Archive | juin 2019

Luca, Franck Thilliez

C’est un pavé de 550 pages que l’on dévore en quelques heures. Il faut d’ailleurs avoir un peu de temps devant soi pour le commencer, car il est tellement addictif que l’on risque d’y laisser des heures de sommeil. Le dernier Franck Thilliez ne déçoit pas : diaboliquement efficace, l’auteur nous offre une intrigue remarquablement bien ficelée qui nous embarque dès les premières pages, sur fond de thèmes scientifiques aussi passionnants qu’effrayants.

Cette fois, Thilliez aborde la question de la gestation pour autrui, de la procréation médicalement assistée et des manipulations génétiques, mais aussi du transhumanisme, ce courant qui veut utiliser les progrès scientifiques et techniques pour surmonter les limites biologiques de l’homme et augmenter ses capacités intellectuelles et physiques jusqu’à repousser, voire un jour abolir la mort. Il est également question de l’intelligence artificielle et de ses limites, autant de problématiques qui nous interpellent sur le plan de l’éthique : pouvons-nous tout laisser faire, au nom du progrès scientifique ?

Parmi les thèmes secondaires bien présents, il y a aussi l’importance des réseaux sociaux et plus généralement des GAFA, leur influence sur nos vies via les algorithmes et les manipulations dont nous sommes victimes quotidiennement. Pour ce qui est de l’intrigue, je ne dévoilerai rien ici, si ce n’est que le roman s’ouvre sur la rencontre dans un chambre d’hôtel entre un couple en mal d’enfant et une jeune femme prête à louer son utérus et à vendre son ovule : la peur au ventre, se sachant hors-la-loi, mais plein d’espoir malgré de multiples échecs, Bertrand et Hélène accordent leur confiance à Natacha et lui remettent leurs cinq mille euros d’économies, une simple avance…

Les fidèles lecteurs de Franck Thilliez retrouveront un Sharko un peu assagi, et Lucie sa femme, toujours prête à visiter des endroits sordides et dangereux, seule, en pleine nuit. Ils ont quitté le 36, Quai des Orfèvres, pour le tout nouveau « Bastion ». Et comme si une nouvelle époque s’ouvrait, ils ne sont plus à l’avant-plan. C’est Nicolas, le collègue de Sharko, qui vit sur une péniche et se remet difficilement de la mort de Camille, et une jeune collègue, fraichement débarquée de Nice, mais pas indemne elle non plus, qui sont au-devant de la scène dans cette enquête particulièrement captivante.

Après la lecture, restent les questionnements, non sur l’intrigue mais sur les problématiques qu’elle soulève : les manipulations folles évoquées ne sont pas encore tout à fait réelles, mais on y touche, il n’y a qu’à penser à la naissance en 2018 de ces bébés chinois dont l’ADN aurait été modifié. Ethique contre eugénisme, c’est à nous de choisir !

 

Luca, Franck Thilliez, Fleuve noir, mai 2019, 550 p.

 

Challenge Polars et thrillers chez Sharon.

 

Bleu de Prusse, Philip Kerr

 

Philip Kerr est l’auteur de nombreux polars et sa trilogie berlinoise a remporté un grand succès dans les années 2000, le poussant à se consacrer à l’écriture à plein temps. Il s’agissait là des premières enquêtes de Bernie Gunther, qui s’inscrivent toutes dans le cadre de l’Allemagne nazie.

« Bleu de Prusse » est le douzième épisode de cette série et il se déroule alternativement sur deux périodes, 1939 et 1956. Pas besoin d’avoir lu les épisodes précédents pour apprécier cette aventure passionnante du point de vue historique : c’est d’ailleurs avec ce douzième tome que j’ai fait connaissance avec le flic berlinois Bernie Gunther et avec l’auteur, Philip Kerr, et ce fut une rencontre réussie.

Bernie Gunther est envoyé à Berchtesgaden pour résoudre un meurtre qui a été commis sur la terrasse du Berghof, le fameux « nid d’aigle », la résidence d’Hitler située dans les Alpes bavaroises.  Un ingénieur y a en effet été assassiné d’une balle tirée des montagnes environnantes. La sécurité du Führer, qui est attendu au Berghof afin de fêter son cinquantième anniversaire, est en jeu. Gunther n’a donc que sept jours pour découvrir le coupable, sans commettre aucune indiscrétion, car Hitler ne doit pas être mis au courant de ce qui s’est passé.

Sous l’autorité de chefs nazis tous plus compromis les uns que les autres, Gunther va enquêter méthodiquement, fort d’une expérience qui seule peut le tirer de ce mauvais pas : nombreux sont ceux en effet que ses découvertes gênent et qui l’attendent au tournant… mais le lecteur sait que Gunther s’en sortira pour cette fois, puisque le récit alterne les chapitres qui se déroulent en 1939 à Berchesgaden et ceux qui évoquent la fuite de Gunther en 1956, alors qu’il refuse une mission que lui confie la Stasi, police est-allemande qui veut l’obliger à commettre un empoisonnement, et qu’il fuit sa planque au Cap Ferrat pour essayer de retrouver la sécurité de la récente Allemagne Fédérale.

