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Les « Légendes des pays du Nord » à Evian

Le très beau Palais Lumière d’Evian accueille en ce moment une exposition de saison et de circonstance, puisqu’elle est consacrée aux Légendes des pays du Nord. En fait, l’exposition s’attache essentiellement aux grands noms de l’illustration finlandaise dans le domaine des contes. C’est à Alexander Reichstein, illustrateur russe d’ouvrages pour la jeunesse, que l’on doit la scénographie de l’exposition : un univers de forêts, de neige et d’eau, des tons verts et bleus, qui recréent l’atmosphère des contes du grand nord.

 

 

 

Dans une première salle, on fait connaissance avec le Grand Kalevala, chant poétique en rimes fondé sur des mythes multiséculaires très connus en Finlande. Il s’agit de contes populaires finlandais collectés auprès des bardes de Carélie. En 1917, alors que la Finlande naissait comme Etat indépendant, un artiste cherche à illustrer ces contes : Akseli Gallen-Kallela (1865-1931) veut en effet leur donner une nouvelle forme littéraire et artistique qui colle mieux à leur origine très ancienne. C’est après un séjour au Nouveau-Mexique où il découvre le répertoire décoratif des indiens de Taos, qu’Akseli Gallen-Kallela entreprend un projet de livre enluminé qui respecte l’archaïsme du mythe.

 

La seconde salle de l’exposition nous présente les peintures de Joseph Alanen (1885-1920) qui illustrent le Kalevala. Ces toiles méconnues provenant dune collection particulière sont présentées pour la première fois. La plupart ont d’ailleurs été encadrées pour l’occasion. La technique a tempera utilisée par le peintre, sur une toile grossière, donne l’impression que nous sommes face à une tapisserie. Les toiles, de même format, et qui ont en commun une palette restreinte et harmonieuse, laissent à penser que les peintures faisaient partie d’une projet général et qu’elles étaient destinées à être présentées ensemble. En s’affranchissant du réalisme, Joseph Alanen prend sa place parmi les grands peintres modernes du début du XXème siècle. Sa disparition précoce explique qu’il soit tombé dans l’oubli.
Nous descendons et découvrons une salle consacrée à Rudolf Koivu (1890-1946), grand illustrateur finlandais né à Saint-Petersbourg et donc influencé par la culture et les contes russes. De très belles aquarelles, fines et infiniment variées évoquent les contes finlandais.
Les oeuvres lumineuses et gaies de Martta Wendelin (1893-1986) faisaient rêver les enfants finlandais au moment de Noël. Elles décoraient des magazines, des livres de contes et des cartes de Noël.
Enfin, la dernière salle présente le manoir légendaire de Suur-Merijoki, oeuvre totale alliant architecture et arts décoratifs, aujourd’hui disparue.
Voilà une très belle exposition à découvrir en famille, pour laquelle je vous conseille la visite commentée. Alors, si vous passez du côté d’Evian avant le 17 février prochain, allez y faire un petit tour.

Paul Delvaux, maître du rêve à Evian

C’est un comble : c’est à Evian que j’ai visité une magnifique exposition consacrée au peintre belge Paul Delvaux (1897-1994), dont la commissaire n’est autre que la directrice du musée d’Ixelles (Bruxelles) ! A voir, une sélection d’oeuvres majeures du peintre, dont la plupart sont issues d’une collection privée belge (collection de Pierre Ghêne), enrichie de quelques magnifiques pièces du Musée d’Ixelles, ainsi que des Musées Royaux des Beaux-arts de Bruxelles.

L’exposition nous fait découvrir les nombreuses facettes que revêtent les oeuvres de l’artiste qui fut tour à tour post-impressionniste, expressionniste, avant de trouver sa voie dans le surréalisme : sont ainsi explorés les thèmes de la féminité bien sûr, de la solitude et du recueillement, du rêve, du voyage, de la théâtralité, du mystère et de la poésie.

Auteur prolifique, Paul Delvaux a été le témoin d’un siècle extrêmement riche dont il a subi les multiples influences : Modigliani, Picasso, James Ensor, Giorgio de Chirico notamment. Mais il a su créer une oeuvre très particulière, au sein de laquelle les femmes sont omniprésentes mais inaccessibles, lui dont la mère possessive et autoritaire voulait être la seule femme de sa vie. Après avoir longtemps vécu dans la crainte des femmes, Paul Delvaux n’a cessé de les représenter, belles, distantes et mystérieuses.

 

Couple avec enfant dans la forêt

On retrouve dans les personnages l’influence de Modigliani.

 

 

Les noces à Antheit, 1932

Ou son mariage imaginaire avec Tam, que sa mère n’avait pas voulu qu’il épouse.

 

 

La crucifixion, 1951-1952

Pour Delvaux, les squelettes ne sont que l’armature des vivants. Il ne les reprend ici que pour dramatiser encore les scènes de la passion du Christ.

