalement de lieu, d’époque, et de genre pour nous proposer… le rapport d’un expert en art contemporain ! Dit comme cela, ce n’est guère engageant, et pourtant… On n’a pas le temps de s’ennuyer car on apprend vite que ledit expert a été missionné par un groupe de collectionneurs anonymes qui craignent pour leur vie, depuis que trois décès violents ont eu lieu à Hong-Kong, New-York et Paris et qu’il est apparu dans les milieux initiés que les victimes ont en commun d’être fortunées, bien qu’à des degrés très divers, et surtout, d’avoir collectionné des œuvres d’art contemporain. Notre expert mettra peu à peu en évidence le fait que tous avaient acquis au moins une œuvre d’un artiste inconnu, un certain jv (initiales avec lesquelles il signe en minuscules).

« Le mystère entretenu par un pseudo, l’art de ne pas montrer son visage, sous un chapeau, une casquette, des lunettes noires, visent, chez la plupart des artistes, à amplifier leur notoriété ; chez jv, la dissimulation semble sincère, le devoir de reconnaissance étouffé ».

Qui est ce mystérieux jv ? Connaissait-il les victimes ? Quel art pratique-t-il ? François Vallejo nous propose ainsi un « thriller artistique », écrit avec toute la distance administrative que la rédaction d’un rapport exige. Pourtant le narrateur, au fil de sa rédaction froide et nuancée, commence à se laisser aller à une certaine ironie… et c’est ainsi qu’il nous emporte dans un roman original et très prenant.

En chemin, l’auteur évoque de nombreux thèmes liés à l’art contemporain comme la modernité de l’art collaboratif poussé à l’extrême ou le rôle de l’art moralisateur, la question de ce qui fait un chef-d’œuvre de nos jours, et tant d’autres. Les références à Banksy et à d’autres artistes moins connus du grand public sont nombreuses et ne séduiront pas que les connaisseurs, mais aussi les néophytes comme moi. « Efface toute trace » est un roman intelligent qui m’a fait passer un excellent moment !

Efface toute trace, François Vallejo, Editions Viviane Hamy, septembre 2020, 294 p.

Sur le toit de l’enfer, Ilaria Tuti, finaliste du Prix Nouvelles Voix du polar 2020.

Voici ma deuxième chronique dans le cadre du prix Nouvelles Voix du polar des éditions Pocket. Il s’agit cette fois du premier des deux romans finalistes que j’ai lus dans la catégorie « Polar étranger ». Encore une fois, le niveau est élevé !

 

Dans une vallée sauvage et sombre des montagnes du nord de l’Italie, aux confins de l’Autriche, là où les hommes ont gardé l’habitude de l’isolement et le goût du secret, un crime odieux vient d’être commis dans les bois. Un cadavre sans yeux, nu, est découvert par un randonneur. Il est aussitôt identifié, puisqu’il s’agit d’un habitant du village qui avait disparu depuis deux jours.

C’est la commissaire Battaglia qui fait les premières constatations et démarre l’enquête. A ses côtés, Massimo Marini, jeune inspecteur qui arrive de la ville, soucieux de bien faire mais attentif à ne pas se laisser marcher sur les pieds. C’est par son regard que nous faisons connaissance avec sa chef, Teresa Battaglia, profiler d’une soixantaine d’années qui, c’est le moins que l’on puisse dire, ne l’accueille pas aimablement…

En effet, Teresa ne s’embarrasse pas de conventions. Ce qui compte est l’efficacité et elle utilise son expérience et sa mémoire des anciennes affaires pour se faire une idée du profil psychologique de l’assassin ; ou plutôt de celui que l’on recherche et qu’elle considère comme une victime également car, pour elle, il faut avoir subi beaucoup pour en arriver à de telles extrémités. En tout cas, ce dont Teresa Battaglia est sûre, c’est que celui qui a commis le crime recommencera. Il faut donc le retrouver au plus vite afin d’éviter de nouvelles victimes.

