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Les routes de poussière, Rosetta Loy

C’est déjà presque un classique : ce roman est paru en 1987 en Italie et a connu un grand succès, remportant plusieurs prix littéraires. Il avait été publié en français en 1995 et il vient d’être réédité chez Liana Levi en 2019. Rosetta Loy, née en 1931 à Rome, appartient à la féconde « génération des années trente » et est désormais une figure importante de la littérature italienne contemporaine.

les routes de poussière rosetta loy

« Les routes de poussière » nous plonge dans le XIXème siècle italien, celui du Risorgimento, un processus lent qui culmine avec la réalisation de l’unité italienne en 1861. Le roman de Rosetta Loy a le souffle épique des sagas historiques, même s’il ne nous offre finalement que le quotidien d’une famille de paysans aisés du Piémont sur trois générations. En effet, il ne s’agit pas d’un roman historique, la « grande Histoire » n’étant présente qu’en toile de fond et les événements n’étant que rapidement évoqués. C’est au contraire le destin de paysans inconnus qui est détaillé, leurs amours, leurs épreuves, leurs joies, leurs superstitions et leurs sentiments.

Le roman débute avec le dix-neuvième siècle, dans les collines du Piémont, au nord-est de Turin. Les étés sont chauds et secs, les hivers pluvieux, et la neige recouvre tout en hiver. Un climat difficile pour les descendants du « Grand Masten », ce paysan devenu propriétaire après s’être enrichi en revendant fourrage et blé aux soldats de passage : la région subit en effet de nombreuses invasions, notamment au cours des campagnes napoléoniennes ou lorsque les Autrichiens tentent de s’approprier le Nord de l’Italie.

Tout commence avec les deux fils du Grand Masten, Pietro, dit « Pidren » et Giuseppe, dit « le Giaï ». Les frères tombèrent tous deux amoureux de la même jeune fille, la très jolie Maria, mais celle-ci choisit le plus jeune des deux frères, le Giaï. Et c’est ainsi que démarre une saga qui se centre sur ses personnages. Ils sont assez nombreux, mais pas trop -un arbre généalogique nous est d’ailleurs proposé en fin de volume- et tous très attachants. Leur quotidien est fait de labeur, de repas pris à la hâte autour de l’invariable polenta, de pain et de fromage, et ils parlent un dialecte local, mâtiné de mots français.

Il y a Gavriel qui n’a aimé qu’une seule femme, sa sœur Bastianina devenue nonne et surnommée par son frère « la tante bonne-soeur », avant de triompher « dans son habit immaculé », le petit Gioacchino qui « volait comme une plume », Teresa des Maturlin devenue trop tôt « symbole de la jeunesse et du bonheur perdus » Fantina, sacrée meilleure brodeuse de toute la région, Mandrognin, « serviteur et esclave «  de Maria qui la contemplait, « heureux parce que Dieu se laissait voir en chemise avec juste un châle. Et Dieu était si beau », et tant d’autres qui forment une galerie riche et savoureuse.

« Les routes de poussière » est un roman plein de charme et de poésie mais aussi de vivacité et de passion. Son style fluide et concret nous rapproche de ces paysans, l’auteure ayant un don, au moyen de mille anecdotes, pour les rendre charmants. Une belle découverte que je poursuivrai en lisant l’un des nombreux autres romans de Rosetta Loy.

Les routes de poussière, Rosetta Loy, traduit de l’italien par Françoise Brun, Editions Liana Levi, collection Piccolo n°145, 2019, 288 p.

 

Lu dans le cadre du mois italien chez Martine et du challenge Objectif Pal chez Antigone.

Retour à Montechiarro, Vincent Engel

Pour ce mois belge, j’avais envie de voyager dans le temps et dans l’espace et je me suis donc plongée dans la saga que Vincent Engel a publiée il y a déjà vingt ans.

