Archive | novembre 2014

Les brumes de l’apparence, de Frédérique Deghelt

Les brumes de l'apparenceÀ quarante ans, Gabrielle semble avoir tout réussi dans la vie : associée avec une amie, elle organise des événements chics et chers, elle est mariée à un brillant chirurgien, et a un fils de dix-huit ans qui ne lui pose aucun problème. Franco-américaine, elle a passé son enfance à New York, mais elle rêvait alors de vivre à Paris, ce qui s’est ensuite réalisé. Pourtant, tout cela n’est sans doute qu’apparence. La vie de Gabrielle ne lui apparaît plus si merveilleuse et enviable ; la crise de la quarantaine est passée par là, mais elle a pris une forme pour le moins inattendue !

L’élément déclencheur de cette crise a été une rencontre, mais pas de celles que l’on imagine. Une rencontre avec son histoire, avec une autre dimension de la vie, inaccessible à la plupart des êtres humains, et finalement avec une part d’elle-même qu’elle ne connaissait pas. C’est en effet suite à l’héritage qui lui laisse une vieille tante dont elle ignorait d’ailleurs l’existence que Gabrielle doit se rendre au fond de la campagne française, dans un village perdu où elle possède désormais une forêt et une vieille maison presque en ruines. Gabrielle entreprend ce voyage à contrecœur : elle déteste la campagne et on sent bien qu’en parisienne stéréotypée, elle considère les habitants du coin comme des paysans bornés. Elle ne poursuit qu’un objectif : accomplir les formalités de succession le plus rapidement possible et mettre la forêt en vente. Elle pourra ensuite rentrer à Paris et oublier ce contretemps stupide.

En arrivant sur place, Gabrielle rencontre le seul agent immobilier qu’elle a pu contacter dans la région. Ils visitent les lieux et l’agent prévient Gabrielle que l’endroit ne sera pas facile à vendre. Le lendemain, le notaire révèle à Gabrielle que la forêt est connue dans le village pour être hantée, et que la tante qui lui lègue ce terrain est toujours vivante et habite non loin de là. Gabrielle s’empresse de lui rendre visite, stupéfaite que sa mère ne lui ait jamais parlé de cette sœur. Francesca est une vieille dame charmante qui reçoit Gabrielle à bras ouvert et qui lui conseille d’apprendre à aimer la Forêt des Brumes, car, comme on le lui a dit, elle n’arrivera pas à la vendre.

Le soir même, n’ayant pas trouvé d’hôtel dans les environs, Gabrièle décide de passer cette chaude nuit d’été dans la masure en ruines, au sein de la forêt. C’est une nuit étrangement douce qui l’attend, ainsi qu’une baignade bienfaitrice dans une rivière qui parait tout simplement … enchantée.

Je me contenterai de dévoiler les deux premiers chapitres, pour garder le suspense intact. À partir de là, l’intrigue prend des allures de conte fantastique. Gabrielle, très rationnelle, n‘est jamais sujette à la peur, mais elle voit ici toutes ses certitudes remises en question. Celles du lecteur le sont également. C’est là un passage un peu charnière du livre où, si l’on n’est pas a priori ouvert à l’idée qu’une forme de communication avec l’au-delà est possible, il faut un peu se forcer et se laisser prendre dans l’enchantement de cette histoire.

Ce fut mon cas, et après une première réaction de doute, j’ai décidé de poursuivre ma lecture et je n’en n’ai finalement pas été déçue car, au-delà de l’intrigue elle-même, l’auteur nous emmène dans une réflexion plus profonde : sommes-nous vraiment ce que nous croyons être ? Nous mentons-nous à nous–mêmes ? Pourquoi refusons-nous cette spiritualité dont nous avons tant besoin pour vivre ?

Frédérique Deghelt insiste également sur le fait que le surnaturel et la science ne s’opposent pas, mais que la science n’a pas encore découvert des phénomènes qui, un jour, s’expliqueront, et donneront peut-être un nouveau sens à notre vie. La mort deviendra alors une perspective moins angoissante…

Les brumes de l’apparence, Frédérique Deghelt, Actes Sud, mars 2014, 368 p.