L’enquête s’annonce difficile, par le caractère des gens de la montagne qui aident peu les enquêteurs et par le fait que le meurtrier n’a pas recours au même mode opératoire lors de ses différents crimes. Mais Teresa Battaglia ne s’en laisse pas compter. Elle se bat farouchement d’autant qu’elle a affaire à un nouvel ennemi, puisqu’elle est victime de plus en plus souvent de pertes de mémoires et de courts moments pendant lesquels elle se sent désorientée. Autant d’éléments qui lui font penser à une maladie qui s’installe, ce qui serait un drame pour elle qui ne vit que pour son métier.

Avec ce premier polar, Ilaria Tuti a déjà inscrit son nom parmi les maîtres du polar italien. Le succès est bien mérité. L’atmosphère de ce village de bout de vallée est très bien rendue -il ressemble à celui dont l’auteure est originaire-. Et j’ai beaucoup aimé le personnage de Battaglia qui, sous ses airs bourrus, est en fait une femme sensible et humaine qui cherche à comprendre l’assassin et progresse ainsi rapidement dans son enquête. Avec en toile de fond, la problématique du syndrome de privation affective sur les nouveaux-nés. Une question d’actualité, qui m’a fait frémir quand j’ai pensé à un article lu en mai dernier, relatif à des nouveaux-nés issus de la GPA qui attendaient leurs futurs parents dans des berceaux bien alignés d’un hôtel ukrainien, soignés mais sans aucun amour, et bloqués là par les effets du confinement…

Bref, j’aime quand un polar fait référence à une question d’actualité ou à un fait historique, quand l’horreur du crime s’explique d’une façon ou d’un autre et nous ouvre les yeux sur une problématique. Très bonne lecture donc. Je lirai avec plaisir le second volet des enquêtes de Teresa Battaglia qui est déjà sorti.

 

Sur le toit de l’enfer, Ilaria Tuti, traduit de l’italien par Johan-Frédérik Hel Guedj, Editions Pocket n°17644, janvier 2020, 430 p.

 

 

Il était deux fois, Franck Thilliez

Grandiose, diabolique, génial, brillant, addictif… je pourrais aligner deux lignes de qualificatifs pour parler du dernier polar de Franck Thilliez qui parvient toujours à me surprendre : mais comment fait-il pour se renouveler de la sorte, tout en étant fidèle à ce que l’on aime chez lui ? Une intrigue parfaitement ficelée, avec des criminels qui rivalisent d’horreur et de folie, une construction magistrale, un sujet scientifique doublé d’une question sociétale ou culturelle, de nombreuses références et, comme dans « Le manuscrit inachevé », des palindromes et des énigmes qui invitent le lecteur à se creuser la cervelle. Une recette parfaite, mais il faut être un grand chef pour la réussir !

Et quand on sait que Thilliez aime à semer dans son texte quelques indices qui prendront leur signification plus tard, on essaie de freiner la lecture pour être plus attentif aux détails. Et pourtant, il est difficile de ralentir quand l’intrigue est si prenante. Cette fois, nous sommes à Sagas, une petite ville des Alpes coincée au fond d’une vallée sinistre, froide et sombre. Gabriel Moscato se réveille dans une chambre d’hôtel, tout aussi glauque que la vallée-n’y logent que des familles qui viennent visiter leurs proches détenus dans la prison voisine-, et se rend compte, stupéfait, qu’il ne se trouve pas dans la même chambre que celle où il s’était endormi. Le pire est à venir puisqu’il découvre dans le miroir de la salle de bains un visage amaigri et vieilli qu’il reconnaît à peine.

