Où il est question de « Civilizations » de Laurent Binet et de ma fichue liseuse…

 

Généralement, lorsque je n’ai pas du tout aimé un roman, mon choix est de ne pas en parler et c’est pourquoi vous lisez sur ce blog une grande majorité d’avis positifs. Parce que la lecture est une expérience profondément subjective et que l’expérience m’a montré que mon avis, même argumenté et nuancé, est parfois reçu de façon « raccourcie », et surtout parce que je respecte trop le travail de l’auteur pour me permettre de l’éreinter. Il n’en va pas de même dans ce cas précis, puisque je n’ai pas le choix et que la mise à disposition d’un roman par certains sites exige en retour l’envoi d’une chronique, quoi qu’il en soit, avis que j’ai décidé de partager ici, puisqu’il pose aussi la question de l’influence du support sur la lecture.

Alors, autant aller droit au but :  je n’ai pas du tout aimé le dernier roman de Laurent Binet, et cela m’a d’autant plus désorientée que j’avais beaucoup apprécié « Hhhh » et adoré « La septième fonction du langage ». En ce qui qui concerne « Civilizations », je n’ai pas réussi à finir ce roman, bien que je m’y sois efforcée à plusieurs reprises. Quand une lecture devient à ce point fastidieuse, il vaut mieux finalement l’abandonner (ce que j’aurais fait beaucoup plus vite si je n’avais pas été obligée d’écrire un avis).

Alors pourquoi n’ai-je pas du tout réussi à entrer dans ce livre ? L’idée de revisiter l’histoire était plutôt séduisante, mais je me suis tout de suite perdue chez les Vikings, même quand ils sont arrivés en Amérique. La lutte fratricide entre les chefs Incas n’a pas réussi à me réveiller et, même si le débarquement des Incas au Portugal m’a rendu quelque espoir, les horreurs de la conquête de l’Espagne de l’Inquisition m’ont donné le coup de grâce. Il est vrai que les périodes et les zones géographiques évoquées ne sont pas celles qui me sont le plus familières.

Et c’est peut-être là que je trouverais une partie de l’explication à l’ennui qui m’a saisi pendant la lecture : je n’avais que peu de connaissances historiques sur les personnages concernés et par conséquent, aucun accès aux sous-entendus et à l’humour de l’auteur. Car, a contrario, si « La septième fonction du langage » m’a autant plu, je me rends compte aujourd’hui que c’est certainement parce que mes connaissances, même émoussées, en linguistique, sémiotique et philosophie, m’ont permis de débusquer tout ce qui était implicite et d’apprécier l’humour et le talent de Laurent Binet.

Mais il n’y a pas que cette explication, et là, c’est sans doute plus « grave » : ma lecture a été desservie par le support sur lequel j’ai lu le texte; retrouver un nom, une date ou un évènement n’est pas chose aisée sur la liseuse, beaucoup moins que dans un livre traditionnel, qu’il suffit de feuilleter, au gré de notre mémoire visuelle -on se souvient parfois de la disposition du paragraphe où l’on a lu la référence que l’on recherche-. Ici, c’est impossible. De la même façon, la liseuse permet difficilement de se situer dans la lecture (« 45% » du roman ne me dit pas grand-chose car je n‘appréhende déjà pas la consistance du texte entier lui-même…). Et dans « Civilizations », les noms et les événements sont nombreux et parfois compliqués, rendant souvent nécessaire le fait de se reporter aux pages précédentes.

Bref, j’ai entamé ma lecture de « Civilizations » en août 2019, je l’ai poursuivie poussivement en septembre et octobre entre d’autres livres et j’écris enfin cette chronique, parce qu’il le faut bien. Malheureusement, je ne pourrai guère vous en dire plus sur le roman (puisque vous l’avez compris, je n’en n’ai lu qu’une partie, indéfinissable à cause de la liseuse, et parce que cela fait déjà six mois).

Au-delà de la déception quant au roman, je m’interroge surtout sur le support : aurais-je apprécié davantage le roman de Laurent Binet en lisant un « vrai livre » ? Peut-être que cela n’a rien à voir et que, tout simplement, Erik le Rouge et Atahualpa ont eu raison de moi, et c’est dommage, car j’arrivais en Europe et à la Renaissance, au moment où le chef Inca allait lire « Le Prince » de Machiavel (d’après ce que j’ai appris dans une chronique enthousiaste), soit dans une période que je connais beaucoup mieux et qui m’aurait sans doute intéressée.

