Une langue venue d’ailleurs, Akira Mizubayashi

Akira Mizubayashi  est un universitaire japonais, professeur de français langue étrangère, écrivain et traducteur. Il vit aujourd’hui au Japon où il enseigne le français. Il écrit aussi bien en français qu’en japonais. Une langue venue d’ailleurs est le récit de son apprentissage du français, débuté alors qu’il avait dix-neuf ans dans les années soixante-dix au Japon. C’est aussi et surtout le récit d’une véritable passion que l’auteur décrit dans sa préface :

«  Le japonais n’est pas une langue que j’ai choisie. Le français, si. Heureusement, on peut choisir sa langue ou ses langues. Le français est la langue dans laquelle j’ai décidé, un jour, de me plonger. J’ai adhéré à cette langue et elle m’a adopté…C’est une question d’amour. Je l’aime et elle m’aime… si j’ose dire… » (p19).

Il raconte comment s’est effectué pour lui ce choix de langue, à travers ses premiers contacts avec le français, lors d’un cours donné à la Radio nationale japonaise, et dont il garde encore le souvenir des « sons clairs et veloutés ».  Il revient sur le rôle joué par son père qui était si attentif aux études de ses enfants, et qui poussait son fils aîné à apprendre la musique. Akira ne fit pas de musique, mais à la place, il étudia le français, dont il dit : « C’était pour moi un instrument qui faisait chanter une musique particulière ».

Autre élément qui a déclenché sa passion, la découverte du texte d’un philosophe japonais, Arimasa Mori, qui décrit l’acquisition d’une langue comme le projet de toute une vie.  Enfin, la philosophie des Lumières, incarnée pour lui dans Suzanne, la servante des Noces de Figaro de Mozart, un  « miracle de réussite littéraire et musicale »  et enfin,  Jean-Jacques Rousseau que l’auteur  considérait à dix-neuf ans déjà, comme « le penseur par excellence de la modernité » et qui demeure, quarante ans plus tard, l’écrivain voire le  « héros » qu’il admire le plus.

C’est en effet le travail de toute une vie que nous décrit Mizubayashi. Avec application, il approfondit toujours davantage ses connaissances en français, d’abord à l’Université de Montpellier où il obtint une bourse pour étudier la didactique du français langue étrangère, puis à l’Université de Tokyo où il retourne avec l’amie française qui deviendra sa femme et enfin dans la prestigieuse Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm.

L’auteur étonne parfois le lecteur francophone par sa détermination sans faille et sa peur de perdre la face, si particulière aux asiatiques : il nous raconte ainsi quelques anecdotes quant à l’utilisation ou la prononciation erronée d’un vocable français. On comprend que sa persévérance l’ait conduit sur la voie du succès dans son apprentissage. Une langue venue d’ailleurs nous permet aussi à nous, francophones, de mesurer la difficulté que représente l’apprentissage du français pour un adulte étranger.

Le roman comporte en outre des réflexions intéressantes quant aux processus d’acquisition d’une langue et à l’utilisation de celle-ci au sein d’une famille mixte ; Mizubayashi évoque en effet son expérience avec sa femme, française, et sa fille, élevée au Japon dans les deux langues. Il explique son « étrangéité« , née de la cohabitation de sa langue maternelle, le japonais et de ce qu’il appelle sa langue paternelle, en hommage au soutien apporté par son père, le français.

Enfin, Une langue venue d’ailleurs comporte quelques très beaux passages sur le français, le tout dans une langue écrite que pourraient envier beaucoup d’auteurs francophones ! Une langue venue d’ailleurs a reçu plusieurs prix, dont le Prix du rayonnement de la langue et de la littérature française de l’Académie Française 2011, et le Prix littéraire Richelieu de la Francophonie 2013. Intéressant et enrichissant !

Une langue venue d’ailleurs, Akira Mizubayashi, Folio n° 5520, Paris, janvier 2013, 263 p.

Livre lu dans le cadre du challenge Objectif Pal

 

 

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