 

 

Gabriele d’Annunzio ou le roman de la Belle Epoque

D'Annunzio ou le roman de la belle époquePublié dans la collection « Le roman de … » dirigée par Vladimir Fédérovski, « Gabriele d’Annunzio ou le roman de la Belle Epoque » est différent de la plupart des autres ouvrages de cette série. En effet, l’auteur a choisi de se mettre dans la peau de D’Annunzio pour nous livrer l’autobiographie romancée du poète italien, qu’il raconte donc à la première personne. Dès les premières lignes, le ton est donné : D’Annunzio reconnaît sa « tendance à se prendre pour le nombril du monde », due selon lui en partie au fait qu’il n’ait été élevé que par des femmes.

Originaire de Pescara dans les Abruzzes, l’enfant de sept ans, déjà très sensible, aime la campagne qu’il décrit en des termes poétiques. D’une intelligence précoce, le jeune Gabriele est particulièrement lucide sur son caractère et notamment ses défauts, ses propres besoins et ses goûts. Attiré par l’aristocratie, il garde le nom que son père avait emprunté, D’Annunzio, beaucoup moins commun que son véritable nom, Rapagnetta. Il commence à écrire très tôt et à 17 ans, il publie son premier recueil de poèmes intitulé « Odes barbares ». Gabriele D’Annunzio connaît le succès tout de suite et n’hésite pas à reprendre à son compte le terme de « chef-d’œuvre » que certains critiques ont employé pour désigner ses écrits. Il se vante également d’avoir inventé un mode de vie particulier, mondain, dépensier, aux nombreuses conquêtes féminines.

Un rien agaçant, parfois grandiloquent, D’annunzio est toujours conscient de sa grandeur, de son génie. Il ne s’impose aucune limite et, méprisant l’argent, il dépense sans compter et se retrouve rapidement couvert de dettes, sans vouloir renoncer à rien pour autant.

« Je suis un homme de désordre et je veux rester tel, parce que mon style est de ne jamais contrarier ma nature » (p28).

Par la voix de D’Annunzio, Dominique Lormier passe en revue ses œuvres, les explique, en révèle les influences. Puis il évoque ses quelques expériences politiques en tant que député. C’est ensuite à une activité théâtrale que l’écrivain prodige se consacre, avant de rencontrer ses premiers vrais problèmes financiers. Pour échapper à ses créanciers, il choisit de s’exiler en France où il reçoit l’aide de sa maitresse Natalia de Goulobev. La période française est très féconde, il rencontre de nombreux artistes. Bientôt installé dans les Landes, il alterne les périodes de fête avec celles de retraite qui sont vitales pour écrire.

En 1915, pressentant l’intervention imminente de sa patrie en guerre, dont il se présente en partie comme l’instigateur par la rédaction du discours de Quarto, l’écrivain rentre en Italie et participe à des opérations militaires périlleuses. Cette partie du récit m’a beaucoup fait penser au récit de Romain Gary dans « La promesse de l’aube ». Il y a d’ailleurs quelques points communs entre les deux hommes, mais aussi de grandes différences, Gary n’étant jamais arrogant en raison d’un formidable humour qui le sauve de ses excès.

D’Annunzio s’installe ensuite à Fiume, et fait de la ville un Etat indépendant en la dotant d‘une constitution particulièrement novatrice. Forcé à partir, il s’installe au bord du Lac de Garde, à Gardone Riviera, où il termine sa vie, une période trop peu développée dans le roman.

En effet, si le roman est richement documenté, et parsemé de nombreuses citations, j’ai regretté un peu que certaines périodes de la vie du grand écrivain soient trop rapidement évoquées. L’image que j’ai gardée de D’Annunzio après cette lecture est celle d’un aristocrate décadent mais génial : un homme qui accordait une grande importance à la beauté, dans l’art, mais aussi à celle des femmes dont il s’est toujours entouré. On ne peut qu’être intrigué par le caractère à la fois passionné, sensuel, original et raffiné de l’homme qui verse sans arrêt dans l’exubérance, l’excès, voire l’irrespect, mais toujours avec une incroyable candeur. Son attitude souvent immodeste et immature qui confine à l’arrogance, est sans doute renforcée par le choix du récit à la première personne. Un personnage original dont on aimerait finalement en savoir davantage.

 

Je remercie Babelio et Les éditions du Rocher de m’avoir fait parvenir ce roman.

 

Gabriele d’Annunzio ou le roman de la Belle Epoque, Dominique Lormier, Editions du Rocher, août 2014, 222p.

