L’axe du loup, de Sylvain Tesson, et A marche forcée, de Slavomir Rawicz.

 

 « A marche forcée », de Slavomir Rawicz raconte le périple d’un groupe d’hommes, évadés du goulag, du cercle polaire à l’Himalaya, en 1941-1942. Soixante ans plus tard, Sylvain Tesson a suivi leurs traces et leur a rendu hommage dans « L’axe du loup ».

Slavomir Rawicz est un jeune officier de cavalerie polonais. Né de père polonais et de mère russe, son crime était de vivre en Pologne orientale, près de la frontière russe et de parler trop bien le russe pour un Polonais. Suspecté d’espionnage, il est fait prisonnier par les Soviétiques dès le début de la seconde guerre mondiale. Après quelques mois de torture et un simulacre de procès, il est envoyé en Sibérie orientale purger une peine de vingt-cinq ans d’emprisonnement.

Rawicz raconte les interrogatoires, le procès, la déportation en wagon à bestiaux jusqu’aux confins de la Sibérie, puis la longue marche  jusqu’au camp 303 , non loin de Iakoutsk et du cercle polaire, et enfin les premiers mois de travaux forcés au sein du camp. Déterminé à survivre, le jeune homme, qui n’a alors que vingt-cinq ans, envisage rapidement une évasion et avec l’aide de la femme du commandant du camp, il réunit une petite équipe de prisonniers et un jour de printemps, alors que la tempête de neige s’annonce idéale pour recouvrir leurs traces, les prisonniers s’élancent vers le sud, à pied, avec des miches de pain rassis et quelques peaux de zibeline pour tout vêtement.

« A marche forcée » devient alors le récit de ce cheminement à pied, d’abord vers le Lac Baïkal, puis à travers la Mongolie et le désert de Gobi, jusqu’aux contreforts de l’Himalaya qu’il faudra franchir pour arriver enfin en Inde. Les compagnons de cette marche forcée souffrent de la faim, de la soif et d’épuisement, mais leur détermination est sans faille et elle va conduire les plus forts d’entre eux jusqu’à la liberté.

Publié en 1956, ce récit a fait l’objet de vives critiques, dès sa parution, puis plus récemment. L’auteur n’aurait pas accompli lui-même cette évasion et la longue marche qui s’en est suivie, comme il le prétend, mais aurait écrit le récit d’un autre évadé. Il est vrai que l’accumulation des épreuves subies par ces quelques hommes peut sembler excessive, notamment lorsqu’ils affrontent le désert de Gobi puis l’Himalaya. Le lecteur en vient à se demander comment ils ont pu échapper à tant de difficultés… Mais  le récit reste particulièrement captivant et je l’ai lu d’une traite à la faveur d’un voyage ferroviaire.

 

C’est le livre de Sylvain Tesson qui m’avait poussé à acheter le récit de Slavomir Rawicz. En effet, agacé par les controverses suscitées par le livre de Rawicz, Sylvain Tesson, marcheur infatigable, a décidé il y a quelques années de refaire le voyage des évadés du camp 303. Il est parti de Sibérie vers le sud, à pied, de temps en temps à cheval et à vélo, mais toujours au seul « rythme de (son) effort physique », sur le « chemin de la liberté ». Il a connu les affres de la faim et du climat, même s’il ne se trouvait pas dans les mêmes conditions de dénuement que les prisonniers d’« A marche forcée ».

Comme à son habitude, Tesson nous livre de magnifiques pages, où les découvertes géographiques se mêlent aux rencontres souvent amicales. « L’axe du loup » est évidemment très différent du livre de Rawicz car Tesson ne devait pas se cacher ni éviter les rencontres pendant toute la partie du trajet qui se déroule en Sibérie. Loin d’être une redite de l’ouvrage de Rawicz, « L’axe du loup » lui est donc complémentaire et je vous conseillerais de le lire après « A marche forcée » que Sylvain Tesson vient éclairer.

L’objectif de Tesson n’était pas de mener une enquête pour déterminer si Rawicz avait dit vrai. En effet, l’écrivain-voyageur  ne se prononce pas, même s’il a pris le parti de croire le récit de Rawicz, comme il le souligne dès les premières pages : « Le drame des hommes à l’existence romanesque est qu’on les tient pour des affabulateurs quand ils racontent leur vie ». Il sait de quoi il parle !

Les arguments historiques que Sylvain Tesson développe ne sont pas sans fondements. Et en ce qui me concerne, j’ai envie de croire avec lui et de faire « mienne » sa profession de foi : « culturellement, je serais plutôt du côté des cœurs simples, qui aiment à croire aux belles histoires que du côté des sceptiques qui sont toujours prompts à réfuter chez les autres des actes qu’eux-mêmes n’auraient pu accomplir ».

 

À marche forcée, Slavomir Rawicz, traduit de l’anglais par Eric Chédaille, Libretto, Paris, 2011, 328p.

L’axe du loup, Sylvain Tesson, Pocket n°12815, Paris, 2007, 277 p.

 

Deux livres tirés de ma Pal pour le Challenge Objectif Pal 2018 chez Antigone.

 

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