« Retour à Montechiarro » se déroule principalement en Toscane et évoque plusieurs générations d’une famille en s’appuyant sur des personnages féminins qui aspirent au bonheur. Il faut dire qu’à part le Comte Della Rocca, noble éclairé et bienveillant avec lequel Vincent Engel ouvre son roman, il n’y a pas dans ses descendants et leurs conjoints beaucoup d’hommes recommandables, même si ces derniers existent dans le roman : Sébastien, un jeune photographe belge qui voyage en Italie dans les années vingt, et Ulysse, le libraire de Montechiarro que les fascistes envoient en confinement sur l’île de Lipari (certains découvriront ici ce que signifiait le mot « confinement » sous Mussolini).

Le roman est découpé en trois parties qui correspondent à trois périodes importantes de l’histoire de l’Italie. Nous faisons ainsi connaissance avec le Comte Della Rocca au début du « Risorgimento » en 1849. Nous suivons ensuite sa petite-fille, Agnese, pendant la période mussolinienne de l’entre-deux-guerres, avant de terminer dans les années de plomb, celles des Brigades rouges, en 1978, avec Laetitia, petite-fille d’Agnese. La toile de fond historique est très évocatrice, en particulier pendant les deux premières périodes. Les années soixante-dix sont à mon sens moins réussies.

Le principal défaut de cette saga est que l’ensemble est très noir. Il n’y a aucune période heureuse, sur un siècle et demi d’histoire familiale ! Les choix que font certains personnages, notamment Agnese, m’ont paru manquer de réalisme, peut-être dictés par les nécessités de l’intrigue. Enfin, le tout manque un peu de rythme, certainement en raison de quelques longueurs.

Pour autant, ce roman vaut le détour. C’est une fresque historique intéressante, bien écrite, qui parvient à imposer son univers et à nous plonger dans l’atmosphère de l’époque et du lieu.

 

Retour à Montechiarro, Vincent Engel, Le livre de poche, 2003, 727 p.

 

 

Roman lu dans le cadre du mois belge chez Anne, et du challenge Objectif Pal chez Antigone.

Les brumes de Riverton, Kate Morton

Grace est une très vieille dame, presque centenaire, qui a eu une vie bien remplie et heureuse, malgré quelques périodes difficiles. Mais il y a ce secret et le poids permanent d’une culpabilité très ancienne qu’il impose à Grace depuis si longtemps.

C’est à l’âge de quatorze ans que Grace est entrée au service des maîtres de Riverton, comme l’avait fait sa mère auparavant. D’abord simple domestique, elle devient rapidement la femme de chambre attitrée d’Hannah, une des jeunes filles de la maison. Non sans raison, elle lui vouera une fidélité à toute épreuve…

Bien que ce roman soit de la pure fiction, l’auteur a effectué de nombreuses recherches pour restituer l’atmosphère qui régnait dans la haute société britannique des années 1914 à 1924. Le point de vue adopté est celui de « ceux d’en bas », les domestiques, ce qui donne au roman un petit air de « Downton Abbey ». Les fans de la série devraient donc aimer ce roman.

Comme dans « L’enfant du lac », Kate Morton réussit parfaitement à faire naître un univers et à créer une intrigue fondée sur des secrets de famille. Elle maîtrise la narration à merveille, l’entrecoupant de nombreux retours en arrière et laisse le suspense intact jusqu’à la fin, même si elle sème de nombreux indices depuis le début du roman. Voilà une lecture fluide malgré ses presque 700 pages, et très divertissante ; de quoi passer un bon moment.

Les brumes de Riverton, Kate Morton, traduit de l’anglais (Australie) par Hélène Collon, Pocket n° 13649, 2009, 696 p.

Participation au challenge Objectif Pal chez Antigone

Voyage au royaume de Naples, Dominique Vivant Denon

Peu avant mon voyage à Naples, et pour changer des nombreux guides que j’ai consultés, je me suis plongée dans un ouvrage écrit en 1778 par Dominique Vivant Denon. Né en 1747, ce dernier est connu pour avoir été le premier directeur du Musée du Louvre. Il fut aussi graveur, diplomate et écrivain. Il est l’auteur, entre autres, de récits de voyages en Italie ainsi qu’en Egypte. Il connaissait bien Naples où il avait passé plusieurs années en tant que secrétaire d’ambassade.

