Archive | novembre 2016

La maison atlantique, de Philippe Besson.

la-maison-atlantique-philippe-besson« La maison atlantique » est le récit d’un été tragique, celui qu’a vécu le narrateur il y a bien des années, lorsqu’il avait dix-huit ans.  Le jeune homme ne s’était pas remis de la disparition de sa mère, deux ans auparavant, et  s’entendait alors très mal avec son père. Ce dernier avait d’ailleurs décidé d’emmener son fils dans la « maison atlantique », qui appartenait autrefois à la mère, afin de tenter une réconciliation. Mais si le père avait eu l’initiative du rapprochement , il ne fera toutefois rien au long des quelques semaines que dure le roman, qui puisse amener un quelconque réchauffement des relations avec son fils, bien au contraire.

Entre ce père et son fils, rien de commun, sinon des reproches mutuels, des incompréhensions, et surtout un passé douloureux : la mort de la mère, peu après le divorce et les responsabilités du père, jamais assumées. Le père est égoïste et cynique, c’est indéniable, et encore une fois, il ne peut s’empêcher de gâcher l’infime chance qu’il a de renouer avec son fils, lorsqu’un couple de vacanciers vient s’installer dans la maison voisine. En effet, la jeune femme est jolie et lui plaît. Les dîners s’enchaînent et c’est bientôt l’engrenage que le fils observe, et dont il comprend rapidement qu’il mènera droit à la tragédie.

Le roman de Philippe Besson est efficace, rondement mené,  bien que fondé sur ce qui n’est finalement  qu’un fait divers sordide. Le jeune narrateur est très lucide pour son âge, peut-être parce qu’il a déjà beaucoup souffert et a perdu ses illusions : il fait part au lecteur de toutes ses impressions, il imagine ce que ressentent les personnages et c’est cet aspect  psychologique qui fait l’intérêt du roman.  Tout comme l’écriture d’ailleurs, qui tient le lecteur à distance,  et fait de « La maison atlantique » un roman froid, comme le sont les personnages, empêtrés pour l’un dans son égoïsme, pour l’autre dans sa haine du père. Si tel était l’objectif de l’auteur, c’est une réussite. Pour ma part, j’ai toutefois préféré le roman précédent de Philippe Besson, « De là, on voit la mer« , que j’ai trouvé beaucoup plus envoûtant.

La maison atlantique, Philippe Besson, éditions 10/18, Paris, janvier 2015.

 

Livre lu dans le cadre du challenge objectif PAL chez Antigone et Anne.

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Le français vu du ciel, Marion Charreau

le-francais-vu-du-cielLors de la dernière opération Masse critique de Babelio, j’ai choisi « Le français vu du ciel », livre qui promettait « un voyage unique au cœur de la langue française », sur la base d’ «une cartographie illustrée sans équivalent ». Le résumé évoquait le principe des cartes mentales, outil dont j’ai souvent entendu parler sans jamais l’avoir utilisé. C’était donc l’occasion de tester !

J’ai reçu de la part des éditions Le Robert, que je remercie vivement, ce très bel ouvrage qui répond tout à fait à ce qui était annoncé dans la présentation du livre : un ensemble de cartes mentales, très joliment illustrées, dont la plupart s’étendent sur une double page. Les couleurs pastel sont très agréables, et rendent l’ensemble très attrayant. J’ai donc commencé par lire le sommaire afin de comprendre comment fonctionnait l’ouvrage. Celui-ci suit plus ou moins l’ordre de progression que l’on retrouve dans la plupart des grammaires françaises, dans un ordre logique d’apprentissage.

J’ai ensuite découvert les cartes mentales, présentées comme un « moyen mondialement reconnu d’améliorer son apprentissage et de favoriser la mémorisation ».  Certes. Encore faut-il s’y retrouver ! Il est bien sûr précisé que « les informations sont présentées par ordre d’importance : du centre, pour indiquer le thème principal, vers la périphérie, pour comprendre les moindres détails ». Mais doit-on lire vers la droite, vers la gauche d’abord ? J’ai bien sûr compris que cela n’avait pas d’importance, mais j’étais un peu perdue.

J’ai décidé d’explorer une carte en particulier. La carte 17 concerne l’expression du lieu : s’agissant des prépositions que l’on utilise devant les noms de pays et de continents, on nous montre qu’il faut dire « Je vais AU Brésil, je vais EN Norvège », mais la règle –très simple- n’est énoncée nulle part (En + noms de pays féminins,  noms qui se terminent par –e ; AU + noms de pays masculins, donc tous les autres, le tout comportant évidemment quelques exceptions).  Et le peu d’exemple donnés ne suffisent pas pour que l’étudiant puisse en déduire la règle.

En ce qui me concerne donc, il manque une structure et un sens de lecture logiques, nécessaires à une bonne compréhension et partant, à une bonne mémorisation. D’autre part, j’ai trouvé que les dessins étaient la plupart du temps trop chargés, certaines cartes foisonnant d’informations, ce qui rend plus difficile la mémorisation. J’étais donc peu convaincue : question de génération, peut-être ?

J’ai donc décidé de demander l’avis de certains de mes élèves, qui apprennent le français en tant que langue étrangère. Plusieurs d’entre eux avaient un niveau suffisant pour répondre et les âges représentés étaient très variés (de 11 à 50 ans, de B1 à C2). J’ai été surprise  de me trouver devant un ensemble d‘avis plus négatifs que le mien. Des réflexions d’autant plus intéressantes qu’elles proviennent d’un des publics directement visés par cet ouvrage :

-« C’est confus, chaotique, il n’y a pas de structure. On dirait un brainstorming géant, mais il n’en sort rien. Peut-être pour quelqu’un qui est visuel, mais pas pour moi ».