 

Lecture faite dans le cadre du challenge Il viaggio chez Eimelle.

challenge italie

Le bal, Irène Némirovski

le balPrésenté par son auteur comme un roman, et il s’agit d’ailleurs bien d’un texte romanesque à de nombreux égards, Le Bal s’apparente plutôt à une nouvelle en ce qui concerne sa forme : brièveté du texte, relation d’un épisode précis de la vie d’Antoinette, chute propre aux nouvelles…

Antoinette, l’héroïne du Bal, est une jeune fille de quatorze ans, fille unique d’un couple de juifs parvenus. C’est en effet pour couronner leur ascension sociale fulgurante que Mme Kamp, la mère d’Antoinette, décide de donner un bal où elle invitera tout ce que la ville compte de « gens bien », c’est-à-dire de gens qui ont des relations et qui, de préférence, portent un titre.

La jeune Antoinette, qui rêve depuis longtemps de participer à un bal, voit ses espoirs anéantis lorsque sa mère lui réplique avec colère, et sur un ton cruel, qu’il n’est pas question qu’elle assiste au bal. L’adolescente rumine son désespoir, en veut à la terre entière et à sa mère en particulier. Et c’est sans préméditation que, le lendemain, Antoinette saisit l’occasion de se venger de cette mère qui ne l’aime pas et ne cesse de la houspiller. La vengeance se concrétise dans la dernière partie du texte, où le lecteur assiste à l’humiliation de Mme Kamp, sous les yeux des domestiques et de Mme Isabelle, professeur de piano d’Antoinette et cousine de la famille.

Dans Le bal, la mère est odieuse; la fille également, mais on la comprend. Le père semble quant à lui plus compréhensif envers sa fille, mais il n’a pas le courage d’affronter sa femme pour défendre la jeune Antoinette. La vanité, ainsi que les relations de rivalité qui existent entre certaines mères et leur fille, sont au centre du récit.

Le bal, qui est l’un des premiers livres publiés par Irène Nemirovsky, est un texte très maîtrisé, qui est pour une large part autobiographique, l’auteur ayant en effet évoqué par la suite dans ses romans sa mère qui, quand elle n’était pas absente, lui montrait une franche hostilité. D’où sans doute l’émotion que l’auteur a su faire naître de ce court roman, à découvrir sans attendre.

 

Le bal, Irène Némirovski, Hachette, collection Biblio Collège, juin 2005, Paris, 128 p.

 

 

Livre lu dans le cadre du Challenge Un classique par mois, chez Stephie.

Challenge un classique par mois

 

Le mystère de Roccapendente, de Marco Malvaldi

Le mystère de RoccapendenteNous sommes en Toscane, dans la région de la Maremma, en 1895. Le soleil se lève sur le château de Roccapendente. Ce n’est qu’en fin d’après-midi, quand la chaleur commence à diminuer, que le Baron et son entourage sortent du château. Ce jour-là, il s’agit pour la famille Bonaiuti di Roccapendente d’accueillir un invité de marque, le célèbre cuisinier  Pellegrino Artusi, qui a d’ailleurs réellement existé. Chacun y va de son commentaire, essayant d’imaginer l‘apparence de l’hôte attendu : il est vrai qu’à l’époque, comme nous le rappelle l’auteur, on ignore beaucoup de choses sur le compte des personnes célèbres :

« En fin de compte, on se trouve à la fin du dix-neuvième siècle, où les gens célèbres le sont en général pour ce qu’ils font ou ce qu’ils disent, non pour leur aspect physique qui, le plus souvent, demeure inconnu de tous, ou presque. Heureux temps ».

Tandis que la famille guette l’arrivée de son hôte illustre, Marco Malvaldi nous présente une savoureuse galerie de personnages : le Baron a deux fils, Gaddo et Lappo, ainsi qu’une fille, Cecilia. Le fils aîné, Gaddo, toise ses semblables du haut de son arrogance oisive d’homme du monde qui n’est habile qu’à dilapider la fortune familiale. Quant au plus jeune, Lappo, il n’est guère intelligent : poète à ses heures, mais sans talent, Gaddo vit dans l’espoir de rencontrer son idole, le grand poète italien -et toscan- Carducci. Le portrait est en effet sévère :

« Une des malédictions les plus communes pour les hommes puissants est d’avoir un fils idiot. Les exemples historiques sont innombrables avec une évidence particulière dans le monde politique… ».

