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Les somnambules, Gilda Piersanti

 

   J’ai découvert Gilda Piersanti avec « Roma enigma » et « Vengeances romaines » qui font partie d’une série intitulée « Les saisons meurtrières ». L’attrait principal de cette série d’enquêtes, si l’on excepte l’intrigue et les deux policières, tenait pour moi à la façon dont l’auteure évoquait différents aspects politiques et sociaux de la société italienne contemporaine. Et c’est ce que j’ai retrouvé dans « Les somnambules », polar « unique » puisqu’il ne fait pas partie d’une série.

   « Les somnambules », ce sont notamment -car on peut voir une autre signification à ce titre- les trois protagonistes principaux de ce roman : Dario, Massimo et Gabriele, trois hommes occupant une place de choix dans la société : Gabriele est médecin, Massimo a créé une entreprise très prospère, et Dario est Ministre de l’Intérieur ! Tous les trois sont amis depuis longtemps, mais à des degrés divers, car l’intérêt est à la base de leurs relations dictées par Dario qui, sans conteste, mène la danse.  Adolescents, ils évoluaient dans le même milieu et se retrouvaient chaque année au bord de la mer où leur famille avait une résidence secondaire. Et c’est là qu’est survenu un événement dramatique qui a marqué leur vie à tout jamais et dont ils étaient responsables. Un crime resté impuni, qu’ils ont enfoui dans leurs souvenirs et qu’ils pensaient bien, vingt-cinq ans plus tard, ne jamais voir ressurgir.

   Je ne vous dévoile rien de plus que ce que la quatrième de couverture révèle au lecteur et, même si j’ai regretté au début de ma lecture de savoir que ce crime impuni était central dans le roman, je me suis vite rendu compte que je l’aurais deviné très rapidement et que cela ne gênait en rien le suspense mis en place par l’auteure. En effet, l’essentiel du roman repose sur la fuite en avant qui va mener les trois hommes et leur famille respective dans un engrenage irréversible. Le suspense est maintenu jusqu’aux dernières pages et l’on suit avec plaisir et horreur les protagonistes dans une descente aux enfers autour des manipulations les plus noires et cyniques. Il y a aussi quelques personnages féminins intéressants, comme Flora, Alice et surtout Valentina, dont le rôle s’avère décisif.  

   Gilda Piersanti, franco-italienne qui vit à Paris et écrit en français depuis longtemps, est une fine observatrice de la société italienne dont elle évoque les excès. Ici, on navigue dans des milieux aisés romains où la réussite sociale est primordiale. L’auteure est également scénariste et cela se sent dans ses polars qui sont assez visuels et comportent un bon nombre de dialogues et de rebondissements qui nous embarquent pour plusieurs heures de lecture. Enfin, j’ai particulièrement apprécié les analyses psychologiques assez fouillées qui permettent de donner beaucoup d’épaisseur aux personnages et d’évoquer des questions comme le pouvoir et la relation d’emprise psychologique. « Les somnambules », comme les autres romans de Gilda Piersanti, est donc un polar intéressant à plus d’un titre !

 

Les somnambules, Gilda Piersanti, éditions Le Passage, collection Ligne noire, mars 2021, 320 pages.

 

Participation au challenge Polars et thrillers 2020-21 chez Sharon.

Masse critique Babelio

Conclave, Robert Harris

Robert Harris est un ancien journaliste qui s’est tourné vers la fiction avec beaucoup de succès puisqu’il est l’auteur de plusieurs best-sellers. Pour son avant-dernier livre, il a eu l’excellente idée de situer l’action au sein du conclave, cette assemblée de cardinaux chargés d’élire un nouveau pape. Et c’est d’un véritable roman policier dont il s’agit, sans aucun cadavre, mais avec un suspense très prenant, jusqu’au moment final où la petite fumée blanche indique au monde entier, suspendu aux informations télévisées, qu’un nouveau pape a été choisi.