Moscato était venu dans cet hôtel retrouver sa fille Julie, disparue un mois plus tôt, en mars 2008. Or, nous sommes en novembre 2020. Moscato ne se souvient de rien, sa mémoire occulte soudainement douze ans de sa vie. Il pense être choqué par ce qu’il a vu pendant la nuit, une pluie d’oiseaux morts, bien réelle car elle a réveillé d’autres clients de l’hôtel. Le cauchemar continue lorsque Moscato apprend qu’il n’est plus gendarme et que ses anciens amis ou collègues ne veulent plus lui parler…

Je n’en dirai pas davantage sinon que Thilliez aborde le thème de la mémoire et celui, passionnant, de « l’art criminel » ou de la représentation de la mort par crime dans la peinture, la littérature ou d’autres domaines que vous découvrirez si vous lisez « Il était deux fois ». A cet égard, les références au polar en général et à des auteurs contemporains sont assez savoureuses.

Les lecteurs fidèles de Thilliez trouveront dans ce nouveau roman de nombreuses références au « Manuscrit inachevé », son roman paru en 2018, ainsi qu’une surprise de taille. Je leur conseillerai d’ailleurs de relire « Le manuscrit inachevé » ou au moins, d’en relire quelques résumés assez complets. Les autres découvriront « Il était deux fois » sans aucune incompréhension, c’est aussi cela le génie de l’auteur.

 

Il était deux fois, Franck Thilliez, Fleuve Editions, collection Fleuve Noir, avril 2020, 506 p (+ ?).

 

 

Participation au challenge polar et thriller chez Sharon

Je suis Pilgrim, Terry Hayes

 

Pilgrim est le nom de code d’un des meilleurs agents secrets des Etats-Unis. Malgré sa grande expérience et son expertise unique, Pilgrim est jeune. A l’aube de la trentaine, il aimerait changer de vie avant qu’il ne lui arrive quelque chose. Réfugié dans l’anonymat, il écrit un livre qui devient une référence en matière de criminologie et de médecine légale, pour aider ceux qui, comme lui, œuvrent à la défense du pays. Ce qu’il n’avait pas prévu, est que ce livre aiderait aussi de futurs criminels, et lui remettrait également le pied à l’étrier lorsque le pays se trouverait devant une menace inédite et terrifiante.

Et nous voilà partis, suite à un meurtre commis dans un petit hôtel de Manhattan sur une jeune femme impossible à identifier parce que plongée dans une baignoire d’acide, en Turquie à Bodrum, puis dans les montagnes de l’Afghanistan, sur les traces du Sarrasin, jeune saoudien traumatisé par l’exécution de son père, dans une course folle pour empêcher ce qui constituerait un véritable crime contre l’humanité.

Sans révéler de quoi il s’agit exactement, je ne peux cacher qu’il est question d’un virus modifié pour que le vaccin existant soit rendu inopérant. Pas l’idéal donc pour se changer les idées ! Et pourtant, c’est grâce à ce thriller -et au challenge Pavévasion de Brizes qui m’a donné l’idée de tirer ce roman de ma Pal- que je me suis remise à lire : « Je suis Pilgrim » est très efficace, addictif, avec des rebondissements, des retours en arrière et un personnage principal assez intéressant. Sans compter une jeune new-yorkaise auteur d’un double crime presque parfait, une flic turque antipathique, un garçon trisomique attendrissant, un hacker obèse qui rêve d’amour et d’enfants, un flic de la police criminelle qui cache son héroïsme…

Vous l’avez compris, « Je suis Pilgrim » a tout du film d’espionnage; l’auteur est d’ailleurs scénariste pour le cinéma. Rien de littéraire donc, et quelques invraisemblances mais après tout, James Bond aussi se tire tout seul de situations épouvantables ! Et c’est ainsi que les 900 pages s’écoulent à toute vitesse… Très divertissant !

 

Je suis Pilgrim, Terry Hayes, traduit de l’anglais (américain), par Sophie Bastide-Folz, Le livre de poche n°33697, 2015, 906 p.

 

Livre lu dans le cadre du challenge « Pavévasion » chez Brizes, du challenge « Objectif Pal » chez Antigone, et du challenge « Polars et thrillers » chez Sharon.