Au contraire, Cecilia est une jeune fille intelligente au regard franc, malheureusement enfermée dans la retraite forcée des femmes nobles de cette époque. La grand-mère, mère du Baron, est âgée bien sûr, mais aussi obèse et paralytique : une « dignité à roulettes », qui est aidée par Mademoiselle Barbarici, son infirmière et dame de compagnie, qui a peur d’absolument tout et subit en permanence les humiliations de l’odieuse grand-mère. Ajoutons à cela les cousines du baron, deux sœurs qui ont en commun d’être vieille fille et de mener une vie inutile. Enfin, les domestiques : Teodoro, le majordome du baron, la cuisinière Parisina, et la femme de chambre Agatina qui vivent dans les sous-sols, où les maîtres ne descendent presque jamais.

Le lendemain de l’arrivée du grand Artusi, la maisonnée est réveillée par un cri inhumain : le majordome est découvert mort, dans la cave, où il se trouve enfermé de l’intérieur. Teodoro était un majordome élégant, d’une aide précieuse, et à l’esprit facétieux, lui qui n’hésitait pas à ne porter ni chaussettes ni caleçon sous son uniforme, en raison de la chaleur. Le médecin ne pouvant conclure à une mort naturelle, il appelle le délégué à la sécurité publique, Artistico, qui vient rapidement mener son enquête. Sa présence n’empêchera toutefois pas le Baron d’être lui-aussi victime d’une tentative d’assassinat…

Le mystère évoqué dans le titre n’est finalement pas l’élément essentiel de ce roman très réjouissant. Comme le titre français, celui de l’édition espagnole met l’accent sur l’enquête, et l’on pourrait traduire « El caso del mayordomo assessinado » par « L’affaire du majordome assassiné ». Pourtant l’édition italienne ne fait aucune référence à l’intrigue policière : le titre, « Odore di chiuso » que je traduirais par « une odeur de renfermé » évoquant davantage la fin d’un monde, et le huis clos dans lequel vit la famille Bonaiuti.

En effet, tout est prétexte à la moquerie de l’auteur qui se place souvent en commentateur averti de l’affaire. Nous sommes à la fin du XIXème siècle, soit trente ans après le début d’une unité italienne qui n’est pas toujours réalisée dans les faits. La noblesse joue encore un rôle prépondérant, dans les campagnes notamment, mais elle est en pleine décadence et commence à perdre peu à peu son pouvoir.

« Le problème, quand on a été élevé de manière dogmatique, réside en ce que, en général, sitôt sorti des situations connues et définies, dans lesquelles on est parfaitement à l’aise, on perd la tête. Le code du savoir-vivre du noble bien éduqué, par exemple, n’expliquait pas du tout de quelle manière il faut se comporter quand on tire sur un de vos parents par traîtrise à travers une haie ».

Peu habitué à recevoir des ordres, le baron (terme parfois utilisé par l’auteur dans une acception plus moderne faisant référence à « un certain type de personnes et leur utilisation de la chose publique ») et sa famille n’acceptent pas l’ingérence du délégué à la sécurité publique. Lequel est lui aussi prompt à laisser libre cours à ses préjugés en accusant rapidement la femme de chambre. A travers ce portrait d’un monde décadent surgit une critique de l’Italie contemporaine, qui fait du Mystère de Roccapendente, une lecture très divertissante.

Le mystère de Roccapendente, Marco Malvaldi, 10/18, Collection Grands Détectives, Paris, juin 2013, 209 p.

****

Un des personnages principaux du « mystère de Roccapendente » de Marco Malvaldi est le cuisinier italien Pallegrino Artusi qui a réellement existé : né en 1820 et mort en 1911, Artusi est l’auteur du livre qui a contribué à construire l’identité culinaire des italiens, « La scienza in cucina e l’arte di mangiar bene » (La science en cuisine et l’art de bien manger »).

CopArtusi2

 

Publié pour la première fois en 1891, « La scienza in cucina e l’arte di mangiar bene » a été la source de l’inspiration culinaire de plusieurs générations de chefs. Son auteur, Pellegrino Artusi, y a réuni 475 recettes, fruit d’années d’expérience et de nombreux voyages. L’auteur a procédé à de nombreux ajouts, et la dernière édition publiée après sa mort ne contenait pas moins de 790 recettes. Le livre est régulièrement réédité en Italie : la dernière édition, commentée et annotée, a été publiée en 2010.