Après une rapide évocation des premiers jours de son « Voyage au royaume de Naples », de Marseille en Toscane, d’abord en bateau puis à pied, l’auteur nous invite à visiter la grande cité parthénopéenne de l’époque. La rue de Tolède, grande artère commerçante actuelle, est alors le lieu de résidence de la noblesse. En arrivant sur le port, nous découvrons le Castel dell’Ovo. La rade de Naples nous est présentée comme le plus grand port de l’univers. Il y a aussi à Naples « la plus belle chartreuse de l’univers ».

On note la « grande affluence », la « vivacité », les « embarras » car, « de toutes les villes de l’univers, Naples est celle où il y a le plus de voitures ». L’auteur critique le ridicule des obélisques, mais aussi le but incertain que poursuivent les voyageurs. Il souligne la paresse des napolitains et la jalousie qui les anime, mais il évoque aussi la légèreté et la gaieté qui les caractérisent. Il nous parle des crèches napolitaines, nous décrit le culte des morts. 

Enfin, Dominique Vivant Denon nous emmène à la découverte des environs de Naples, au pied du Vésuve, à Pompéi, Herculanum, puis dans les îles, et notamment sur l’île de Caprée -l’actuelle Capri-, et dans les mystérieux Champs Phlégréens.  Il dit de Caserta : « Je trouvai ce lieu fort triste ». Il termine son itinéraire en descendant de Naples à Reggio de Calabre, en passant par la Pouille, puis il se rend en Sicile, avant de rentrer en bateau à Naples.  Voilà un ouvrage passionnant, riche en références à l’antiquité romaine et aux auteurs latins, qui nous fait voyager dans l’espace et dans le temps.

 

Voyage au royaume de Naples, Dominique Vivant Denon, Préface de Pierre Rosenberg, Editions Perrin, 1997, 309 p.

 

Participation au challenge objectif Pal chez Antigone.

La loi des hommes, Wendall Utroi

Jacques est cantonnier auprès de la mairie d’Houtkerke, dans le Nord. Alors qu’il entretient la tombe centenaire d’un Anglais à la réputation mystérieuse, il découvre un carnet qui contient une longue histoire. Avec l’aide de sa fille qui s’occupe de la traduction, Jacques se passionne pour les révélations qui y sont faites : avant de prendre sa retraite en France, l’auteur du carnet, un certain J.Wallace Hardwell, enquêteur à Scotland Yard, a mis au jour un scandale démasquant de nombreux notables et même des membres de la famille royale.

Impossible d’en dire plus sans dévoiler des éléments importants de ce roman qui n’est pas tout à fait un polar, et qui n’est pas totalement un roman historique non plus. Le suspense est pourtant bien présent, de même que les éléments historiques qui nous emmènent dans les bas-fonds londoniens au XIX ème siècle, dans une incroyable histoire de trafic de petites filles de 12, 13 ans, livrées en pâture aux membres de la bonne société anglaise.  

On suit avec Jacques tout le déroulement de l’enquête menée par Wallace. C’est une très belle découverte que ce thriller historique qui explore les thèmes vieux comme le monde et malheureusement toujours actuels que sont la pédophilie et l’exploitation sexuelle, et qui pose la question de la majorité sexuelle. Et l’on s’aperçoit avec stupeur que, dans certains domaines, les lois n’ont pas radicalement changé depuis cette époque ! Un roman passionnant à ne pas rater chez Slatkine et Cie.

 

La loi des hommes, Wendall Utroi, Slatkine et Cie, octobre 2020, 398 p.

 

 

Où il est question de « Civilizations » de Laurent Binet et de ma fichue liseuse…

 

Généralement, lorsque je n’ai pas du tout aimé un roman, mon choix est de ne pas en parler et c’est pourquoi vous lisez sur ce blog une grande majorité d’avis positifs. Parce que la lecture est une expérience profondément subjective et que l’expérience m’a montré que mon avis, même argumenté et nuancé, est parfois reçu de façon « raccourcie », et surtout parce que je respecte trop le travail de l’auteur pour me permettre de l’éreinter. Il n’en va pas de même dans ce cas précis, puisque je n’ai pas le choix et que la mise à disposition d’un roman par certains sites exige en retour l’envoi d’une chronique, quoi qu’il en soit, avis que j’ai décidé de partager ici, puisqu’il pose aussi la question de l’influence du support sur la lecture.

