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Voyage au royaume de Naples, Dominique Vivant Denon

Peu avant mon voyage à Naples, et pour changer des nombreux guides que j’ai consultés, je me suis plongée dans un ouvrage écrit en 1778 par Dominique Vivant Denon. Né en 1747, ce dernier est connu pour avoir été le premier directeur du Musée du Louvre. Il fut aussi graveur, diplomate et écrivain. Il est l’auteur, entre autres, de récits de voyages en Italie ainsi qu’en Egypte. Il connaissait bien Naples où il avait passé plusieurs années en tant que secrétaire d’ambassade.

Après une rapide évocation des premiers jours de son « Voyage au royaume de Naples », de Marseille en Toscane, d’abord en bateau puis à pied, l’auteur nous invite à visiter la grande cité parthénopéenne de l’époque. La rue de Tolède, grande artère commerçante actuelle, est alors le lieu de résidence de la noblesse. En arrivant sur le port, nous découvrons le Castel dell’Ovo. La rade de Naples nous est présentée comme le plus grand port de l’univers. Il y a aussi à Naples « la plus belle chartreuse de l’univers ».

On note la « grande affluence », la « vivacité », les « embarras » car, « de toutes les villes de l’univers, Naples est celle où il y a le plus de voitures ». L’auteur critique le ridicule des obélisques, mais aussi le but incertain que poursuivent les voyageurs. Il souligne la paresse des napolitains et la jalousie qui les anime, mais il évoque aussi la légèreté et la gaieté qui les caractérisent. Il nous parle des crèches napolitaines, nous décrit le culte des morts. 

Enfin, Dominique Vivant Denon nous emmène à la découverte des environs de Naples, au pied du Vésuve, à Pompéi, Herculanum, puis dans les îles, et notamment sur l’île de Caprée -l’actuelle Capri-, et dans les mystérieux Champs Phlégréens.  Il dit de Caserta : « Je trouvai ce lieu fort triste ». Il termine son itinéraire en descendant de Naples à Reggio de Calabre, en passant par la Pouille, puis il se rend en Sicile, avant de rentrer en bateau à Naples.  Voilà un ouvrage passionnant, riche en références à l’antiquité romaine et aux auteurs latins, qui nous fait voyager dans l’espace et dans le temps.

 

Voyage au royaume de Naples, Dominique Vivant Denon, Préface de Pierre Rosenberg, Editions Perrin, 1997, 309 p.

 

Participation au challenge objectif Pal chez Antigone.

Histoire de Rome, de Pierre Grimal

histoire de Rome GrimalLorsque mon fils est rentré de l’école avec un devoir très intéressant, lire l’ « Histoire de Rome », de Pierre Grimal, cela m’a rappelé les années passées à m’acharner sur des thèmes et versions, et ce qu’il en reste aujourd’hui : outre certaines compétences linguistiques, un intérêt particulier pour tout ce qui touche à l’Antiquité, pour mon plus grand plaisir.

Je me suis donc plongée la première dans l’ouvrage de celui qui est encore aujourd’hui l’un des plus grands spécialistes français de cette période. Pierre Grimal fut en effet professeur de littérature à la Sorbonne, membre de l’Institut et membre de l’Ecole française de Rome. Décédé en 1996, il a laissé de nombreux livres sur la civilisation romaine, dont certains ont été publiés à titre posthume, comme cette « Histoire de Rome » qui constitue une excellente introduction à l’étude de cette période.

En guère plus de cent cinquante pages, l’auteur dresse un panorama historique de la question, de la fondation de Rome par Romulus -après la victoire sur sa rivale Albe-La-Longue- à la Royauté puis, pendant plus de quatre siècles, il décrit la République avant de nous raconter la mise en place de l’Empire, jusqu’à la chute de ce dernier. Peu de dates, mais les grandes étapes de la vie politique, militaire et sociale de Rome, le tout raconté comme s’il s’agissait d’un roman, avec en plus, la caution scientifique de Pierre Grimal.

Le livre de Pierre Grimal représente une bonne entrée en matière pour celui qui désire étudier l’Antiquité romaine ou avoir simplement un aperçu de l’histoire de Rome. Je le conseillerai à partir de quatorze ans, voire un plus tôt pour les férus d’histoire. En ce qui me concerne, cette « Histoire de Rome » m’a rappelé de nombreux épisodes jusque-là oubliés comme l’enlèvement des Sabines, les guerres puniques ou la traversée des Alpes par Hannibal et ses éléphants, ainsi que beaucoup de noms qui sonnent pour moi comme autant de petites madeleines : Scipion l’Africain, Cicéron et la conjuration de Catilina…

L’on retrouve également, dans certaines évocations de l’auteur, des similitudes entre l’Antiquité romaine et notre époque, preuve s’il en fallait, que l’histoire se répète et que son étude n’en est que plus nécessaire…

 

Histoire de Rome, Pierre Grimal, Editions Mille et une nuits,  Paris, mai 2013, 160p.