 

scienza in cucina 2010

 

La ville natale d’Artusi, Forlimpopoli, en Emilie-Romagne, accueille aujourd’hui de nombreuses manifestations dédiées à la cuisine. Depuis 1997, la Festa artusiana, se déroule chaque année pendant une dizaine de jours au mois de juin et réunit des gastronomes en tous genres, amateurs et spécialistes, autour de dégustations, de cours, de conférences, avec la présence dans la ville, bien sûr, de nombreux points de restauration…

 

forimpopoli

 

Une maison dédiée à Artusi a également été créée en 2007 : la casa Artusi est un centre consacré à la culture gastronomique, et plus particulièrement à la cuisine domestique ou familiale.

Pour en savoir plus (source) : http://www.pellegrinoartusi.it/

 

Livre lu dans le cadre du challenge Il viaggio chez Eimelle,  du challenge Histoire, chez Lynnae, et du challenge Au service de, chez The frenchbooklover.

challenge italieChallengehistoireessai1Challenge Au service de

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Reprise et prolongation du challenge « Leggere in italiano »

Je suis heureuse de reprendre le challenge Leggere in italiano qui vient de se terminer chez George le 31 octobre dernier. Amoureuse de la littérature italienne, je trouvais dommage que celui-ci s’arrête. Et je remercie tout particulièrement George de m’avoir donné son accord. J’hébergerai donc le challenge jusqu’au 31 décembre 2015, voir davantage …

logo-challenge-in-italia1

Je ne changerai  rien à ce que George a mis en place : « un livre suffit pour valider le challenge et tous les genres sont acceptés : romans, essais, BD, histoire, magazines … et pourquoi pas livres de cuisine. La seule contrainte sera d’indiquer si vous avez lu ces ouvrages en VO ou en version bilingue ».

Néanmoins, je rétablirai les catégories que George avait mises en place lors de la première saison, pour ceux d’entre vous qui veulent aller plus loin qu’un seul livre. Les catégories sont modifiables au fur et à mesure de vos lectures :

  • Moderato : 1 livre
  • Allegro : 2 livres
  • Vivace : 3 livres
  • Prestissimo : 4 livres ou plus

 

      Mais que lire en fait ? Vous avez la possibilité de choisir parmi ces différentes catégories de romans:

 

  1. Livres en éditions bilingues ou livres pour débutants
  2. Livres traduits en italien écrits donc par des auteurs non italiens
  3. Livres en italien écrits par des auteurs italiens

 

Vous pouvez déposer vos inscriptions et vos liens sur les commentaires de ce billet, ou sous l’onglet ci-dessus consacré au challenge Leggere in italiano. N’oubliez pas que ce challenge est jumelé avec le Challenge Il viaggio chez Eimelle.

J’espère que vous serez nombreux à poursuivre l’aventure ! A presto !

 

***

 

Vous pouvez retrouver le récapitulatif des deux premières saisons du challenge, chez George, sous les liens suivants :

http://leslivresdegeorgesandetmoi.wordpress.com/2012/08/29/challenge-in-italiano-da-maria-e-georgia/

http://leslivresdegeorgesandetmoi.wordpress.com/2013/11/07/challenge-in-italiano-prolongation/

 

 ***

Voici, entre autres, quelques idées de lecture en italien :

 

Auteurs classiques :

-Bassani, Giorgio : Gli occhiali d’oro, il giardino dei Finzi-Contini.

-Brancati, Vitaliano : Il bell’Antonio.

– Buzzatti, Dino : Il colombre (N), Il deserto dei Tartari, Un amore.

-Calvino, Italo : Marcovaldo, Gi amori difficili, Se una notte d’inverno un viaggiatore, Il visconte dimezzato, il barone rampante, Il cavaliere inesistente.

-Cassola, Carlo : Fausto e Anna, Il cuore arido.

-Collodi, Carlo : Pinocchio.

-Gadda, Carlo Emilio : Quer pasticciaccio brutto de via Merulana.

– Goldoni, La locandiera (T)

-Levi, Carlo : Christo si è fermato a Eboli.

-Levi, Primo : Se questo è un uomo.

– Manzoni, Alessandro : I promessi sposi.

-Morante, Elsa : La storia, Menzogne e sortilegio.

– Moravia Alberto : gli indifferenti, La romana, La donna leopardo, Racconte romane (N), L’attenzione…

-Pasolini, Pier Paolo: Passegiate romane (N), Ragazzi di vità.

-Pavese, Cesare : Tutti i racconti (N).

-Pirandello, Luigi : Il fu Mattia Pascal, Sei personaggi in cerca d’autore (T).

