Archive | février 2015

Mattia Pascal, l’antihéros de Pirandello.

il fu Mattia PascalMattia Pascal vit dans un village de Ligurie avec sa mère et son frère Roberto. Tous trois mènent une vie aisée, grâce aux biens laissés par le père. Mattia Pascal promène sa paresse dans le village et à la bibliothèque où il exerce un travail peu prenant. Malheureusement, la mère a confié la gestion du patrimoine à un administrateur malhonnête qui détourne l’argent de la famille et la situation se dégrade rapidement.

Mattia Pascal est un antihéros : il se présente lui-même comme un homme laid, souffrant de strabisme. Il est également paresseux, il subit mais ne décide rien. Il finit par épouser Romilda, parce qu’elle est enceinte. Il n’est pas amoureux d’elle et n’est même pas sûr d’être le père de l’enfant. C’est le début pour Mattia Pascal d’une vie terne et triste, entre la mort de ses deux enfants en bas-âge, les difficultés financières et celles que lui crée sa belle-mère.

Après une nouvelle dispute de famille, il quitte soudainement le village. Il se rend à Nice, puis à Monaco où il joue au casino et gagne une petite fortune. Se sentant favorisé par le sort, il décide de rentrer chez lui, mais dans le train qui le ramène en Ligurie, il prend connaissance dans le journal de l’annonce de la mort de Mattia Pascal : le cadavre a été retrouvé dans une rivière qui traverse le terrain familial, puis identifié par ses proches.

Mattia Pascal saisit cette occasion pour prendre une nouvelle identité et recommencer une nouvelle vie dans laquelle il espère être enfin libre, d’autant qu’il est désormais riche. Sous le nom d’Adriano Meis, il commence à voyager en Italie, mais se trouve confronté aux difficultés de sa nouvelle vie. En effet, il se rend compte que sans papiers, il lui est impossible de vivre : il ne peut même pas adopter le chien dont il rêve. Adriano Meis finit par s’installer à Rome dans une pension de famille, mais là non plus, il ne peut mener une vie libre. Amoureux de la fille du propriétaire de la pension, il ne peut concrétiser ses projets qui se heurtent à sa situation clandestine. De même, lorsqu’il est victime d’un vol, il ne peut porter plainte…

Finalement, Adriano Meis décide de rentrer chez lui et de redevenir Mattia Pascal. Mais il est mort et déclaré comme tel …

« Il fu Mattia Pascal » est un roman en partie autobiographique que Pirandello a publié en 1904. L’action se déroule à la fin du XIXème siècle. Grand classique de la littérature italienne, le roman de Pirandello s’articule autour du thème de l’identité, sociale notamment. Le mensonge, la dissimulation, l’hypocrisie des relations sociales y sont mis en évidence. Pirandello s’interroge sur la condition humaine et nous montre que l’homme essaie de se conformer à la vision que les autres ont de lui, mais qu’au fond, il ne sait pas qui il est vraiment.

En ce qui concerne l’écriture, la langue est désuète, ce qui rend la lecture un peu difficile en italien. On rencontre quelques formes anciennes, comme cette lettre aujourd’hui disparue de l’italien moderne, le i-long (« la i lunga ») que l’on retrouve par exemple dans « la jella » (la sfortuna : la malchance). De même, certains termes ne sont plus usités aujourd’hui. Je conseille donc plutôt la version française.

feu Mathias Pascal

Côté film, la transposition cinématographique de « Feu Mattia Pascal » est très ancienne, datant des années 30. Un téléfilm a été tourné pour la télévision italienne en 1985, que l’on peut trouver facilement sur You Tube. Malgré la présence de Marcello Mastroianni, je ne l’ai pas trouvé très intéressant, car il a été transposé aux années 80 et s’éloigne à de nombreuses reprises du roman. Cela prouve néanmoins que le sujet est éternel. A quand donc une nouvelle version de « Feu Mattia Pascal » ?

 

Il fu Mattia Pascal, Luigi Pirandello, Oscar Classici moderni, Mondadori, 2001, 240 p.

Feu Mattia Pascal, Luigi Pirandello, traduit de l’italien par Alain Sarrabayrouse, GF Flammarion, Paris, 1994.

 

 

Livre lu en VO dans le cadre du challenge Il viaggio, du challenge Italie 2015, du challenge Leggere in italiano et du challenge Un classique par mois.