Malgré quelques longueurs, ce roman est particulièrement intéressant parce qu’il évoque les rivalités et contradictions des polices qui ont coexisté dans l’Allemagne nazie, puis qui se sont succédé d’un régime extrémiste à l’autre. On découvre aussi le détail de certaines malversations nazies moins connues, comme les nombreuses expropriations qui ont eu lieu à Berchtesgaden afin d’offrir une résidence secondaire aux dignitaires du régime nazi. Quant à Bernie Gunther, c’est un personnage insolent qui se trouve toujours sur le fil du rasoir et qui s’en sort souvent in extremis grâce à un instinct de survie au-delà du commun et qui se distingue par son humanité. Une série que je ne manquerai pas de découvrir en la reprenant cette fois, par le début !

 

Bleu de Prusse, Une aventure de Bernie Gunther, Philip Kerr, traduit de l’anglais par Jean Esch, Editions Points policier n°P4965, février 2019, 664 p.

 

Roman lu dans le cadre du challenge polars et thrillers chez Sharon. et du challenge Objectif Pal chez Antigone.

Le guide des châteaux de la Loire en bandes dessinées

 

Les éditions Petit à petit publient une série de guides d’un genre nouveau, puisqu’ils racontent en bandes dessinées des anecdotes historiques sur la région à laquelle ils sont consacrés. Le « Guide des châteaux de la Loire en bandes dessinées » en fait partie et j’ai pu le découvrir grâce à l’opération masse critique de Babelio que je remercie, ainsi que les éditions Petit à petit.

Les aspects positifs qui caractérisent ce guide sont nombreux ; j’ai ainsi apprécié la richesse du contenu : vingt-cinq châteaux sont présentés, tandis que quelques autres sont évoqués. Chaque château fait l’objet d’une présentation rapide avec photo, situation sur la carte et origine du château. Puis une bande dessinée raconte sur trois planches une anecdote relative au lieu. Une double page est ensuite consacrée aux points forts du château, à ce qui est « à voir absolument » aux alentours de celui-ci, le tout sous forme de brèves.

J’ai aimé la diversité des informations, historiques, géographiques, artistiques, culturelles, culinaires ou tout simplement touristiques. Les références littéraires et cinématographiques donnent envie de prolonger la découverte. On apprend aussi que l’on peut désormais découvrir les châteaux de la Loire autrement : à vélo bien sûr, mais aussi à cheval, ou plus sportif, en participant au tout nouveau trail des châteaux de la Loire ! Bref, le guide est une mine d’idées.

 

Quant aux bandes dessinées, elles sont très éclectiques puisque chacune est l’œuvre d’un dessinateur différent : ceux-ci sont présentés à la fin de l’ouvrage dans une courte biographie qui renseigne également leur page Facebook ou le site sur lequel on peut découvrir leur travail.

Au total, un guide très intéressant, plutôt fait pour préparer -ou prolonger- un voyage que pour glisser dans le sac, en raison de son poids et sa couverture rigide, mais qui intéressera toute la famille !

 

Guide des châteaux de la Loire en bandes dessinées, Editions Petit à petit, avril 2019, 159 p.

 

 

 

La dame de Reykjavik, Ragnar Jonasson.

 

L’héroïne du nouveau polar de Ragnar Jonasson est atypique puisqu’elle a soixante-quatre ans et se trouve à quelques mois de la retraite. Elle qui ne vit que pour son métier et ne se prépare pas au grand changement qui l’attend, se voit convoquée par son chef Magnus, qui lui annonce abruptement que son remplaçant sera là dans deux semaines et qu’elle pourra donc quitter le commissariat à cette date, soit plusieurs mois avant la date initialement prévue. Il ajoute qu’elle peut, en attendant et pour « s’occuper » choisir un cas non-résolu dans les archives du commissariat.

Prenant Magnus au mot, Hulda décide de s’intéresser à la mort inexpliquée d’une jeune femme Russe demandeuse d’asile qui avait été retrouvée noyée dans une crique rocheuse. Hulda se souvient que son collègue Alexander, peu enthousiaste, avait abandonné rapidement l’enquête. Elle espère pouvoir résoudre ce cas dans les quinze jours qui lui restent.

Hulda s’attelle avec énergie aux recherches, et commet quelques maladresses dont elle n’est pas coutumière. Elle fait également la connaissance de Petur, avec qui elle aimerait nouer des liens plus étroits, d’autant que cela semble réciproque. Mais elle s’est embarquée dans une enquête plus risquée que prévu, et elle n’a pas de coéquipier…

Le polar de Ragnar Jonasson est assez classique dans sa construction puisque l’auteur alterne les chapitres relatifs à Hulda et à son enquête avec ceux qui décrivent les préparatifs et le déroulement du meurtre. La tension monte progressivement, le suspense est là, même s’il n’est pas insoutenable. La lecture est agréable, mais sans plus.

Du côté des points forts, on retrouve les admirables paysages de l’Islande et un personnage féminin courageux et déterminé qui a eu une vie difficile -avec un mari et une fille- et qui n’a pas dit son dernier mot. On se prend peu à peu à penser que Hulda ferait une excellente héroïne récurrente, même si la retraite approche pour elle. Ne peut-on imaginer un retournement qui lui permette de rester encore quelques mois au commissariat de Reykjavik ? L’auteur nous donne une réponse à la fin et je dois dire que je ne l’avais pas imaginée une seconde. Et cela jette un tout autre éclairage sur le roman qui en devient surprenant. A découvrir !

 

La dame de Reykjavik, Ragnar Jonasson, traduit de la version anglaise, d’après l’islandais par Phillipe Reuilly, Editions de la Martinière, mars 2019, 261p

 

Lu dans le cadre du challenge polars et thrillers chez Sharon.