-Pratolini, Vasco : Cronaca familiare, Metello, Le ragazze di San Frediano.

-Tomasi di Lampedusa, Giuseppe : Il gattopardo.

-Sciascia, Leonardo : Una storia semplice, Il mare colore del vino, Le parocchie di Regalpetra.

-Silone, Ignazio : Fontamara.

-Svevo, Italo : Una vita, Senilità.

-Tabucchi, Antonio : Piccoli equivoci senza importanza (N), Notturno indiano, Sostiene Pereira, La testa perduta di Damasceno Monteiro.

-Verga, Giovanni : I malavoglia, Tutte le novelle (N).

 

Auteurs contemporains :

-Agus, Milena : Mal di pietre.

-Ammaniti, Niccolo : Io e te, Che la festa cominci, Io non ho paura.

-Avallone, Silvia : Acciaio

-Baricco, Alessandro : Seta, Novecento, Mr Gwyn …

-Benni, Stefano : Saltatempo, Pane e tempesta…

-Camilleri, Andrea : Morte in mare e altre indagini del giovane Montalbano…

-Carofiglio, Gianrico : Testimone inconsapevole, Le perfezioni provvisorie, Raggionevole dubbi, Il silenzio dell’onda, Una mutevole verità.

-De Luca, Erri : Il peso della farfalla, Non ora non qui.

-Eco, Umberto : Il nome della rosa, Il cimitero di Praga, Baudolino.

-Fruttero e Lucentini : L’amante senza dimorra fissa, La donna della domenica.

-Giordano, Paolo : La solitudine dei numeri primi.

-Greggio, Simonetta : La dolcezza degli uomini.

-Malvaldi, Marco : La briscola in cinque, Il gioco delle tre carte, Odore di chiuso.

-Maraini, Dacia : La lunga vita di Marianna Ucria, Bagheria.

-Mazzantini, Margaret : Venuto al mondo, Nessuno si salva da solo.

-Mazzucco, Melania : Vita.

-Parrella, Valeria : Lettera di dimissioni.

-Piumini, Roberto : Storie d’amore (N)

-Rasy, Elisabetta: Mezzi di trasporto, Molta luce in pieno inverno.

-Saviano, Roberto : Gomorra (Essai).

-Tamaro, Suzanna : Va dove ti porta il cuore.

-Veronesi, Sandro : Chaos calmo, XY.

 

 

 Et quelques liens qui pourraient vous aider :

 

http://www.ibs.it/

http://www.livres-italiens.fr/

http://www.criticaletteraria.org/

 

 Bonne lecture !

Le liseur du 6h27

Le liseur du 6h27

Guylain Vignolles est un jeune homme plutôt sympathique, mais qui souffre de ce qu’il considère comme deux véritables handicaps : un nom qui prête à la contrepèterie et un travail ennuyeux dont il n’est pas fier et qui n’a qu’un rapport lointain avec les livres. C’est d’ailleurs pour rendre ce travail plus acceptable qu’il a pris l’habitude chaque matin, dans le RER de 6h27, de lire tout haut quelques feuillets récupérés par hasard au pied de la broyeuse de livres qui attriste son quotidien.

Guylain Vignolles est apprécié de quelques collègues, un gardien qui ne s’exprime qu’en alexandrins et un ouvrier aux jambes broyées qu’il essaie d’aider en recherchant tous les exemplaires d’un livre pour le moins particulier. Mais il n’a pas d’autre ami et vit seul en compagnie de Rouget de Lisle, peu loquace dans son bocal. Malgré cette existence peu enviable, Guylian, très humain, a le sens du bonheur et devrait donc trouver le sien à la fin de l’histoire.

C’est principalement l’originalité des personnages, à la fois improbables et communs, qui m’a plu dans « Le liseur du 6h27 ». L’auteur a su faire du récit d’une vie banale, qui se déroule dans le quotidien sans poésie d’une usine et d’un centre commercial, un joli conte moderne avec des personnages simples, mais que leur passion pour la lecture et l’écriture sauve et rapproche. Un concentré d’optimisme.

 

Le liseur du 6h27, Jean-Paul Didierlaurent, Editions Au diable vauvert, Vauvert, 2014, 218 p.