Alors, autant aller droit au but :  je n’ai pas du tout aimé le dernier roman de Laurent Binet, et cela m’a d’autant plus désorientée que j’avais beaucoup apprécié « Hhhh » et adoré « La septième fonction du langage ». En ce qui qui concerne « Civilizations », je n’ai pas réussi à finir ce roman, bien que je m’y sois efforcée à plusieurs reprises. Quand une lecture devient à ce point fastidieuse, il vaut mieux finalement l’abandonner (ce que j’aurais fait beaucoup plus vite si je n’avais pas été obligée d’écrire un avis).

Alors pourquoi n’ai-je pas du tout réussi à entrer dans ce livre ? L’idée de revisiter l’histoire était plutôt séduisante, mais je me suis tout de suite perdue chez les Vikings, même quand ils sont arrivés en Amérique. La lutte fratricide entre les chefs Incas n’a pas réussi à me réveiller et, même si le débarquement des Incas au Portugal m’a rendu quelque espoir, les horreurs de la conquête de l’Espagne de l’Inquisition m’ont donné le coup de grâce. Il est vrai que les périodes et les zones géographiques évoquées ne sont pas celles qui me sont le plus familières.

Et c’est peut-être là que je trouverais une partie de l’explication à l’ennui qui m’a saisi pendant la lecture : je n’avais que peu de connaissances historiques sur les personnages concernés et par conséquent, aucun accès aux sous-entendus et à l’humour de l’auteur. Car, a contrario, si « La septième fonction du langage » m’a autant plu, je me rends compte aujourd’hui que c’est certainement parce que mes connaissances, même émoussées, en linguistique, sémiotique et philosophie, m’ont permis de débusquer tout ce qui était implicite et d’apprécier l’humour et le talent de Laurent Binet.

Mais il n’y a pas que cette explication, et là, c’est sans doute plus « grave » : ma lecture a été desservie par le support sur lequel j’ai lu le texte; retrouver un nom, une date ou un évènement n’est pas chose aisée sur la liseuse, beaucoup moins que dans un livre traditionnel, qu’il suffit de feuilleter, au gré de notre mémoire visuelle -on se souvient parfois de la disposition du paragraphe où l’on a lu la référence que l’on recherche-. Ici, c’est impossible. De la même façon, la liseuse permet difficilement de se situer dans la lecture (« 45% » du roman ne me dit pas grand-chose car je n‘appréhende déjà pas la consistance du texte entier lui-même…). Et dans « Civilizations », les noms et les événements sont nombreux et parfois compliqués, rendant souvent nécessaire le fait de se reporter aux pages précédentes.

Bref, j’ai entamé ma lecture de « Civilizations » en août 2019, je l’ai poursuivie poussivement en septembre et octobre entre d’autres livres et j’écris enfin cette chronique, parce qu’il le faut bien. Malheureusement, je ne pourrai guère vous en dire plus sur le roman (puisque vous l’avez compris, je n’en n’ai lu qu’une partie, indéfinissable à cause de la liseuse, et parce que cela fait déjà six mois).

Au-delà de la déception quant au roman, je m’interroge surtout sur le support : aurais-je apprécié davantage le roman de Laurent Binet en lisant un « vrai livre » ? Peut-être que cela n’a rien à voir et que, tout simplement, Erik le Rouge et Atahualpa ont eu raison de moi, et c’est dommage, car j’arrivais en Europe et à la Renaissance, au moment où le chef Inca allait lire « Le Prince » de Machiavel (d’après ce que j’ai appris dans une chronique enthousiaste), soit dans une période que je connais beaucoup mieux et qui m’aurait sans doute intéressée.