Dans « Conclave », nous découvrons le microcosme du Vatican et plus particulièrement celui de la curie romaine, avec toute sa hiérarchie, depuis le Secrétaire d’Etat, bras droit du pape, jusqu’aux petites mains, auxquelles personne ne prête attention, comme les sœurs qui servent les repas dans le roman. C’est au doyen des cardinaux que revient la tâche de réunir l’ensemble des cardinaux âgés de moins de quatre-vingt ans, puis de diriger les travaux du conclave, et le cardinal Lomeli s’en charge dès qu’il apprend la mort du Pape. Peu à peu, les cardinaux arrivent à Rome, ils s’installent puis, pendant des jours et des jours, ils ont pour seule occupation, entre deux tours de vote, de méditer et de prier, de contempler le magnifique plafond de la chapelle Sixtine et de lire des passages du Nouveau Testament, seul texte écrit autorisé dans la chapelle.

Parmi les cardinaux, il y a les « papables » (de l’italien « papabile »), ceux qui ont le plus de probabilités d’être élus et qui souvent n’attendent que cela, il y a ceux qui espèrent ne pas être choisis, et ceux qui s’en remettent à Dieu… Mais ce n’est pas si simple que cela, beaucoup changent d’avis au cours du conclave, il y a des campagnes menées plus ou moins secrètement, et comme dans tout ce qui est humain, tout un lot de trahisons, intrigues de couloir, mensonges, manipulations… A cela s’ajoute la présence d’un mystérieux nouveau cardinal, Monseigneur Benitez, nommé secrètement par le défunt pape, quelques jours avant sa mort.

Dans un roman très documenté, Robert Harris réussit à nous intéresser à la procédure, il nous explique les règles, les exceptions, et parvient à construire un véritable suspense autour de la figure très attachante du cardinal-doyen Lomeli, un homme sensible, intelligent, honnête, et qui, pétri de doutes, se sent différent de l’image que les autres perçoivent de lui. Lomeli cherche avant tout à mener à bien sa mission, il est attentif à ce qui se passe vraiment au fond de lui, ayant très peur de désirer inconsciemment être pape.

Un roman à rapprocher du très beau film de Nanni Moretti, Habemus papam, qui s’intéresse à la lourde charge du pape et aux doutes qui en découlent, mais ici, c’est davantage le suspense qui prime !

Conclave, Robert Harris, traduit de l’anglais par Nathalie Zimmermann, Pocket n°17035, octobre 2018, 384 p.

 

Livre lu dans le cadre du challenge Objectif Pal chez Antigone et du challenge Polars et thrillers chez Sharon.


Là où l’histoire se termine, Alessandro Piperno

C’est le premier roman d’Alessandro Piperno que je lis et il est vrai que j’en attendais beaucoup, de par les critiques que j’avais lues au sujet de cet auteur. L’impression est pourtant mitigée : intéressant, le roman l’est par de nombreux côtés, notamment par la peinture qu’il offre d’une classe supérieure décadente, incapable de donner un nouveau souffle à sa vie. Mais pendant les trois quarts du roman, on se demande où l’auteur nous emmène et cela m’a paru un peu long. D’autant qu’il est difficile d’éprouver de la sympathie pour les personnages.

En effet, qu’il s’agisse de Matteo que l’on ne peut que détester, de ses enfants que l’on comprend pourtant dans leur refus de faire la paix avec leur père, mais dont le comportement superficiel est plus que discutable, de l’amitié trouble de Martina avec sa belle-sœur et amie, de son mariage (comment une fille de ce milieu a-t-elle pu se marier si jeune, sans conviction ?), des beaux-parents ou même de Lorenzo, il est difficile de s’attacher aux personnages. Il n’y a guère que pour Federica, l’épouse officielle de Matteo, que j’aie éprouvé quelque chose, mais il s’agissait plutôt de pitié…

La famille élargie dans laquelle nous entrons n’a en commun que Matteo, père bigame, voire polygame, qui a quitté l’Italie quinze ans auparavant pour échapper à de nombreuses dettes, abandonnant au passage femme et enfants.  De retour au pays, il espère renouer avec sa famille, mais à part Federica, prête à passer l’éponge (pour de mauvaises raisons), personne ne s’intéresse à Matteo dont le roman parle finalement très peu. Quant aux autres personnages, ils sont tourmentés, et l’on aimerait que l’auteur nous en dise davantage sur leur histoire, leur ressenti, les raisons profondes.