 

 

 

 

Le complexe d’Eden Bellwether, Benjamin Wood

le complexe d'eden bettelwoodAutre coup de cœur de cette rentrée littéraire, après Joyce Maynard, c’est encore un auteur anglophone, mais anglais cette fois, que je viens de découvrir. Agé de 33 ans, Benjamin Wood a publié en 2012 son premier roman, aujourd’hui traduit en français. Vous avez sans doute déjà entendu parler du «Complexe d’Eden Bellwether » qui a fait l’objet de nombreuses critiques élogieuses depuis sa sortie en août dernier chez Zulma, une maison d’édition qui a publié ces dernières années de très bons romans, et notamment « La lettre à Helga », « L’exception », ou plus récemment « L’île du Point Némo ».

« Le complexe d’Eden Bellwether » ne m’a pas déçue, comme cela peut être le cas après avoir lu un grand nombre de bonnes critiques sur un ouvrage. Le roman s’ouvre sur une scène de crime évoquée en deux pages. Tout y est, et pourtant on ne sait rien des victimes. Qui sont-elles ? On ne l’apprendra qu’à la fin du roman qui prend, avec cette scène d’ouverture, des allures de polar. Pourtant, et malgré le suspense présent tout au long du livre, il ne s’agit pas d’un polar.

Oscar Lowe est un jeune homme de vingt ans qui est aide-soignant à Cedarbrook, une maison de retraite située à Cambridge. Oscar n’a pas fait d’études, parce que sa priorité était de quitter ses parents, ce qu’il a fait très jeune. Chaque jour en se rendant au travail, il passe devant les nombreux « Colleges » de Cambridge qui abritent encore l’élite intellectuelle de l’Angleterre contemporaine. Un soir, en arrivant près de la chapelle de King’s College, Oscar est attiré par le son à la fois fort, harmonieux et fragile de l’orgue : il ne peut résister, entre et assiste à l’office. En sortant, il rencontre Iris, une jeune fille blonde, étudiante en médecine et mélomane, qui est aussi la sœur d’Eden, l’étudiant qui jouait merveilleusement bien de l’orgue ce soir-là à l’office. Les jours suivants, Oscar fait plus ample connaissance avec elle, puis avec son frère et leur petit groupe d’amis, et enfin, une fois devenu le petit ami d’Iris, avec les parents Bellwether.

Oscar n’est pas toujours à l’aise avec ces membres de la classe intellectuelle aisée, mais il s’intègre rapidement dans le petit groupe qu’il rejoint après avoir terminé ses heures à Cedarbrook. Oscar aime son travail, malgré les difficultés qu’il comporte. Il a sympathisé avec un pensionnaire différent des autres, qui préfère s’isoler dans sa chambre et n’avoir que très peu de contact avec les autres résidents, le Dr Paulsen. Ce dernier prête des livres à Oscar et c’est ainsi qu’Oscar découvre les œuvres de Herbert Crest, psychologue et ancien ami du Dr Paulsen.

Au centre du roman, il y a également Eden, personnage sombre, mystérieux et manipulateur, d’une grande culture, et dont on se demande, à l’instar de sa propre mère, s’il est très intelligent ou s’il est anormal. Eden est un fervent admirateur du compositeur allemand Mattheson et, passionné de musique baroque, il prête à celle-ci des pouvoirs thérapeutiques. Eden prétend d’ailleurs être capable d’hypnotiser des malades, les soigner, voire les guérir. Pour exercer ses compétences, il n’hésite pas à se servir de sa sœur Iris comme d’un cobaye : enfant déjà, il lui infligeait des blessures, pour pouvoir mieux la soigner ensuite. De la même façon, Eden n’hésitera pas à essayer de soulager les douleurs de Crest qui souffre d’une tumeur au cerveau.

C’est Oscar qui a provoqué la rencontre entre Eden, l’organiste guérisseur, et Crest, le psychologue spécialiste de la Personnalité narcissique. Peut-être pourront-ils se rendre service mutuellement, imagine-t-il. Mais Oscar se rendra vite compte que cette rencontre n’est pas fortuite. Eden les a-t-ils manipulés ? Distant voire arrogant, Eden n’éprouve aucune empathie pour ses semblables. Il vit dans son monde, à la frontière entre le génie et la folie…

Outre le fait qu’il se dévore d’une traite, les rebondissements maintenant le suspense jusqu’au bout, le roman de Benjamin Wood est envoûtant, certainement en raison de l’atmosphère des lieux, mais aussi des personnages qui oscillent sans cesse entre le cartésianisme et l’irrationnel. Oscar est un personnage particulièrement attachant, un autodidacte intelligent et sensé, qui insuffle beaucoup d’humanité à cette aventure diabolique. L’écriture, classique et fluide, et les nombreux thèmes sous-jacents au roman font sans aucun doute de Benjamin Wood un nouvel auteur à suivre…

wood-benjamin-

Le complexe d’Eden Bellwether a reçu le Prix Fnac 2014.