 

L’aigle de sang, Marc Voltenauer

L’inspecteur Andreas Auer, dont nous avons fait connaissance dans « Le dragon du Muveran », puis dans « Qui a tué Heidi ? », vit des moments difficiles suite à la révélation de sa soeur Jessica et à l’accident de son compagnon Michael et à la longue et douloureuse rééducation de celui-ci. Mais le caractère combatif d’Andreas l’incite à aller de l’avant et à chercher des réponses à certaines questions. Il entreprend donc un voyage en Suède à la recherche de ses origines et choisit d’y consacrer ses trois semaines de vacances bien méritées. En son absence, c’est Karine, sa collègue de Lausanne, qui s’occupera de Mikaël.

C’est donc loin de la Suisse que se déroule l’intrigue de ce troisième volume des aventures de l’inspecteur Auer, sur l’île de Gotland plus précisément, dont Marc Voltenauer vante les atours, nous donnant ainsi envie de découvrir la cité médiévale de Visby, la faune et la nature de l’île. Mais comme on s’en doute, la quête personnelle de l’inspecteur Auer sur les traces de son histoire familiale ne sera pas une partie de plaisir : à remuer le passé, on le réactive bien souvent, et les morts s’enchaînent, entraînant Andreas dans une véritable enquête criminelle qu’il aidera à résoudre, en enquêtant seul ou en collaborant avec la police locale.

Au centre de l’intrigue, un clan vicking pour admirateurs du paganisme nordique en mal d’exaltation. On découvre ici quelques aspects de la mythologie nordique, dont le fameux « aigle de sang » qui donne son titre au roman : un mode d’exécution particulièrement odieux ! Marc Voltenauer aime les détails, qu’il s’agisse de la déesse Freya, de la progression d’une opération de police ou d’un piège tendu aux membres du clan criminel. Pour autant, les chapitres courts se succèdent, le suspense demeure et le rythme est bien tenu. La narration adopte un schéma que les amateurs de polars nordiques connaissent bien, en alternant les chapitres relatifs à deux, voire trois périodes différentes.

Quant aux personnages, ils sont nombreux, et l’on s’y perd parfois dans les fonctions ou les rôles des membres du clan vicking, d’autant que les noms suédois sont difficiles à retenir. Un peu de concentration est nécessaire à la lecture qui, malgré cela, apporte toujours autant de plaisir (et des frissons bien sûr). En ce qui me concerne, outre l’intrigue, j’ai aimé découvrir l’île de Gotland, la mythologie nordique, mais l’ambiance calme et sereine du village de Gryon m’a manqué, notamment l’apéritif partagé sur la terrasse du chalet, et même si je comprends bien le besoin de l’auteur -qui est helvético-suédois- d’ancrer l’un de ses romans en terre nordique, j’espère que l’inspecteur Auer retrouvera vite le cadre ressourçant des alpes vaudoises.

A noter que le tome 2, « Qui a tué Heïdi ? » est maintenant disponible en collection de poche.

 

L’aigle de sang, Marc Voltenauer, Editions Slatkine et Cie, 2019, 511 p.

 

7ème participation au challenge Polars et Thrillers chez Sharon

 

Loups solitaires, Serge Quadrupanni

 

De l’auteur, je connaissais les excellentes traductions de l’italien, celles des romans d’Andrea Camilleri notamment. Je découvre maintenant Serge Quadrupanni en tant qu’auteur.

« Loups solitaires » est un roman d’espionnage sur fond de djihadisme qui relate la traque d’un membre des forces spéciales par différents services secrets. On fait la connaissance du héros, Pierre Dhiboun, dans les Alpes, à la frontière franco-italienne. L’homme y rencontre fortuitement un écrivain italien qui se rend à Lyon pour participer à un colloque littéraire.

Quelques temps auparavant, Pierre Dhiboun a été envoyé au Mali pour infiltrer un groupe de djihadistes. Pour endosser le rôle, il se convertit même à l’Islam. Mais, ayant décidé de rentrer en France, il disparaîtra aux environs de Lyon, plongeant sa hiérarchie et les différents services qui le suivent dans un doute d’autant plus horrible que son « ultra-compétence » dans des domaines sensibles le rend très dangereux. Que signifie ce revirement apparent ? Pierre Dihboun est-il passé à l’ennemi ? S’est-il radicalisé ?