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Challenge un classique par mois

 

 

La promenade des Russes, Véronique Olmi

la promenade des russes

Véronique Olmi a beaucoup publié ces dernières années et j’avais lu, à sa sortie en 2011, « Cet été-là », qui m’avait plu, sans toutefois me laisser un souvenir impérissable. Cela sera différent pour « La promenade des Russes« , certes parce que le thème m’intéresse davantage, mais aussi parce que j’ai été très sensible à l’humour et à la tendresse qui se dégage de ce roman.

Petite fille d’émigrés russes blancs ayant fui la révolution bolchévique, Sonia a treize ans et vit à Nice chez sa chère Babouchka. Ses parents sont divorcés, son père ne semble savoir que faire de sa fille, tandis que sa mère passe son temps à voyager et finit par s’installer à Paris, laissant sa fille aux bons soins de sa grand-mère.

Heureusement, Babouchka est une grand-mère attentive, mais elle est aussi très angoissée, et ne cesse de ressasser son passé russe, et plus particulièrement les événements qui l’ont conduit à fuir sa patrie tant aimée, avec au centre, comme traumatisme suprême, l’exécution des Romanov. Babouchka occupe en effet ses journées à écrire au directeur de la revue Historia, dont elle essaie d’attirer vainement l’attention, en évoquant le secret qu’elle détient sur Anastasia, la fille du tsar qui, prétend-elle, n’a pas été assassinée en même temps que le reste de sa famille.

La petite Sonia essaie quant à elle de survivre, entre l’histoire russe dont elle est issue, et sa volonté d’être une Française comme les autres, enfin libre de tout ce passé qu’elle traîne avec elle.

« La promenade des Russes » est un très beau roman sur les relations profondes qui lient une grand-mère et sa petite-fille, malgré le tiraillement constant entre la nostalgie de l’une et la volonté d’aller de l’avant de l’autre. Véronique Olmi illustre très bien le rôle de la grande histoire, et l’importance des racines dans nos vies. Le tout avec un humour d’une grande sensibilité, tout au long du livre.

La promenades des russes, Véronique Olmi, Le livre de poche, Paris, 2012, 207 p.

 

 

Les gardiens du Louvre, Jirô Taniguchi

gardiens du louvreJ’ai découvert « Les gardiens du Louvre » par hasard, et je n’ai pas regretté cet achat un peu atypique pour moi. En effet, je lis peu de BD, non pas parce que je ne les aime pas mais par manque de temps, et encore moins des mangas dont je ne connais absolument pas l’univers. Il est vrai que l’auteur des « gardiens du Louvre », d’après les quelques informations que j’ai glanées ici et là, ne semble pas représentatif des mangas japonais et serait plutôt influencé par la BD occidentale.

Quoi qu’il en soit, et même si la lecture de droite à gauche et en commençant par la fin du volume m’a un peu gênée au début, j’ai beaucoup aimé cet album que je recommande tout particulièrement aux lecteurs qui aiment l’art et la rêverie, et qu’une atmosphère onirique ne rebute pas.

Le héros est un jeune homme japonais  qui se trouve à Paris pour un court séjour qu’il a prévu de dédier à la visite des musées, et principalement du Louvre. Malheureusement, une mauvaise grippe le cloue au lit, brûlant de fièvre, et il se sent désemparé face à cette maladie qui lui arrive sur une terre étrangère dont il ne parle pas la langue.

Le lendemain, il va un peu mieux et décide de se rendre au Louvre. Une fois dans le musée, le malaise le reprend et l’emporte dans un univers fantasmagorique où il rencontre des formes qui ne sont autres que les gardiens du Louvre, les esprits des grandes œuvres du musée, qui peuplent un monde imaginaire…

L’album est une suite de promenades dans l’univers de quelques artistes, parmi lesquels Corot et Van Gogh, et dans le temps à la découverte de quelques épisodes de l’histoire du musée. Le scénario est mince, mais l’atmosphère entraîne le lecteur dans un rêve éveillé qui m’a beaucoup plu.

 

Les gardiens du Louvre, Jirô Taniguchi, Louvre éditions et Futuropolis, novembre 2014.

Challenge Italie 2015

Comme vous l’avez sans doute remarqué, je m’intéresse beaucoup à la littérature italienne. Au cours de mes pérégrinations sur la blogosphère, à la recherche de romans italiens, j’ai découvert récemment que Virginie, du blog « Des livres, des fils et un peu de farine » nous proposait de participer à son challenge personnel intitulé « Challenge Italie 2015 ».