En s’intéressant à tous, Alessandro Piperno ne s’attache à personne en particulier et c’est un peu frustrant. Des souvenirs sont évoqués, certes, mais il m’a semblé que le portrait psychologique de chacun manquait de profondeur. C’est le cas dans de nombreux romans qui fonctionnent très bien, mais le sujet aurait mérité que l’on approfondisse, d’autant qu’il ne se passe rien jusqu’à quelques pages de la fin du roman.

C’est en effet « là où l’histoire se termine » que le roman prend son sens, devant l’ampleur de la catastrophe à laquelle le lecteur ne pouvait s’attendre. Il peut alors interpréter de différentes façons la vie des personnages, ou alors ne pas chercher d’explications et s’en tenir à la question de savoir si la vie n’est qu’une farce dans laquelle chacun se débat… Chacun choisira ! Le cynisme qui se dégage de ce roman n’est pas forcément négatif, il dérange certes, mais interpelle aussi.

Là où l’histoire se termine, Alessandro Piperno, Editions Liana-Levi, Paris, août 2017, 297 p.

 

Challenge 1% de la rentrée littéraire 2017, semaine italienne chez Martine, challenge Il viaggio.

 

Le piéton de Rome, Dominique Fernandez

PR_FERNANDEZ.inddJ’ai découvert Dominique Fernandez par le magnifique roman biographique qu’il a consacré au Caravage, « La course à l’abîme ». Auteur très prolifique, Dominique Fernandez a également publié de nombreux essais et récits de voyage, dont beaucoup sont consacrés à l’Italie. « Le piéton de Rome » fait partie de ces derniers et reprend l’album intitulé tout simplement « Rome » que l’auteur avait publié en 2005, en l’enrichissant de souvenirs personnels. « Le piéton de Rome » est donc un « portrait-souvenir » à l’écriture élégante, dans lequel l’auteur nous livre sa vision de la capitale italienne qu’il arpente régulièrement depuis plusieurs décennies.

 

« ROMA est l’exacte inverse d’AMOR. Rome est à la fois un lieu où l’on aime et un objet d’amour. Personne ne peut ne pas aimer Rome ».

 

Animé par une passion inébranlable, l’auteur nous transmet son amour pour Rome tout au long de chapitres consacrés à la Rome antique, au Tibre, aux collines, villas et jardins, au Vatican… J’ai été particulièrement intéressé par son évocation de la société littéraire romaine et des déjeuners d’écrivains, bien sûr ! Dominique Fernandez y dresse un tableau haut en couleurs de la Rome des écrivains de la fin des années cinquante, période de la dolce vita qui fut très productive pour la littérature italienne : on croise ainsi Alberto Moravia, Pier Paolo Pasolini, Giorgio Bassani, et bien d’autres encore…

Pour le reste, qui constitue la majeure partie du livre, « Le piéton de Rome » est à lire sur place, pour préparer ou prolonger une visite historique et culturelle de la ville éternelle. Mieux qu’un guide, un ensemble de promenades érudites, comme l’itinéraire Caravage ou l’itinéraire Bernin, pour flâner intelligemment !

 

Le piéton de Rome, Dominique Fernandez, Editions Philippe Rey, Paris, Photos de Ferrante Ferranti, Paris, 2015, 229p.

 

Livre lu dans le cadre du challenge « Il viaggio » chez Eimelle et du challenge « Un giro a Roma » chez Taralli e Zaletti.

Challenge romantique

un giro a Roma

Histoire de Rome, de Pierre Grimal

histoire de Rome GrimalLorsque mon fils est rentré de l’école avec un devoir très intéressant, lire l’ « Histoire de Rome », de Pierre Grimal, cela m’a rappelé les années passées à m’acharner sur des thèmes et versions, et ce qu’il en reste aujourd’hui : outre certaines compétences linguistiques, un intérêt particulier pour tout ce qui touche à l’Antiquité, pour mon plus grand plaisir.

