Le dernier battement de cœur, Simona Sparaco

Le dernier battement de coeur Simona SparacoVoici un roman que j’ai lu acheté en Italie en juillet 2013, sur les conseils d’une libraire. Le livre était alors en lice pour le prestigieux Prix Strega, l’équivalent de notre Goncourt. Il vient d’être traduit en français et publié aux éditions Michel Lafon.

Luce, enceinte de presque trente semaines, et Pietro, son mari, attendent de passer la dernière échographie avant la naissance de leur premier enfant. Pietro regarde les clichés des échographies précédentes en cherchant à qui peut bien ressembler Lorenzo. Celui-ci se manifeste d’ailleurs en donnant des coups de pieds à sa maman. Mais déjà, le lecteur sait que tout va basculer. En effet, détaillant ses préoccupations légères et futiles, comme la couleur de la chambre du bébé, la future maman de demande pourquoi nos pensées sont en général si insignifiantes, juste avant que ne se produise « l’impensable ».  Luce poursuit en décrivant la préparation de l’examen avec précision et froideur. La tension est bien présente.

Quelques minutes plus tard, le verdict est là : Lorenzo souffre d’un retard de croissance préoccupant, dû à une forme de dysplasie squelettique. Chacun réagit différemment face à  cet « impensable ». Pietro demande quel est le traitement à prévoir. Luce pleure et demande si c’est sa faute, si elle a fait quelque chose de mal pendant sa grossesse qui a bien pu les amener là. Fin du prologue.

La première partie du roman s’ouvre sur une lettre du courrier des lecteurs, adressée à Luce. Celle-ci est en effet journaliste et tient une rubrique dans un hebdomadaire où elle dispense des conseils de toutes sortes. Luce revient alors en arrière et raconte des épisodes de son enfance, sa rencontre avec Pietro, leurs difficultés pour concevoir un enfant. Elle évoque ensuite les jours qui ont suivi l’annonce de la maladie de leur enfant, les pensées qui défilent, et la douleur omniprésente.

Puis viennent les questions, la recherche d’informations et de traitements possibles. Et la mauvaise nouvelle, une fois de plus : l’enfant pourrait ne pas survivre. Enfin, le conseil de la gynécologue de ne pas mener la grossesse à terme. Luce voit le ciel lui tomber sur la tête, d’autant qu’en Italie, le délai légal pour un avortement thérapeutique est dépassé. Ce n’est pas le cas en Angleterre, comme on le leur explique : le couple peut encore y rencontrer un généticien pour un dernier examen avant la décision finale.

Luce dissèque tous les sentiments qui la traversent : douleur, peur, angoisse, indécision, culpabilité, solitude, incompréhension, et amour. L’auteur nous donne à voir le cheminement long et douloureux que doit endurer Luce, avant de renaître à la vie. « Le dernier battement de coeur » est une belle lecture, difficile et bouleversante, mais aussi pleine de courage, de sincérité, et finalement porteuse d’espoir. Un roman qui m’a amenée à m’intéresser au problème de l’avortement thérapeutique, qui pousse aujourd’hui encore des couples italiens à rechercher un hôpital à l’étranger quand les délais légaux sont dépassés dans leur pays.

« Le dernier battement de cœur » n’a finalement pas été primé en Italie, même s’il était finaliste pour le prix Strega. Plusieurs critiques italiens se sont accordés sur le fait que l’écriture du roman n’était pas littéraire, mais plutôt, « à la portée de tous », ce qui en Italie,  place d’office un auteur à l’écart de la littérature ! D’autres ont évoqué une écriture « pas particulièrement brillante », ce qui n’a pas empêché le roman de Simona Sparaco de conquérir de nombreux lecteurs de l’autre côté des Alpes. D’ailleurs, il est plutôt bien écrit, même si son intérêt ne réside pas là.

Le fait est que le thème de l’avortement, même pratiqué pour des raisons thérapeutiques, est encore tabou en Italie, où la religion garde une forte influence. Divers articles de la presse italienne ont salué ce roman, comme étant « nécessaire ». L’auteure a en effet expliqué qu’elle considérait qu’un des rôles de la littérature était de mettre en avant des questions éthiques difficiles. Et de ce point de vue, c’est une réussite totale : « Le dernier battement de coeur» est essentiel pour les questions qu’il aborde, et la façon dont il examine toutes les facettes du problème, le tout avec beaucoup de délicatesse et de sensibilité.

 

Le dernier battement de coeur, Simona Sparaco, traduit de l’italien par Elise Gruau, Michel Lafon, Paris, janvier 2016.

 

 

15 réflexions sur “Le dernier battement de cœur, Simona Sparaco

    • En effet, vraiment, il vaut mieux lire autre chose. Je me souviens quand j’étais enceinte, il y avait plein de thèmes que je ne supportais pas en littérature ou au cinéma. Il y a tant de choses à lire de toute façon…

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  1. Un livre pas facile, mais nécessaire en effet… Cela me rappelle un film vu récemment (et chroniqué tout aussi récemment sur mon blog) : Post Partum avec Mélanie Doutey. Le thème est différent, car il traite de la déprime post accouchement. Mais j’y pense car cela reste sur la thématique de l’enfant, de la maternité, et des complications… En plus l’héroïne s’appelle Luce.

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