C’est son périple que l’on suivra en France, mais aussi en Afrique, aux côtés d’une mystérieuse rousse, éthologue de son état, qui vit dans le Limousin, et se console dans les bras d’un chirurgien en burn-out de la disparition soudaine de son mari, dont elle avait décidé de divorcer. Dit comme ça, cela paraît un peu loufoque, et en effet, il y a un certain humour sous-jacent dans ce roman, qui mêle des épisodes sérieux de traque avec des moments plus calmes d’observation de la faune du Limousin, blaireaux, choucas et autres témoins de la bêtise humaine… Tandis que le loup, le vrai, depuis le plateau de Millevaches, observe tout ce cirque et semble se dire que décidément, l’homme est bien un loup pour l’homme !

J’ai apprécié ce roman assez différent des thrillers que le lis habituellement, par ses références animalières et par l’humour ironique qui s’en dégage, de même que par le thème, puisqu’il s’agit pour l’auteur de dénoncer les excès auxquels conduisent la lutte contre le terrorisme. L’écriture de Serge Quadrupanni est l’un des points forts du roman. Spécialiste de la langue, il m’a séduite par certaines images poétiques et par la précision de son vocabulaire.

En revanche, la construction du roman, avec des sauts parfois indistincts dans le temps et dans l’espace, peut rendre l’intrigue difficile à suivre. De même, il n’est pas facile de s’y retrouver dans les différents services secrets et dans le but que chacun d’entre eux poursuit (outre de traquer Pierre Dhiboun). Un minimum de concentration est donc nécessaire. Le livre de Serge Quadrupanni n’est donc pas un roman d’espionnage traditionnel, il n’a rien du page-turner à l’écriture fluide et efficace mais sans recherche.

Loups solitaires, Serge Quadrupanni, éditions Métailié, collection Noir, Paris, octobre 2017, 228 p.

 

Je remercie les éditions Métaillié et le site lecteurs.com de m’avoir fait découvrir ce roman.

 

Cette lecture participe au challenge Polars et Thrillers chez Sharon

 

 

 

Origine, Dan Brown

La recette de Dan Brown tient apparemment à peu de choses : un secret sur le point d’être révélé, des personnes prêtes à tout pour empêcher cette divulgation, un peu d’histoire, d’art, de philosophie et de sciences, le tout parfumé d’un bouquet d’ésotérisme, de forces occultes ou, en l’occurrence, de religion. Ajoutez à cela une course-poursuite-jeu de piste en compagnie d’une jeune femme, quelques voyages rapides et une fin à l’américaine où tout est bien qui finit bien !

Evidemment, il faut que la sauce prenne et pour cela, une bonne dose de talent de conteur est nécessaire : Dan Brown n’en manque pas, dans « Origine » comme dans les précédents opus, même si l’on commence à connaître les procédés de l’auteur et à s’en lasser… L’avantage de ce genre de thriller est qu’il suffit de se laisser porter ; c’est parfait si c’est ce que l’on recherche et c’était précisément le cas le week-end dernier, qui était particulièrement hivernal. Les aventures du professeur Langdon m’ont permis de me reposer en m’assignant au canapé pour plusieurs heures !

Cette fois, c’est à Bilbao que l’on retrouve ce cher professeur Langdon, invité par l’un de ses anciens étudiants qui a brillamment réussi en tant que futurologue (?!) : Edmond Kirsch est sur le point de révéler à des invités triés sur le volet, mais aussi en direct via les réseaux sociaux, la découverte scientifique révolutionnaire qu’il a faite en menant des recherches sur les deux grandes questions existentialistes encore sans réponse : d’où venons-nous ? Où allons-nous ? Le problème est que cette découverte risque de bouleverser les adeptes des religions. Edmond Kirsch avait d’ailleurs pris soin de rencontrer trois représentants des grandes religions afin, disait-il, de connaître et évaluer leur réaction. Ils ne sont donc que quatre au monde à être au courant…