Mais comment sauter du texte avec ce fichu engin (oui, techniquement, je sais comment faire, mais comment parvenir exactement à la bonne page, au bon paragraphe, instinctivement, sans y passer deux heures…) ? Et puis, j’y retournerais bien jeter un coup d’œil maintenant, par curiosité, pour voir où l’auteur m’aurait emmenée mais… je ne peux pas reprendre le livre pour voir où j’ai laissé le signet… oui, je sais, il existe un signet électronique, mais j’oublie à chaque fois où le trouver et comment il fonctionne…

Pfff, vive le papier !!!

 

Civilizations, Laurent Binet, Gallimard, août 2019, Grand prix du roman de l’Académie française.

 

 

Du coup, cette lecture peut participer au challenge Objectif Pal chez Antigone.

 

L’Italie au miroir du roman, Denis Bertholet

« On ne rêve pas aujourd’hui comme naguère ou jadis » et cela s’illustre particulièrement dans les romans non-italiens qui se déroulent en Italie. En effet, depuis près de trois siècles, des romanciers français, anglais, allemands, scandinaves, russes, américains… ont choisi de situer leur action dans ce pays qui les fascine. L’Italie est un mythe, en littérature, comme dans d’autres arts et Denis Bertholet, historien, éditeur et enseignant, a choisi de nous offrir un panorama très réussi de ces romans.

« L’Italie au miroir du roman » retrace donc l’histoire littéraire moderne des romans situés en Italie et étudie de quoi est faite la fascination des auteurs pour ce pays longtemps idéalisé. Le point de départ de cet essai se situe au XVIIIème siècle, au moment où le Grand Tour était en vogue parmi les élites européennes et où le roman tel qu’on le connait actuellement a pris son essor. Selon les époques, l’Italie a été tour à tour simple toile de fond, puis « pays incertain peuplé d’êtres inquiétants », avant de devenir le lieu par excellence de l’idéal esthétique, puis de l’idéal amoureux. L’Italie est également synonyme de nostalgie, c’est « là-bas » qu’on a connu la passion, artistique ou amoureuse, et qu’on a découvert le paradis sur terre, lequel « ne saurait appartenir au présent ».

L’image de l’Italie, telle qu’elle apparaît dans les romans européens, est le reflet de l’histoire des idées : après l’idéalisation, viendra la désillusion. Ce lieu par excellence des voyages de noces ne peut tenir toutes ses promesses. De même, lorsque la guerre et le totalitarisme s’installent, l’espoir disparaît et l’Italie elle-même ne « constitue plus un moyen d’évasion ». Elle deviendra plus tard un endroit envahi de touristes ; et pourtant le rêve italien n’a pas totalement disparu puisque, comme le souligne Denis Bertholet, « l’Italie reste un pays vivant » pour quelques romanciers français du début de XXIème siècle (Philippe Besson, Claudie Gallay, Laurent Gaudé…).

L’ouvrage de Denis Berthollet est passionnant pour qui aime à la fois la littérature et l’Italie. Facile à lire, suivant un plan chronologique, il propose un grand choix d’œuvres de Ann Radcliffe, Sade, Goethe, Stendhal, Dumas, Forster, Thomas Mann, Proust, Musil, Sartre, Aragon, Duras, Déon, Sollers… Il m’a remémoré des livres que j’ai beaucoup appréciés, comme « Les petits chevaux de Tarquinia » de Marguerite Duras, « La modification » de Michel Butor, ou, plus léger, « Mort à la Fenice » de Donna Leon. Il m’a surtout donné beaucoup d’idées de lectures, parmi lesquels « Le bonheur fou » de Jean Giono, « Oublier Palerme » d’Edmonde Charles-Roux, « Europa » de Romain Gary, et « Villa Amalia » de Pascal Quignard …

Un grand merci à Babelio et aux éditions Infolio !

 

L’Italie au miroir du roman, Denis Bertholet, Infolio éditions, CH-Gollion, juillet 2019, 238 p.