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Il s’agit bien sûr de découvrir des auteurs italiens, ainsi que des récits se déroulant en Italie mais pas seulement : sont également concernées les recettes italiennes. De même, puisque le blog de Virginie se consacre aussi aux travaux d’aiguilles et au bricolage, peuvent donc participer les billets relatifs à des broderies, tricots ou autres bricolages sur le thème de l’Italie !

Voilà donc un challenge intéressant permettant d’élargir notre horizon italien à d’autres arts que la littérature ! Pour ma part, je céderai peut-être à la tentation de quelques recettes –gourmandise oblige- mais pas à celle des autres travaux, étant malheureusement peu douée dans ces domaines.

Voici le lien, si vous désirez vous joindre à nous :

 

https://deslivresdesfilsetunpeudefarine.wordpress.com/challenges/2015-2/challenge-italie-2015/

 

Ce challenge peut-être combiné à celui d’Eimelle, le Challenge Il viaggio.

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Je rappelle également, pour ceux d’entre vous qui désirent lire en VO, que vous pouvez vous inscrire au Challenge Leggere in italiano, à découvrir ici, lancé et organisé précédemment par George et que j’ai repris récemment.

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Enfin, j’organise également le Challenge vénitien que vous pouvez trouver ici

Logo challenge vénitien

 

 Buona lettura !

 

 

La secte des anges, Andrea Camilleri

La secte des anges CamilleriAndrea Camilleri n’est pas seulement le père du commissaire Montalbano. Il est également l’auteur de romans fondés sur des faits historiques qui se déroulent en Sicile. Une fois encore, il nous emmène sur sa magnifique île, mais dans un bourg imaginaire, Palizzolo. Nous sommes au début du XXème siècle et deux familles aristocratiques sont cloitrées dans leur palais, pour cause de maladie contagieuse. Dans chacune de ces familles, une jeune fille âgée de dix-huit ans serait à l’origine de la maladie. Devant les volets fermés des belles demeures, la rumeur naît en un instant : le choléra est de retour ! Aussitôt, les voisins s’empressent de rassembler quelques affaires dans la plus grande hâte, avant de fuir à la campagne. Palizzolo se vide rapidement.

Face au désordre provoqué par la rumeur, les carabiniers interviennent et rétablissent la vérité :  s’il s’agit bien d’une sorte d’ «épidémie», celle-ci est très particulière : les deux jeunes filles sont enceintes, chacune de deux mois. Et bien vite, on apprend qu’elles seraient quatre dans le même cas ! Aucune d’entre elles ne peut dire ce qui s’est passé : l’œuvre du Saint-Esprit, à leur avis !

L’avocat et journaliste Matteo Teresi se retrouve mêlé à cette histoire par l’entremise de son neveu Stefano. Il décide de tirer les faits au clair et découvre l’existence d’autres victimes du Saint-Esprit ! Mais Matteo Teresi est désigné comme responsable de la situation par sept des huit prêtres de la petite ville : lui qui dérange, parce qu’il est le défenseur des faibles, aurait provoqué la colère divine qui se déverse sur Palizzolo ! L’avocat mène alors son enquête et parvient à résoudre l’affaire, dont il révèle finalement tous les éléments dans son journal.

L’affaire ne s’arrête pas là: comme l’avait averti le capitaine des carabiniers, le vent risque de tourner pour Teresi; en effet, les justes ne sont pas toujours reconnus… L’intérêt principal de ce roman réside pour moi dans la façon dont l’auteur décrit comment, de héros de la vérité, Matteo Teresi est devenu pour l’opinion publique locale, le responsable de tous les maux dont souffre Palizzolo.

« Ce roman doit être considéré comme le pur produit de mon imagination » précise Andrea Camilleri dans sa postface ; La secte des anges n’en n’est pas moins fondée sur un fait réel survenu en 1901 en Sicile. Et la description que l’auteur nous propose des rapports entre les différentes classes sociales, aristocratie, clergé, bourgeoisie intellectuelle, paysannerie et mafia locale, bien sûr, est aussi très représentative de la Sicile de cette époque.