La cérémonie est réglée comme du papier à musique car Edmond ne laisse jamais rien au hasard. Ainsi, les trois religieux pensent que le secret ne sera divulgué que trois semaines plus tard. Qui donc pourrait empêcher la révélation au monde ? C’est après plus de cinq cents pages que vous le saurez, après avoir visité le musée Guggenheim de Bilbao, la Sagrada Familia et différents quartiers de Barcelone, et être passé par le Palais Royal de Madrid et l’Escorial, entre autres.

Les aventures de Robert Langdon amènent finalement le lecteur à entrevoir une découverte scientifique qui n’a rien de « révolutionnaire » à mon avis : je vous conseille donc de ne pas vous attendre à quelque chose d’exceptionnel. En revanche, la lecture devient enrichissante si l’on mène quelques recherches, ne serait-ce qu’en s’intéressant aux lieux visités par le tandem Robert Langdon-Ambra Vidal et par quelques personnages secondaires, ou aux théories scientifiques évoquées, ainsi qu’à l’église palmarienne, qui existe vraiment et qui possède en effet son propre pape.

Vous pouvez d’ailleurs consulter le site « Guide Origine », qui se veut le guide illustré du dernier livre de Dan Brown, et a été crée par deux fans de l’auteur. Photos des lieux, d’œuvres d’art, morceaux de musique cités… de quoi prolonger intelligemment le divertissement !

Origine, Dan Brown, traduit de l’anglais par Dominique Defert et Carole Delporte, JC Lattès, Paris, octobre 2017, 566 p.  

 

Lu dans le cadre du Challenge Polars et thrillers chez Sharon et du Challenge 1% de la rentrée littéraire (14 ème participation).

 

 

 

La mémoire des morts, Eric Berg.

Léa est photographe et vit à Buenos Aires. Quand elle sort de l’hôpital après plusieurs opérations suite à un accident de voiture, Léa décide de reconstituer son passé : amnésique, elle a déjà recouvré ses souvenirs les plus anciens, mais pas ceux qui précèdent l’accident, pourtant essentiels car ils pourraient expliquer son voyage et son séjour dans l’ile de Poel, au bord de la Baltique.

Léa se trouve en effet en Allemagne, pays dont elle est originaire, et non en Argentine où elle vit depuis presque vingt-cinq ans. A l’hôpital de Wismar, elle a appris qu’elle était sur son île natale au moment de l’accident, dans une voiture conduite par sa sœur Sabina, décédée sur le coup. Aucun souvenir ne lui permet de comprendre ce qu’elle faisait là, ni de savoir où les deux sœurs se rendaient alors. La psychologue qui suit Léa à l’hôpital lui laisse entendre que son amnésie, d’origine psychique, est due à un événement traumatisant que Léa aurait vécu peu avant l’accident, ou à une information bouleversante qu’elle aurait appris à ce moment-là. Dès sa sortie, Léa choisit de mener l’enquête, afin de retrouver la mémoire, perdue quatre mois auparavant, en septembre 2013.

Elle franchit donc la digue qui relie l’île de Poel au continent, tout en passant en revue les événements qui jalonnèrent son enfance et son adolescence sur cette île. Poel se situait alors en RDA, et Léa repense à la chute du mur de Berlin et à tous les changements qui s’ensuivirent pour elle et ses amis qui ne connaissaient alors rien de l’occident ni du monde.  N’ayant plus ses parents, Léa décide de rendre visite à chacun de ses amis de l’époque ; c’étaient alors les seuls jeunes de l’île, ils étaient sept et étaient, dans son souvenir, inséparables : ils pourront sans doute l’aider à retrouver les pièces manquantes du puzzle… Mais ce qui était pour Léa un paradis perdu ne cache-t-il pas autre chose ? Qu’est devenu Julian, son petit ami de l’époque ? Pourquoi n’est-il pas rentré de son tour du monde ? La petite bande a vieilli mais n’a pas oublié. La mémoire va resurgir peu à peu, les souvenirs vont remonter à la surface, avec leur lot de surprises…