Le complexe d’Eden Bellwether, Benjamin Wood, traduit de l’anglais par Renaud Morin, Zulma, Paris, août 2014, 512 p.

 

 

L’homme de la montagne, Joyce Maynard

L'homme de la montagneRachel et Patty sont sœurs et vivent en Californie, chez leur mère, non loin de San Francisco, dans la « Cité de la splendeur matinale ». Le quartier revêt des allures de campagne, et les jardins à l’arrière des maisons s’ouvrent directement sur la montagne et le parc national du Golden Gate, gigantesque, avec ses centaines de kilomètres de chemins de randonnée.

C’est dans ce parc que les deux sœurs passent le plus clair de leur temps, à vagabonder, pique-niquer et inventer des jeux débordants d’imagination. Il est vrai qu’elles ne se sentent pas à l’aise dans la maison, où leur mère passe ses journées enfermée dans sa chambre depuis son divorce.

Le père, l’inspecteur Toricelli, s’occupe pourtant de ses filles, et vient souvent les chercher pour les emmener manger des pâtes à la sauce marinara. Ce policier d’origine italienne est aussi très occupé par ses conquêtes féminines, ce qui lui a coûté son mariage. Mais c’est plus fort que lui, il aime sincèrement les femmes, cherchant toujours à les défendre, et il s’ intéresse à elles aussi pour ce qu’elles ont à dire. Ses deux filles l’admirent  beaucoup, et attendent avec impatience chacune de ses visites.

En cet été 1979, où démarre le récit, Rachel, l’aînée, a treize ans. Elle connaît les affres de l’adolescence, et se désole de n’avoir pas d’amie. Elle partage tous ses moments de loisirs avec sa jeune sœur Patty, de deux ans sa cadette, à inventer des histoires, tout en espérant que bientôt, la vie réelle deviendra aussi intéressante pour elle que le monde imaginaire qu’elle s’est construit avec Patty. C’est d’ailleurs d’une manière inattendue que la réalité prend le dessus, lorsqu’une jeune fille est découverte assassinée dans la montagne. Un crime étrange, précédé d’un viol, et dont le mode opératoire fait penser à celui d’un tueur en série.

Et c’est bien ce dont il s’agit. Les crimes de jeunes femmes se succèdent dans le parc national et la psychose grandit. Le père de Rachel et Patty est responsable de l’enquête, et Rachel devient vite populaire auprès de camarades de classes avides de détails scabreux. Mais la police se révèle impuissante face à celui qui est devenu « l’Etrangleur du Crépuscule ». Et l’échec du père devient aussi celui de ses filles, qui n’ont pas pu l’aider.

Le récit qui a débuté avec les souvenirs d’enfance de Rachel, héroïne principale du roman et narratrice, se transforme bien vite en véritable polar, bien que l’adolescence de Rachel et les sentiments variés qu’elle découvre soient constamment  au premier plan. L’été 79 aura des répercussions sur la vie entière de Rachel, comme on l’apprendra dans la suite du récit.

Le roman de Joyce Maynard a été pour moi un véritable coup de cœur, difficile à classer dans une catégorie puisqu’il relève autant du roman d’initiation, du roman autobiographique, que du polar. L’auteur reproduit également à merveille l’atmosphère de la fin des années soixante-dix, avec de nombreuses références culturelles, et notamment musicales, de cette période. On y retrouve également ce qu’était la vie des enfants et des jeunes de cette époque, sans activités programmées, libres d’exercer leur imagination pour remplir les deux mois de vacances estivales.

L’Homme de la montagne est un livre difficile à lâcher, d’autant qu’il est bien écrit par un auteur qui excelle dans la description des sentiments exacerbés « des filles de treize ans ». Patty, la sœur de Rachel, leur père Anthony, ainsi que leur mère, et même Margaret Ann, la possible belle-mère, sont également des personnages très attachants, bourrés de défauts, mais profondément humains.

 

L’homme de la montagne, Joyce Maynard, traduit de l’anglais (américain) par Françoise Adelstain, Philippe Rey, Paris, août 2014, 319p.