 

 

Florence en VO, Annick Farina

De « l’afa », la chaleur humide qui caractérise Florence en été, aux « viola » de la Fiorentina, l’équipe de foot de la ville, c’est à partir d’une quarantaine de mots-clés qu’Annick Farina nous propose de découvrir la belle cité toscane et sa culture. L’auteure est professeure de langue et traduction françaises à l’Université de Florence, ce qui se ressent dans le choix des entrées de ce petit dictionnaire qui fait la part belle au lexique : on apprendra ainsi, anecdote à l’appui, que le terme « Inglesi » qui désigne les Anglais en italien a pu aussi faire référence aux étrangers en général, voire aux non-catholiques s’agissant du « Cimitero degli Inglesi » (cimetière des Anglais).

Des particularités historiques sont également mises en avant, comme lorsque Florence fut à la tête d’un Grand-Duché ou lorsqu’elle devint capitale de l’Italie peu après l’unification du pays en 1860. En filigranes, c’est donc toute l’histoire de l’Italie qui se dessine : l’apparition du « ghetto », « le mot et la pratique » à Venise, les conflits entre villes rivales qui persistent, comme entre Florence, Sienne et Pise, ou même le « Calcio Storico », né à Florence et ancêtre violent du football actuel.

J’ai aussi découvert avec plaisir le sens de la « métaphore meunière » et le folklore pittoresque de l’Academia della Crusca, laquelle servit de modèle à l’Académie française et dont les italianisants consultent aujourd’hui le site internet pour trouver des références linguistiques et culturelles.

Chacune des entrées est complétée par une référence littéraire à des textes aussi divers que « La science en cuisine et l’art de bien manger » de Pellegrino Artusi, « Morte a Firenze/ Mort à Florence », roman policier de Marco Vicchi qui se déroule dans une Florence dévastée par la grande inondation de 1966 (« l’alluvione ») ou « Cronache dei poveri amanti /Chroniques des pauvres amants » de Vasco Pratolini. On croise aussi des auteurs incontournables tels que Machiavel, Stendhal, Michel-Ange, Bocacce ou même John Keats, car si les extraits proposés sont souvent italiens, ils peuvent également être anglais, portugais, russes, danois… de quoi nous montrer l’universalité de l’intérêt pour la ville de Florence et nous donner de nombreuses idées de lecture.

Florence en VO est un guide thématique pour les amateurs de tourisme citadin mais pas seulement. Il est écrit pour celui qui s’intéresse à Florence, à la Toscane ou plus généralement à l’Italie, à son histoire et sa culture et qui dégustera ce guide petit à petit, une entrée à la fois, même chez lui, loin de ce berceau de la Renaissance, du Ponte Vecchio et des fontaines de Boboli.

 

Florence en VO, Annick Farina, Editions Atlante, 2019, 187 p.

 

Je remercie Babelio et les éditions Atlante de m’avoir permis de découvrir ce guide passionnant qui fait d’ailleurs partie d’une série : les villes en VO.

 

 

 

 

Bleu de Prusse, Philip Kerr

 

Philip Kerr est l’auteur de nombreux polars et sa trilogie berlinoise a remporté un grand succès dans les années 2000, le poussant à se consacrer à l’écriture à plein temps. Il s’agissait là des premières enquêtes de Bernie Gunther, qui s’inscrivent toutes dans le cadre de l’Allemagne nazie.

« Bleu de Prusse » est le douzième épisode de cette série et il se déroule alternativement sur deux périodes, 1939 et 1956. Pas besoin d’avoir lu les épisodes précédents pour apprécier cette aventure passionnante du point de vue historique : c’est d’ailleurs avec ce douzième tome que j’ai fait connaissance avec le flic berlinois Bernie Gunther et avec l’auteur, Philip Kerr, et ce fut une rencontre réussie.

Bernie Gunther est envoyé à Berchtesgaden pour résoudre un meurtre qui a été commis sur la terrasse du Berghof, le fameux « nid d’aigle », la résidence d’Hitler située dans les Alpes bavaroises.  Un ingénieur y a en effet été assassiné d’une balle tirée des montagnes environnantes. La sécurité du Führer, qui est attendu au Berghof afin de fêter son cinquantième anniversaire, est en jeu. Gunther n’a donc que sept jours pour découvrir le coupable, sans commettre aucune indiscrétion, car Hitler ne doit pas être mis au courant de ce qui s’est passé.