L’angoisse monte au fur et à mesure que l’héroïne découvre les secrets de chacun. La méfiance s’installe alors. Sur qui Léa peut-elle encore compter ? Ne serait-il pas plus sage pour elle de rentrer à Buenos Aires… ? « La mémoire des morts » est le second polar allemand que je lis (après  « Hier ou jamais » d’Elisabeth Herrmann, publié chez Slatkine également), et c’est à nouveau une belle découverte que ce thriller psychologique au rythme lent mais implacable.  Un roman où l’atmosphère est essentielle, oscillant entre une confiance sereine caractéristique des amitiés enfantines et une étrangeté due à l’isolement du lieu qui confine parfois au huis-clos.

La mémoire des morts, Eric Berg, traduit de l’allemand par Catherine Barret, Slatkine et Cie, novembre 2017, 381 p.

 

Livre lu dans le cadre du challenge polars et thrillers chez Sharon et du challenge 1% de la rentrée littéraire 2017 ( 13 ème participation).

 

 

 

 

 

 

L’homme qui s’envola, Antoine Bello

Walker a tout réussi : à quarante-trois ans, il dirige une entreprise florissante. Il s’entend à merveille avec son épouse Sarah. Ils ont trois enfants qui ne posent aucun problème majeur. Ils sont appréciés de leur entourage et sont heureux de vivre au Nouveau-Mexique, à Albuquerque ; dans une très belle maison, cela va de soi…

Walker ne regrette qu’une chose : ne jamais disposer de temps pour faire ce qu’il aime. Et pourtant Walker aime aller vite, il lui faut de l’action en permanence et il a développé toutes sortes de stratégies pour gagner du temps en toutes circonstances. Mais il a l’impression de ne plus rien contrôler, de se retrouver embrigadé dans un futur qui se déroule devant lui, dessiné jusque dans ses moindres détails.

Alors, bien qu’il aime sa femme, bien qu’il ne songe pas un instant à abandonner ses enfants, il joue à imaginer comment il pourrait fuir ce quotidien devenu trop pesant. Il va même jusqu’à faire des préparatifs pour organiser sa possible disparition. Cela le rassure, l’amuse et ne porte pas à conséquence. Jusqu’à ce que, poussé naturellement, de par son caractère, vers l’accomplissement de ce qu’il entreprend – il ne procrastine jamais, lui -, il en vienne à projeter son avion sur une montagne, après avoir pris soin de s’en éjecter auparavant. Tout était prêt, bien entendu, pour qu’il apparaisse évident à tous que Walker n’avait pas pu réchapper à cet horrible accident.

Walker avait bien pensé que l’assurance, contractée quelques années plus tôt afin de protéger son entreprise en cas de disparition prématurée de son patron, rechignerait à payer : les sommes en jeu sont en effet trop énormes pour qu’une enquête ne soit pas, au minimum, envisagée. Mais comble de malchance pour Walker, c’est à Nick Shepherd, un véritable génie dans son domaine, qu’il incombe de résoudre cette affaire particulièrement difficile.

Ouvrir un roman d’Antoine Bello signifie se lancer dans une aventure plus ou moins rocambolesque, toujours intelligente, au cours de laquelle on ne s’ennuie pas un instant : jusqu’à la fin, on se demande qui va gagner cette chasse à l’homme. Comme d’habitude, l’auteur nous propose un roman très bien ficelé, un thriller psychologique qui n’a pour raison d’être que l’envie d’illustrer le besoin de liberté de l’homme moderne.

Certes, « L’homme qui s’envola » pose quelques questions, mais n’a pas la prétention de vouloir y répondre. Il n’est jamais moralisateur et pousse les lecteurs, qui pourraient à juste titre se prendre à juger sévèrement Walker de son attitude irresponsable ou s’interroger sur le rôle joué par son épouse, à préférer se laisser gagner par le plaisir de l’aventure elle-même… un très bon divertissement !