-« J’ai mis beaucoup de temps à comprendre comment naviguer dans le livre. A la fin, j’en avais assez. Ce n’est pas structuré. Pour être efficace, on doit trouver la réponse à notre question rapidement. Là, il faut chercher longtemps. Et puis les dessins sont infantiles ».

Avec un élève de 16 ans, nous avons détaillé le livre, ce qui a constitué un bon exercice pour lui :

-« C’est un peu attrayant, c’est ludique, mais c’est fait pour des petits enfants. Pas pour moi ». Je lui ai alors précisé que le livre visait un public de tous âges. Il a ri et m’a répondu : « alors, c’est infantile ! », expression qui est revenue plusieurs fois.

N°6 (le pluriel des noms) : « Oui, je comprends, mais ça va être difficile à retenir, car ce n’est pas structuré. Et je voudrais un graphisme plus droit ».

N°27 (passé, présent, futur) : « Où faut-il commencer à lire ? Par le milieu ? Je ne vois pas ce que l’on veut dire. Qu’est-ce qui est le plus important dans le dessin ? Dans quel sens cela marche ? Où sont les exemples pour tous ces mots ? »

N°13 (le présent de l’indicatif, groupes et bases) : « Quel mélange ! Il y a trop de verbes sur ces pages. Et puis, il faut tourner le livre dans tous les sens pour lire. C’est trop confus pour que je mémorise. En plus, on ne voit pas ce qui est écrit au milieu » (en effet, au niveau de la reliure, bord à bord, des mots disparaissent).

A ma question : « tu veux que je l’utilise de temps en temps dans mes cours ? », l’adolescent me livre une réponse sans appel : « non. Je ne comprends pas où cela commence et puis cela fait trop bébé, je préfère des tableaux structurés ».

Les quelques avis que j’ai relevés vont tous dans le même sens : certes, les dessins sont beaux, mais mes élèves n’ont pas envie d’utiliser ce livre pour étudier le français. Ils n’ont pas l’impression d’être pris au sérieux, ils se sentent infantilisés et en même temps, ils sont perdus devant le trop grand nombre d’informations.  Il est évident qu’ils ne sont pas habitués aux cartes mentales.

« Le français vu du ciel » est le fruit d’un travail remarquable de son auteur, Marion Charreau, dessinatrice et enseignante, que je ne veux pas remettre ici en cause, ma petite « recherche » n’ayant bien évidemment aucune valeur scientifique. En revanche, il me semble important de souligner que ce type de méthodes ne convient certainement pas à tout le monde. Est-ce une question de schéma mental ? En tout cas, parmi mes élèves, plusieurs se sont trouvés désorientés et ont fait un blocage.

Pour ma part, je suis également loin d’être convaincue. En revanche, j’imagine très bien ce genre de cartes, en grands posters, dans une classe, à utiliser un peu comme des mémos.

Qu’en pensez-vous ? Avez-vous une expérience des cartes mentales ?

Le français vu du ciel, Marion Charreau, dictionnaires Le Robert – Zeugmo éditions, Paris, septembre 2016.  

Le garçon, Marcus Malte

le-garcon-marcus-malteQuel destin que celui de ce garçon sauvage, mystérieux, mutique ! Quel magnifique personnage que ce garçon vierge de toute expérience et prêt à découvrir toutes les folies de ce XXème siècle débutant !

Le garçon ne sait pas d’où il vient, il a eu une mère qu’il aimait sans le savoir et qui ne lui a transmis que peu de choses. Elle lui parlait pourtant, mais il n’a pas retenu les mots, on ne sait pourquoi.  En revanche, il possède l’innocence et l’insouciance, deux biens si précieux ! Enfant sauvage sans nom,  il part à l’aventure et ne ménage pas ses efforts pour se faire accepter, d’abord dans un village où les familles l’emploieront tour à tour mais garderont toujours une certaine défiance envers l’être différent qu’il est.

Il a davantage de chance lorsqu’il rencontre l’Ogre des Carpathes et devient son assistant, parcourant la France au rythme de ses foires et marchés. Plus encore, lorsqu’il est victime d’un accident provoqué par Emma, jeune fille de bonne famille. Le destin lui sourit alors étrangement. Mais il y a la guerre, la terrible Grande Guerre dont personne n’est sorti indemne.

Peu importe ce qui lui arrive finalement, l’essentiel n’est pas là, mais bien dans la découverte d’un monde où toutes les outrances sont possibles. Dans cette vie absurde, où tous ceux qui ont un nom sont voués à disparaître, à être arrachés à l’affection des leurs, ne comptent que deux choses, l’amour et l’art, que le garçon découvre peu à peu. Deux merveilles qui, comme la vie, peuvent hélas vous être retirées à tout moment.

Quel étrange et triste destin que ce voyage permanent à la découverte de cette vie grouillante, foisonnante, souvent sordide et solitaire, parfois heureuse… mais il s’agit bien là du sort de toute l’humanité !  Foisonnante, l’est aussi  l’écriture très maîtrisée de Marcus Malte, toujours parfaitement en adéquation avec le propos : tantôt concise et efficace, tantôt ardente voire flamboyante, elle est parfois émouvante, animée du souffle de la vie et de l’amour. Elle est aussi poétique, mais elle peut être répugnante et fétide quand l’horreur du sujet l’exige.

Que dire de plus sinon qu’avec « Le garçon », Marcus Malte signe un roman qui fait de lui, tout simplement, l’un des meilleurs écrivains de sa génération !

 

Le garçon, Marcus Malte, Editions Zulma, 2016, 536 p.

 

Livre lu dans le cadre des matchs de la Rentrée littéraire 2016 Price Minister, que je remercie, ainsi que les éditions Zulma.  Challenge 1% de la rentrée littéraire.

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