 

 

Les courtisanes, 1944.

Des femmes qui ne communiquent jamais, une cité antique, le bleu que l’on retrouve de plus en plus souvent dans son oeuvre…

 

 

Palais en ruines, 1935.

Un univers poétique et mystérieux influencé par De Chirico.

 

 

 

L’incendie, 1935, qui est pour la première fois présenté en entier en France

(la seconde partie de la toile est placée à gauche de ce tableau dans l’exposition).

 

 

 

L’escalier, 1946.

Les personnages féminins sont inexpressifs, seules les statues de pierre sur la droite communiquent entre elles.

 

 

 

La fenêtre, 1936

Quelque chose de Magritte…

 

 

 

Le dialogue, 1974.

 

 

Voici donc une exposition qui vaut le détour; si vous passez par Evian, avant le 1er octobre 2017, ne manquez pas de faire un tour au Palais Lumière (qui lui aussi mérite une visite) ! Je vous conseille tout particulièrement la visite commentée, qui a lieu chaque jour en début d’après-midi et qui vous donnera de nombreuses clés pour comprendre la peinture (et les dessins) de Paul Delvaux.

 

http://www.palaislumiere.fr

 

 

 

 

 

Vigée Le Brun au Grand Palais

l'album de l'exposition vigée le brunDes femmes peintres françaises, il faut bien avouer que le grand public en connaît très peu. Sauf si vous êtes spécialiste en la matière, je vous suggère de réfléchir quelques minutes et de noter les noms qui vous viennent à l’esprit : ils sont peu nombreux ! Parmi ceux-ci, celui de Vigée Le Brun apparaît parfois, surtout connue grâce à son statut de portraitiste de la reine Marie-Antoinette.

Pour autant, aucune exposition monographique n’avait jusqu’ici été consacrée en France à Elisabeth Louise Vigée Le Brun. L’exposition du Grand Palais vient enfin rendre hommage à une grande peintre qui eut beaucoup de mal à imposer son talent, dans un milieu artistique plus que largement dominé par les hommes.

La postérité n’a pas non plus été tendre avec l’artiste, puisqu’elle fut méprisée par Simone de Beauvoir. L’auteur contestait le génie de Vigée Le Brun parce que celle-ci avait notamment  choisi de « fixer sur ses toiles sa souriante maternité »  (« Le deuxième sexe », Simone de Beauvoir). Et c’est justement cette représentation de la maternité -mais pas seulement- qui m’a beaucoup plu dans les tableaux présentés au Grand Palais.

 

Dès l’entrée de l’exposition, j’ai été saisie par la beauté de l’autoportrait qui en donne le ton, et plus particulièrement par la finesse et la lumière du teint de l’artiste.

autoportrait vigée le brun

L’artiste exécutant un portrait de Marie-Antoinette, 1790, huile sur toile, Florence, Galleria degli uffizi

 

De nombreux tableaux illustrent la tendresse maternelle, et ce sont ceux qui m’ont le plus touchée. Parmi ceux-ci, le plus connu, que l’on peut admirer normalement au Louvre :

la tendresse maternelle vigée le brun

Portrait de l’artiste avec sa fille dit « La tendresse maternelle », 1786, Paris, Musée du Louvre.

 

 

Enfin, mes deux préférés :

fille de vigée le brun

Jeanne Julie Louise Le Brun se regardant dans un miroir, 1787, collection particulière

 

vigee le brun

La marquise de Pezay et la marquise de Rougé, accompagnée de ses fils, 1787, Washington National Gallery of Art.

Et bien sûr, les portraits de Marie-Antoinette, dont celui-ci qui choqua parce que la reine est représentée en gaulle (chemise).

Marie antoinette en chemise vigée le brunMarie-Antoinette en chemise ou en gaulle, vers 1783, Kronberg, Hessische Hausstiftung.

Outre le côté artistique, l’intérêt de l’exposition vient également de la période historique concernée, puisque Vigée Le Brun est le témoin de plusieurs grands changements : née en 1755, l’artiste  a appris et développé son art sous l’ancien régime, puis a connu les excès de la révolution, et a compris tout de suite que son statut d’artiste de la Cour la mettait en péril. Elle s’est donc enfuie en Italie, puis s’est rendue à Vienne et enfin en Russie : un exil de douze années, pendant lesquelles elle a exercé son art auprès de l’aristocratie européenne, avant de rentrer à Paris, sous le Consulat. Elisabeth Louise Vigée Le Brun connaît alors la période de l’Empire, avec le développement d’une société nouvelle, qui se traduit par des changements dans les codes artistiques.

 

Il vous reste un mois, jusqu’au 11 janvier 2016,  pour voir cette exposition que je vous recommande tout particulièrement, si vous en avez l’occasion !

Plus d’infos sur : http://www.grandpalais.fr/fr/evenement/elisabeth-louise-vigee-le-brun