Sous l’autorité de chefs nazis tous plus compromis les uns que les autres, Gunther va enquêter méthodiquement, fort d’une expérience qui seule peut le tirer de ce mauvais pas : nombreux sont ceux en effet que ses découvertes gênent et qui l’attendent au tournant… mais le lecteur sait que Gunther s’en sortira pour cette fois, puisque le récit alterne les chapitres qui se déroulent en 1939 à Berchesgaden et ceux qui évoquent la fuite de Gunther en 1956, alors qu’il refuse une mission que lui confie la Stasi, police est-allemande qui veut l’obliger à commettre un empoisonnement, et qu’il fuit sa planque au Cap Ferrat pour essayer de retrouver la sécurité de la récente Allemagne Fédérale.

Malgré quelques longueurs, ce roman est particulièrement intéressant parce qu’il évoque les rivalités et contradictions des polices qui ont coexisté dans l’Allemagne nazie, puis qui se sont succédé d’un régime extrémiste à l’autre. On découvre aussi le détail de certaines malversations nazies moins connues, comme les nombreuses expropriations qui ont eu lieu à Berchtesgaden afin d’offrir une résidence secondaire aux dignitaires du régime nazi. Quant à Bernie Gunther, c’est un personnage insolent qui se trouve toujours sur le fil du rasoir et qui s’en sort souvent in extremis grâce à un instinct de survie au-delà du commun et qui se distingue par son humanité. Une série que je ne manquerai pas de découvrir en la reprenant cette fois, par le début !

 

Bleu de Prusse, Une aventure de Bernie Gunther, Philip Kerr, traduit de l’anglais par Jean Esch, Editions Points policier n°P4965, février 2019, 664 p.

 

Roman lu dans le cadre du challenge polars et thrillers chez Sharon. et du challenge Objectif Pal chez Antigone.

Le guide des châteaux de la Loire en bandes dessinées

 

Les éditions Petit à petit publient une série de guides d’un genre nouveau, puisqu’ils racontent en bandes dessinées des anecdotes historiques sur la région à laquelle ils sont consacrés. Le « Guide des châteaux de la Loire en bandes dessinées » en fait partie et j’ai pu le découvrir grâce à l’opération masse critique de Babelio que je remercie, ainsi que les éditions Petit à petit.

Les aspects positifs qui caractérisent ce guide sont nombreux ; j’ai ainsi apprécié la richesse du contenu : vingt-cinq châteaux sont présentés, tandis que quelques autres sont évoqués. Chaque château fait l’objet d’une présentation rapide avec photo, situation sur la carte et origine du château. Puis une bande dessinée raconte sur trois planches une anecdote relative au lieu. Une double page est ensuite consacrée aux points forts du château, à ce qui est « à voir absolument » aux alentours de celui-ci, le tout sous forme de brèves.

J’ai aimé la diversité des informations, historiques, géographiques, artistiques, culturelles, culinaires ou tout simplement touristiques. Les références littéraires et cinématographiques donnent envie de prolonger la découverte. On apprend aussi que l’on peut désormais découvrir les châteaux de la Loire autrement : à vélo bien sûr, mais aussi à cheval, ou plus sportif, en participant au tout nouveau trail des châteaux de la Loire ! Bref, le guide est une mine d’idées.

 

Quant aux bandes dessinées, elles sont très éclectiques puisque chacune est l’œuvre d’un dessinateur différent : ceux-ci sont présentés à la fin de l’ouvrage dans une courte biographie qui renseigne également leur page Facebook ou le site sur lequel on peut découvrir leur travail.

Au total, un guide très intéressant, plutôt fait pour préparer -ou prolonger- un voyage que pour glisser dans le sac, en raison de son poids et sa couverture rigide, mais qui intéressera toute la famille !

 

Guide des châteaux de la Loire en bandes dessinées, Editions Petit à petit, avril 2019, 159 p.