Mais comment sauter du texte avec ce fichu engin (oui, techniquement, je sais comment faire, mais comment parvenir exactement à la bonne page, au bon paragraphe, instinctivement, sans y passer deux heures…) ? Et puis, j’y retournerais bien jeter un coup d’œil maintenant, par curiosité, pour voir où l’auteur m’aurait emmenée mais… je ne peux pas reprendre le livre pour voir où j’ai laissé le signet… oui, je sais, il existe un signet électronique, mais j’oublie à chaque fois où le trouver et comment il fonctionne…

Pfff, vive le papier !!!

 

Civilizations, Laurent Binet, Gallimard, août 2019, Grand prix du roman de l’Académie française.

 

 

Du coup, cette lecture peut participer au challenge Objectif Pal chez Antigone.

 

10 réflexions sur “Où il est question de « Civilizations » de Laurent Binet et de ma fichue liseuse…

  1. Eh oui je n ai pas lu ce livre , mais la liseuse a un cote uniquement pratique …..j en ai une depuis tres longtemps et je me rends compte que je reviens de plus en plus au livre papier

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  2. Je pense que tu l’aurais davantage apprécié en version papier. Je viens de faire l’expérience avec le dernier roman de Chigozie Obioma. J’adore cet auteur et son univers mais je peine à lire plus de dix pages sur écran. Sur ma tablette, le livre fait plus de 1000 pages ( alors qu’il n’en fait que la moitié) et je n’avance pas deux fois plus vite. Finalement, je l’ai mis en pause depuis un mois. Il ne me reste plus qu’à acheter la version papier!

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  3. POur ma part j’ai trouvé ce texte intéressant intellectuellement (j’aime énormément l’Histoire, et les thèmes, noms, thèses etc m’étaient familiers, (un peu comme ta lecture du livre sur le langage). Par contre j’ai trouvé que c’était totalement anti-romanesque. Donc, oui, parfois fastidieux à lire.

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  4. Je déteste également lire sur liseuse, si ce n’est de très très courts textes. Les quelques rares romans conséquents que j’ai entamés dessus me sont toujours tombés des mains et je ne crois pas aux coïncidences, du moins pas à ce point-là. Clairement, la liseuse est pour beaucoup dans l’opinion défavorable d’un livre lu par son biais, en tout cas pour moi, pour toutes les raisons que tu listes très justement. On perd complètement le rapport intime et charnel qu’il y a avec le texte et du coup, ce dernier perd complètement de son charme. Il est perpétuellement à distance, ce qui provoque l’ennui très vite. J’ai donc définitivement lâché la lecture numérique. A présent, je me sers de ma liseuse comme d’une tablette en voyage pour regarder Netlfix et je continue à embarquer mes livres papiers où que j’aille. C’est très bien comme ça !

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  5. Intéressante, cette réflexion sur le support. Je n’ai pas de liseuse (je suis une lectrice ‘visuelle’ et ça m’agacerait sans doute de ne pas m’y retrouver quand le texte est assez compliqué (pour du roman facile, aucun souci!) et j’ai lu ce roman en version papier, enchantée au départ car j’avais aimé La septième fonction… en dépit du fait que je ne connaissais rien aux sujets abordés!
    Avec Civilizations, j’aurais pu donner au départ les trois différences essentielles pour expliquer que l’Histoire ait dévié, grâce aux bouquins de Jared Diamond entre autres. Mais hélas, après un tiers du livre, je me suis ennuyée… et j’ai abandonné.
    Comme quoi, pas de regret, non?

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  6. On me l’a offert en format papier, heureusement apparemment 😄 Toute la partie Viking et Inca m’intrigue beaucoup, après je n’y connais presque rien donc je risque d’être tout aussi larguée si l’auteur fait des sous-entendus sans en expliquer le sens.
    Je n’ai jamais lu de livre de cet auteur, j’ai un peu peur de ne pas accrocher.

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  7. Même amour pour ses autres livres et même réaction à celui-ci, aussi abandonné ! https://wordsandpeace.com/2019/10/09/book-review-civilizations/
    et pour moi ça n’a rien à voir avec le support. J’habite près de Chicago, et c’est tellement plus facile de télécharger des livres français que de les demander en bibliothèques. Je les aurais, mais je serais limitée dans le temps pour les lire. J’aime les onglets et surout la fonction de recherche au sein d’un livre. elle me sauve souvent la vie pour des thrillers ou des pavés de romans historiques. Pour les polars, des fois vous ne faites pas attention à un personnage et tout d’un coup il réapparait et est essentiel. Si je lis sur papier, pas facile de retrouver ce qu’on a dit de lui dans les 400 pages précédentes. Avec la liseuse, je peux relire tous les passages qui en parlent.
    Mais je lis aussi beaucoup de livres sur papier et j’écoute chaque jour un livre audio. J’ai vraiment besoin des 3 formats à la fois!

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