 

Livre lu dans le cadre du challenge Il viaggio chez Eimelle, (décembre : l’Antiquité), et du challenge « Un giro a Roma » du blog Taralli e Zaletti.

challenge italie

un giro a Roma

Quattrocento, l’histoire d’une redécouverte

Quattrocento GreenblattFasciné par les idées développées par le poète latin Lucrèce dans une œuvre écrite il y a deux millénaires, Stephen Greenblatt a choisi de nous raconter un épisode peu connu de l’histoire mais néanmoins décisif pour son évolution, celui de la découverte par Poggio Bracciolini d’un livre jusque là perdu. Perdu ou plus exactement oublié, même s’il avait fait l’objet d’un intérêt particulier à plusieurs reprises pendant le Moyen Age, l’héritage culturel de l’Antiquité n’ayant jamais totalement disparu pendant cette période.

Au XVème siècle, « il quattrocento » en italien, Poggio Bracciolini, ou Le Pogge, a perdu depuis peu son poste de secrétaire apostolique du pape Jean XXIII, parce que ce dernier vient d’être déposé, -au moment du grand schisme d‘occident-, et décide donc de se lancer dans la recherche d’anciens manuscrits. C’est ainsi qu’en 1417, il découvre une copie du « De Natura Rerum » (De la nature) de Lucrèce, la fait copier et l’envoie à Florence pour qu’elle y soit diffusée.

La découverte de cette copie marque le début d’un nouvel intérêt pour l’épicurisme, philosophie dont Lucrèce s’inspire largement et qui, d’après Greenblatt, a sûrement nourri les esprits ouverts de la Renaissance ; car si le « De Natura Rerum » a d’abord été très faiblement diffusé puis interdit à Florence en 1516, il avait déjà été imprimé ailleurs, l’invention de Gütenberg s’étant déjà répandue à travers l’Europe. Lucrèce et Epicure ont ainsi influencé la vie intellectuelle de la Renaissance : l’auteur nous apprend, entre autres, que Machiavel a recopié « De Natura Rerum » pour son usage personnel, que l’œuvre de Lucrèce a été à la base de « L’utopie » de Thomas More, et que Montaigne s’en est inspiré.

Stephen Greenblatt évoque également les scientifiques brillants qui ont remis en question les croyances de l’époque, proposant une nouvelle vision de la nature des choses. Lucrèce remet en effet en lumière l’un des principes de la physique épicurienne : « rien ne nait de rien, rien ne retourne au néant ». Pour Lucrèce, tout est constitué d’atomes, dont le mouvement a donné lieu à toutes sortes de combinaisons, d’où le monde est né.

Au-delà de la belle histoire de cette redécouverte de l’héritage de l’Antiquité, « Quattrocento » nous apprend beaucoup. Nous faisons d’abord connaissance avec Poggio Bracciolini qui évoluait dans l’univers sombre et cruel de la curie romaine, dont les abus l’avaient fait souffrir, mais qui fut sauvé par sa bibliophilie, les livres ayant toujours représenté pour lui une échappatoire. Le Pogge se disait d’ailleurs libre de lire, de «s’abstraire mentalement du chaos du monde». Nous apprenons également que nous devons au Pogge une calligraphie encore admirée six siècles après son invention. Nous faisons connaissance avec Niccoli, ami du Pogge, qui partageait sa passion pour les textes de l’Antiquité et ressuscita le concept de bibliothèque publique, fondé sur le modèle romain. Enfin, l’auteur nous expose les principaux thèmes de la philosophie de Lucrèce, elle-même inspiré du grec Epicure.

« Quattrocento » est un livre érudit qui nous emmène tour à tour de la Rome antique avec ses copistes et ses scribes (les premiers étaient généralement des esclaves, les seconds des citoyens libres), à la grande bibliothèque d’Alexandrie, aux monastères européens du Moyen Age, jusqu’aux intrigues du pape contesté, Baldassare Cossa, et à la Florence de Savonarole, pour finir dans la philosophie de Thomas Jefferson (Président des Etats-Unis et rédacteur de la Déclaration d’indépendance).

À une époque où l’étude des langues anciennes est souvent remise en question, Stephen Greenblatt nous fait partager sa fascination pour Lucrèce en nous donnant envie de nous plonger, ou de nous replonger, pour ceux qui ont fait du latin, dans le traité de Lucrèce  « De la nature ». Un livre à ne pas manquer, un de mes coups de cœur de l’année 2013, aujourd’hui disponible en édition de poche !

 

 

Stephen Greenblatt est professeur de littérature anglaise à l’université d’Harvard et membre de l’Académie américaine des arts et des sciences. « Quattrocento », publié en 2011 aux Etats-Unis, a reçu le Prix Pulitzer et le National Book Award, deux des plus grands prix littéraires américains.

Quattrocento, Stephen Greenblatt, traduit de l’anglais par Cécile Arnaud, Flammarion, collection Libres champs Poche, Paris, mars 2015.

 

Livre lu dans le cadre du challenge histoire, chez Lynnae

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