Je me suis donc plongée la première dans l’ouvrage de celui qui est encore aujourd’hui l’un des plus grands spécialistes français de cette période. Pierre Grimal fut en effet professeur de littérature à la Sorbonne, membre de l’Institut et membre de l’Ecole française de Rome. Décédé en 1996, il a laissé de nombreux livres sur la civilisation romaine, dont certains ont été publiés à titre posthume, comme cette « Histoire de Rome » qui constitue une excellente introduction à l’étude de cette période.

En guère plus de cent cinquante pages, l’auteur dresse un panorama historique de la question, de la fondation de Rome par Romulus -après la victoire sur sa rivale Albe-La-Longue- à la Royauté puis, pendant plus de quatre siècles, il décrit la République avant de nous raconter la mise en place de l’Empire, jusqu’à la chute de ce dernier. Peu de dates, mais les grandes étapes de la vie politique, militaire et sociale de Rome, le tout raconté comme s’il s’agissait d’un roman, avec en plus, la caution scientifique de Pierre Grimal.

Le livre de Pierre Grimal représente une bonne entrée en matière pour celui qui désire étudier l’Antiquité romaine ou avoir simplement un aperçu de l’histoire de Rome. Je le conseillerai à partir de quatorze ans, voire un plus tôt pour les férus d’histoire. En ce qui me concerne, cette « Histoire de Rome » m’a rappelé de nombreux épisodes jusque-là oubliés comme l’enlèvement des Sabines, les guerres puniques ou la traversée des Alpes par Hannibal et ses éléphants, ainsi que beaucoup de noms qui sonnent pour moi comme autant de petites madeleines : Scipion l’Africain, Cicéron et la conjuration de Catilina…

L’on retrouve également, dans certaines évocations de l’auteur, des similitudes entre l’Antiquité romaine et notre époque, preuve s’il en fallait, que l’histoire se répète et que son étude n’en est que plus nécessaire…

 

Histoire de Rome, Pierre Grimal, Editions Mille et une nuits,  Paris, mai 2013, 160p.

 

Livre lu dans le cadre du challenge Il viaggio chez Eimelle, (décembre : l’Antiquité), et du challenge « Un giro a Roma » du blog Taralli e Zaletti.

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un giro a Roma

Le printemps romain de Mrs Stone, Tennessee Williams

Le printemps romain de Mrs Stone

Pour ma dernière participation au mois américain de Titine, j’ai choisi de relire un court roman classique de Tennessee Williams. Auteur connu pour ses pièces de théâtre, « Un tramway nommé désir » et « La chatte sur un toit brulant », Tennessee Williams fut aussi romancier. C’est en 1950 qu’il publie « Le printemps romain de Mrs stone », excellent roman psychologique qui met en scène une ancienne actrice américaine encore très belle, qui s’interroge sur son passé et sa carrière d’actrice, mais aussi son avenir, dans cette Rome mondaine où elle s’est installée après la mort de son mari.

Riche héritière, elle traîne son ennui entre ses nouveaux amis italiens, quelques expatriés américains qu’elle rencontre de temps à autres, et enfin, le beau Paolo qu’elle a rencontré grâce à la Contessa, une aristocrate italienne qui arrondit ses fins de mois en présentant à de riches héritières comme Mrs Stone, de jeunes gigolos italiens sans le sou. L’amour est-il possible entre ces deux personnages que tout oppose ?

Tennessee Williams décrit à merveille le désir de cette femme vieillissante qui part « à la dérive » et l’immoralité de relations fondées sur l’argent, où personne ne trouve son compte finalement. « Le printemps romain de Mrs Stone » ne durera qu’une saison, avant de l’entraîner vers l’inexorable hiver de l’amour qu’elle redoutait tant.

 

Le printemps romain de Mrs Stone, Tennessee Williams, traduit de l’américain par Jacques et Jean Tournier, Editions 10/18, Paris, 1985, 176 p.

 

Livre lu dans le cadre du mois américain chez Titine et du Challenge Un classique par mois chez Stephie.

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Challenge un classique par mois