 

L’homme qui s’envola, Antoine Bello, Gallimard, Paris, avril 2017, 317 p.

 

 

Zéro, de Marc Elsberg

Comme l’auteur tient à le souligner dans son prologue, bien qu’il puisse être considéré comme une dystopie, « Zéro » est très peu éloigné de la réalité puisque toutes les technologies évoquées dans le roman existent bel et bien. L’auteur de « Black-out », qui est un expert scientifique en matière de nouvelles technologies avant d’être un romancier, veut attirer notre attention sur des réalités qu’il considère comme dangereuses et le thriller dystopique qu’il nous propose convient à merveille pour diffuser ce genre de message tout en étant captivant.

Cinthia est journaliste au Daily à Londres. Son quotidien se voit bouleversé lorsqu’une organisation mystérieuse qui se présente sous le nom de Zéro publie sur Internet les images en direct du Président des Etats-Unis, en train de jouer jouant au golf, entouré de sa famille. Des drones se sont en effet invités dans les vacances présidentielles et le suivent pendant de longues minutes, alors que le service de sécurité, paniqué, tente de mettre le président à l’abri, faisant ainsi la démonstration de son incompétence…

Le rédacteur en chef du Daily, Anthony Heast, décide de se lancer sur les traces de Zéro, un groupe d’activistes du Net désireux de sensibiliser la population à la surveillance de la société que les nouvelles technologies mettent en place insidieusement. Cinthia est, par nature, réfractaire à ces nouveautés qui sont selon elle bien loin de la modernité, en ce qu’elles limitent les libertés fondamentales. Elle comprend d’autant mieux la résistance menée par Zéro.

En revanche, elle n’a pas conscience des dérives qui menacent les jeunes et en particulier sa fille Viola. Et c’est parce qu’elle prête à Viola les lunettes connectées qu’elle essayait dans le cadre de son travail de journaliste qu’elle se trouve confrontée à la mort d’un ami de sa fille. Cinthia découvre alors avec stupeur que sa fille, comme les autres étudiants, vendent leurs données personnelles en échange de l’utilisation gratuite des « Act App », des applications qui les conseillent dans tous les domaines de la vie quotidienne.

Après une rapide enquête, Cinthia se rend compte que ces applications, qui influencent leurs utilisateurs, ont parfois des conséquences dramatiques : le nombre de mort non naturelles apparaît d’ailleurs anormalement élevé chez les utilisateurs des « Act App » !  Cinthia se lance alors dans une course qui la conduit de Londres à Vienne, puis à New York, avec comme objectif la volonté de préserver son esprit critique à tout prix : pas facile en effet de ne pas se laisser aller à la facilité que permettent les nouvelles applications et que l’on tente de lui imposer de toutes parts !

Après « Black-out », Marc Elsberg signe un nouveau thriller qui vise avant tout à attirer notre attention sur les risques et les menaces que font peser sur le monde l’excès de surveillance et de transparence. Certes, j’avais été davantage impressionnée par « Black-out », mais c’est sans doute parce que je n’imaginais pas les menaces qui pesaient sur nous en cas de rupture de l’approvisionnement en électricité. Au contraire, les excès des nouvelles technologies en matière de surveillance et plus encore, de modification des comportements, sont un des sujets qui me préoccupent tout particulièrement, peut-être parce que je ressens avec beaucoup d’acuité leur intrusion dans notre vie. Je n’ai donc pas été surprise par ce que je lisais, mais plutôt admirative par la façon dont l’auteur illustre le message qu’il veut nous délivrer. Rien que pour cela, ce roman est donc à diffuser largement autour de soi !

Zéro, Marc Elsberg, traduit de l’allemand par Pierre Malherbet, Le livre de poche n°34486, avril 2017, 505p. 

 

Livre lu dans le cadre du challenge Polars et Thrillers chez Sharon et du challenge Objectif Pal chez Antigone