On y retrouve également toutes les figures de la comédie sicilienne que Camilleri met en scène avec humour, les carabiniers, le juge d’instruction, les prêtres, dans un langage fleuri truculent, qui fait de La secte des anges un roman savoureux, même s’il est grave sur le fond. Andrea Camilleri émaille ses récits de nombreuses expressions tirées du sicilien que bon nombre d’italiens non siciliens ne comprennent que par le contexte. Le traducteur a fait ici un travail remarquable, utilisant en français des termes inconnus de beaucoup de lecteurs, mais qui sont tellement contextualisés qu’on en devine aussitôt le sens. A cet égard, j’ai fait quelques recherches et j’ai trouvé que certains termes français provenaient de patois, d’autres étaient argotiques, mais beaucoup sont restés pour moi sans explication. Si vous l’avez lu, peut-être pourrez-vous m’éclairer à ce sujet…

 

La secte des anges, Andrea Camilleri, traduit de l’Italien par Dominique Vittoz, Fayard, Paris, septembre 2014, 253p.

 

Livre lu dans le cadre du Challenge Il viaggio chez Eimelle et du Challenge Italie 2015

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« La reine de la Baltique », un polar romanesque

la reine de la baltiqueNous sommes au large de Stockholm, sur l’île de Sandhamm. Un corps est retrouvé sur une plage. L’enquête est confiée à Thomas Andreasson, qui connaît bien l’endroit puisqu’il possède une maison dans une des îles de l’archipel de Stockholm et qu’il a travaillé pendant plusieurs années au sein de la police maritime avant de rejoindre la brigade criminelle.

Thomas est un ami d’enfance de Nora Linde, une avocate de Stockholm qui passe depuis toujours ses vacances à Sandhamm. Mise au courant de la découverte macabre, Nora propose à Thomas de l’aider dans son enquête.

Très vite, la victime est identifiée : un homme qui vivait seul et dont on sait peu de choses. La police ne comprend pas ce qu’il était venu faire sur l’île, jusqu’à ce que sa sœur et unique parente décide elle-aussi de se rendre à Sandhamm et y soit retrouvée assassinée peu après. Le mystère s’épaissit. Ce ne sera d’ailleurs pas la dernière victime.

Je n’en dirai pas davantage sur l’intrigue mais, puisque l’auteure, Viveca Sten, est présentée par son éditeur comme « la nouvelle Camilla Läckberg », je n’ai pas pu m’empêcher de comparer les deux séries qui comportent en effet beaucoup de points communs. Les deux auteures remportent beaucoup de succès, en Suède comme à l’étranger : Viveca Sten aurait-elle repris certaines des recettes de Camilla Läckberg ?

Sans aucun doute, même si ce premier polar de Viveca Sten m’a paru moins sombre que ceux de sa compatriote, mais aussi moins fouillé. Le récit est toujours linéaire, à la différence de ceux de Camilla Läckberg qui comportent de nombreux retours en arrière. Les deux couples d’enquêteurs principaux ont aussi quelques traits en commun : il s’agit dans les deux cas d’un policier aidé par une femme, qui est écrivain chez Läckberg, juriste chez Sten. On retrouve dans les deux séries l’inévitable affreuse belle-mère, le difficile équilibre vie professionnelle-vie privée que ressent Nora dans le roman de Sten, comme Erika chez Läckberg….

En revanche, il m’a semblé que la vie personnelle des deux héros et leurs émotions occupaient une place encore plus importante dans « La reine de la Baltique » que chez Camilla Läckberg. L’intrigue est quant à elle plus classique, donc moins surprenante. La tension et le suspense y sont aussi bien moindres.

Enfin, j’ai trouvé que Viveca Sten insistait davantage sur les paysages, l’histoire et le mode de vie des habitants des îles, ce qui m’a d’ailleurs donné envie de découvrir l’Archipel de Stockholm. En somme, un roman policier aussi « roman » que « policier » qui constitue une lecture agréable, sans plus. Parfait sans doute pour lire l’été prochain sur la plage, en espérant que le deuxième épisode, intitulé « Du sang sur la Baltique » et publié il y a quelques mois en français, sera alors sorti en poche !

A noter que l’on peut voir actuellement la série télévisée sur Arte : la première saison, comprenant trois épisodes qui correspondent à ce premier livre a été diffusée la semaine dernière. Les paysages magnifiques et le calme ambiant en font une série policière reposante qui n’empêchera personne de dormir ! Malheureusement, les relations entre les personnages ont été quelque peu modifiées et l’on perd en finesse psychologique par rapport au livre, ce qui donne à la série l’impression d’un manque de profondeur. La seconde saison sera diffusée jeudi prochain et concernera le second roman de Viveca Sten, « Du sang sur la Baltique ».

 

La reine de la Baltique, Viveca Sten, traduit du suédois par Rémi Cassaigne, Le livre de poche, Paris, septembre 2014, 476 p.

 

Livre lu dans le cadre du Challenge nordique

 

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